Il faut se rappeler que les seuls hélicoptères Français qui ont volé avant la deuxième guerre Mondiale ont été : Le Oehmichen (1er km en circuit fermé en 1924) et le Bréguet/Dorand (record du monde d’altitude : 158 m et de vitesse 108 km/h en 1936).
Toutes ces tentatives sont restées sans lendemain. C’est à partir de 1945 que des efforts conséquents vont voir le jour à l’initiative de la Section Voilures Tournantes du Service Technique de l’Aéronautique dirigée par le Colonel Garry.
Il faut reconnaître que la riche famille des hélicoptères d’Eurocopter a son origine dans les appareils de la SNCASE.
Après quelques prototypes qui ont été abandonné comme le SE 3101 (1er vol en juin 1948), le SE 3000 (1er vol en octobre 1948), le SE 3120 Alouette 1 (août 1951), la SNCASE a été récompensée avec l’Alouette 2 (1er vol en mars 1955 celui de série en mai 1956).
De son côté, la SNCASO se spécialisait dans les hélicoptères à réaction en bout de pales comme le SO 1110 Ariel, le combiné Farfadet et enfin le SO 1221 Djinn qui fut le seul construit en série dans le monde.
Pour parler de l’évolution des essais en vol qui pouvait mieux le faire que Jean Boulet qui a toujours aimé faire partager ce qu’il a vécu. Mais laissons le parler.
Jusqu’en 1953, il n’y avait pas de Services Essais en Vol Hélicoptères, mais une base d’essais à Villacoublay pour la SNCASE et aussi pour la SNCASO où étaient effectués les essais avions et hélicoptères par des pilotes qui pouvaient voler sur les deux types de matériel entre autres Jacques lecarme, Henri Stakenburg, Jean Boulet SNCASE, Claude Dellys et Jean Dabos pour la SNCASO.
Le 1er mars 1953 a été créée à Buc la Base d’Essais en vol d’Hélicoptères de la SNCASE dont j’ai été nommé le Chef avec bien peu de troupes.
Un mécanicien navigant de grande expérience, adjoint au Chef des Essais en Vol, René Barçon, un autre pilote d’hélicoptères, Gérard Henry, une secrétaire et une calculatrice.
René Mouille, appartenant au Bureau d’Etudes, a servi d’Ingénieur Navigant occasionnel avant l’arrivée d’Henri Petit en novembre 1953.
La Piste, sous la Direction de Fizelier, ne comportait que quelques compagnons. Quant au Contrôle Piste, un seul contrôleur à qui rien n’échappait, le père Lévesque.
Avec le succès de l’Alouette 2, le Service s’est progressivement étoffé en 1956 avec l’arrivée des pilotes Coffignot, Lucas, Prost et les mécaniciens navigants Turchini, Malus et Ganivet. Nous nous sommes alors installés au Bourget.
En 1957, la fusion avec la SNCASO vit arriver les pilotes Albert, Frescaline et Fourcaud et les ingénieurs navigants Besse et Boutin.
Le 1er janvier 1962, la base d’Essais était transférée à Marignane.
Jusqu’en 1970, date de la réorganisation de l’Aérospatiale en grandes divisions, le service des Essais en Vols d’Hélicoptères dépendait de la Direction Avions, installée à Toulouse.
Lors de la création de la Division Hélicoptères, les essais Hélicoptères ont été naturellement rattachés au Directeur de la Division. Le 1er janvier 1970, le Département Essais en Vol Hélicoptères est devenu une « Direction ».
Voilà pour se remettre en mémoire le parcours mais passons à l’évolution de la Technique des Essais.
A l’origine de l’aviation, le pilote essayait de voler et ne faisait qu’observer le comportement qualitatif de l’appareil, la façon dont il répondait aux commandes.
Rapidement sont venus les instruments de mesure donnant au pilote les informations sur le fonctionnement du moteur (nombre de tours/mn, pression d’huile, température culasse) et sur les éléments de vol (vitesse, altitude) et pour les essais les positions des commandes. Mais les capacités d’observation de l’être humain sont très limitées.
• L’homme ne peut prêter attention qu’à une chose à la fois,
• Il a une mémoire très infidèle,
• Il n’a du temps qu’une notion très subjective et plus aucune notion en dessous d’un certain seuil.
C’est pourquoi l’enregistrement des phénomènes est d’une importance fondamentale. Mais jusqu’à la deuxième guerre mondiale la technique des enregistrements est restée rudimentaire. On disposait :
• Du barographe Richard, pour l’enregistrement de l’altitude et utilisable aussi pour la pression d’admission,
• Du tachygraphe Jaeger pour les vitesses de rotation des moteurs,
• De l’enregistreur T.L. (Toussaint-Lepère) et plus tard Gunther, ancêtre des enregistreurs à papier photographique.
C’est en France, pendant la guerre, pour les essais d’avions, qu’ont été réalisé les enregistreurs Hussenot-Baudouin qui donnaient synthétiquement différents paramètres sur une seule bande.
Nos hélicoptères ont donc eu la chance de bénéficier, dès le début de leurs essais de ces matériels précieux pour les essais en vol ; ce qui n’empêchait pas d’utiliser la cordelette lestée pour déterminée la hauteur d’un vol stationnaire.
Le SE 3101 et le SE 3000 étaient équipés d’un HB A 13, ainsi que l’Ariel de la SNCASO. Les paramètres enregistrés étaient les suivants :
• Pression statique (altitude)
• Pression totale (vitesse)
• Régime rotor
• Position des commandes (pas général, commande longitudinale, commande latérale et palonnier).
L’A 13 avait une bande enregistreuse de 89 mm de large, se déroulait à la vitesse maximale de 150 mm/s. On ne faisait pas de mesures de contraintes en vol, parce qu’on ne savait pas les faire et aussi parce qu’on n’en avait compris l’absolue nécessité. Les premières mesures de contraintes sur pales ont été faites par le CEV sur l’Alouette 1 et sur un Djinn en 1954 au moyen d’un petit enregistreur A 22 monté sur le moyeu rotor, donc tournant avec lui. Un collecteur rudimentaire à deux bagues permettait d’alimenter l’enregistreur en 24 volts.
Nous avons repris cette technique pour mesurer les contraintes sur les pales de l’Alouette 2 en 1955. Ce n’est qu’après la rupture d’une pale arrière survenue sur un banc d’essai d’Alouette 2 que nous avons compris la nécessité d’enregistrer aussi les contraintes sur les pales arrière. Nous avons alors constaté alors qu’aux contraintes dues aux forces centrifuges se superposaient des contraintes dynamiques dues à la vibration de la pale dans son plan. Tout technicien hélicoptère le sait maintenant mais ce phénomène était alors inconnu. L’enregistrement des contraintes sur tous les éléments vitaux a permis d’augmenter la sécurité des vols. Seul défaut la technique de l’enregistrement en vol ne permettait pas d’aller très vite. On faisait prudemment l’exploration d’un coin du domaine de vol, on rentrait pour dépouiller les enregistrements et vérifier qu’on n’avait pas dépassé les contraintes autorisées, alors seulement, on repartait explorer un peu plus le domaine de vol.
Avec la télémesure, utilisée pour la première fois en 1960 sur le Frelon, un nouveau progrès a été fait. Les contraintes en vol sont surveillées en permanence sur des écrans cathodiques installés dans une salle au sol. L’équipage est immédiatement prévenu en cas d’augmentation des contraintes lors d’un vol d’exploration et pourra revenir dans un domaine connu (sauf si il s’agit d’un phénomène rapidement divergent).
Ensuite est venu l’enregistrement magnétique qui a l’avantage de se prêter aux dépouillements automatiques et également de permettre une synchronisation parfaite des paramètres enregistrés et de la voix de l’équipage. Ces dépouillements permettent de faire très rapidement l’analyse des fréquences et calculer a tout instant l’endommagement des pièces vitales. Toutefois, avec l’enregistrement magnétique, il faut passer par une recopie sur papier pour pouvoir visualiser l’évolution des paramètres de sorte que l’on garde un mélange d’enregistreurs photographiques et magnétiques.
Parallèlement, l’amélioration de la technique permettait de faire face aux demandes du Bureau d’Etudes qui demandait l’enregistrement d’un nombre toujours croissant de paramètres.
Par exemple sur le Super Frelon en 1963, on pouvait enregistrer :
• 70 paramètres sur les enregistreurs photographiques CEC avec une bande de 30 cm se déroulant à une vitesse maximum de 250 cm/s,
• 12 paramètres sur des enregistreurs magnétiques de bord,
• 16 paramètres en télémesure, avec visualisation sur écrans cathodiques et simultanément enregistrement magnétique.
L’ensemble de l’installation de bord pesait 450 kg. Pour le Dauphin en 1972, le nombre de paramètres enregistrables à bord était de 120 (plus 16 en télémesure) à la masse réduite à 300 kg.
Un nouveau pas sera franchi avec en 1977 avec la technique de modulation en impulsions codées (en anglais PCM). Ce système prélève chaque paramètre selon une programmation à la disposition de l’utilisateur, puis on effectue la conversion numérique de chaque prélèvement et forme un message codé, enregistré sur une voie de l’enregistreur magnétique et également transmis au sol par télémesure.
Sur le 330, on enregistrait ainsi plus de 400 paramètres avec une masse d’installation embarquée de 150 kg.
Le développement de ces techniques est lié à celui de l’informatique. Il est évident que le traitement de tous ces paramètres enregistrés ne peut pas se faire sans le concours des ordinateurs. On envisage d’équiper les nouveaux prototypes de microprocesseurs permettant de donner à l’Ingénieur Navigant d’Essais des résultats de calculs permettant d’avoir en vol la courbe recherchée.
Ces installations extrêmement sophistiquées, étaient inimaginables il y a 55 ans et d’ailleurs on n’imaginait pas qu’on put en avoir besoin car on ne connaissait pas encore tous les pièges que peut contenir un hélicoptère. C’est avant tout la recherche de la sécurité qui a amené à perfectionner sans cesse l’outil d’analyse des phénomènes de vol. Mais ce sont aussi les exigences de plus en plus sévères pour le confort des appareils, notamment sur les niveaux vibratoires, exigences de plus en plus difficiles à satisfaire que, parallèlement, la vitesse a doublé.
Mais malgré tous les ordinateurs et microprocesseurs, les essais en vol d’un nouveau prototype constitueront toujours une passionnante aventure ».
Voilà de belles explications sur l’aventure vécue par Jean Boulet qui restera un Maître dans l’Art de l’hélicoptère.
Vos commentaires
# Le 10 juillet 2010 à 11:38, par Chris En réponse à : L’évolution des essais en vol sur hélicoptères
Bonjour,
Je recherche des photos de mon grand-père Jean PETIBON, mécanicien sur le prototype de l’Alouette 2 dans les années 1950 1960 et par la suite sur l’Alouette 3
Brétigny, Buc, Issy-les-Moulineaux, etc..
Merci par avance.
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