On pourrait commencer par : C’est une histoire banale sur un hélicoptère banal piloté par des hommes d’une banalité affligeante, mais lisez la suite.
Un de mes élèves récemment breveté me demande de l’accompagner pour un vol sur Cahors avec son hélicoptère fraîchement acquis, un Bell 47 G1, c’est-à-dire avec un moteur Franklin de 200 cv et des commandes assistées. Saint-Cyr-l’Ecole – Cahors, ce n’est pas une petite distance ; heureusement la météo est excellente avec un léger vent Nord Est. Décollage à 8 h 30 et prise de cap direct pour Châteauroux/Villiers afin d’effectuer un complément de carburant car Déols est fermé le dimanche. Accueil très sympathique de l’équipe qui nous offre le café. Redécollage, je nous signale à Limoges pour le transit puis à Brive-la-Gaillarde où le contrôleur nous donne quelques éléments car il est en vol en tour de piste. Enfin nous arrivons à Cahors, dans un petit village où la DZ se trouve de l’autre côté de la route devant la maison. Pas de difficulté particulière mais mon coéquipier me demande de faire l’approche et la finale, le terrain est légèrement en dévers.
Accueil de la famille, déjeuner fort sympathique. L’après-midi, il me demande de faire voler ses proches et les amis. Mais avant, je vais aller à l’Albenque, terrain de Cahors pour faire le plein. Là aussi, l’accueil est chaleureux et j’aperçois un visage qui ne m’est pas inconnu, c’est bien lui, CAROUL, un ancien pilote de la Gendarmerie qui avait été grièvement brûlé en Algérie après la chute de son Bell 47. Maintenant il est responsable du Club House avec sa femme. Je lui propose un tour de piste avec la trapanelle ; il est heureux l’ancien, il n’a pas perdu la main, juste un peu les tours.
L’après-midi se déroule en vols de complaisance sur Cahors.
Le soir, c’est la fête au village et nous allons y faire un tour, les gens reconnaissent les hommes venus d’ailleurs et pour leur faire plaisir, j’allume les feux et le phare du Bell pour qu’ils puissent faire des photos.
Le lendemain, gare de Cahors direction Paris pour reprendre mes activités au sein de ma société.
Quinze jours plus tard, mon élève me rappelle pour revenir le chercher. Train jusqu’à Cahors. Ce dernier a été faire le plein à l’Albenque pour gagner du temps. Temps toujours beau, vent toujours du Nord Est léger. A Paris, cavok. Nous décidons de gagner Tours pour le ravitaillement. Nous décollons à 14 heures et remontons tranquillement vers Sorigny.
Nous passons travers Loches ; beaucoup de verdure dans ce coin. Nous ne sommes pas loin lorsque, d’un seul coup, le moteur s’arrête net. Mon élève reste avec le pas général en haut ce qui nous fait perdre des tours, je lui crie de me laisser les commandes et me mets en autorotation. Je vise un champ, vire à gauche et effectue un flare accentué pour regagner des tours avant de remettre à plat et soutenir en finale. Nous sommes posés dans un champ de maïs qui en ce mois d‘août sont très hauts. J’appelle Sorigny pour leur dire que nous avons eu un pépin, panne de carburant et demande si l’on pourrait avoir 20 litres de 100 LL pour nous sortir de là.
Hors de l’appareil, nous faisons le tour ; le Bell n’a rien. Nous sortons du champ et voyons des personnes qui viennent à notre rencontre et nous invitent à aller chez eux en attendant. Je leur demande l’autorisation de téléphoner d’abord à la Gendarmerie, au District, et au propriétaire du champ. Un quart d’heure plus tard, un hélicoptère Alouette II de la Gendarmerie vient se poser nous apportant ce qui manquait dans les réservoirs.
Avec le mécanicien, nous rentrons dans le champ et retrouvons la machine. Je lui avoue ne pas comprendre, le voyant bas niveau n’était pas allumé et à la jauge, il semblait rester suffisamment pour arriver à Sorigny. Bref, nous vidons les 20 litres amenés lorsque le mécanicien me fait remarquer que « ça coule derrière le réservoir droit ». Je regarde et m’aperçoit que la purge carburant n’est pas complètement fermée. Voilà le pourquoi !
Le mécanicien s’en va me laissant seul avec la machine. Je l’inspecte minutieusement, dégage un peu la poutre de queue car la végétation est haute et la cime est juste en dessous de la barre stabilisatrice. Pas de visibilité devant et le moindre écart au pied peut se transformer en catastrophe. Mise en route, tout se passe bien, je laisse chauffer et me rappelle qu’il y a une ligne à ma droite. Accélération et je décolle en montant bien droit, l’horizon apparaît et je vais me poser à côté de l’alouette. Arrive le propriétaire, charmant, qui me demande l’amplitude des dégâts, je lui propose de monter avec moi dans l’hélicoptère pour aller voir « Non, pas question, donnez moi 150 frs, ça ira très bien... ».
Nous quittons les personnes nous ayant accueilli si gentiment et à qui j’enverrai un cadeau, quelques jours plus tard, et gagnons Sorigny. Après le plein, les Gendarmes nous invitent à venir boire quelque chose chez eux. Puis c’est le départ ; nous nous expliquons avec l’élève. En effet, celui-ci avait fait la visite pré vol correctement et les purges comme elles doivent être faites mais il n’avait pas remarqué que celle de droite n’était pas remise à l’horizontale. Quant à la lampe témoin de bas niveau, elle avait été enlevée...
Nous traversons Toussus-le-Noble, puis Guyancourt et arrivons à Saint-Cyr-l’Ecole où le Président nous attend. Nous racontons notre aventure et prenons rendez-vous avec mon coéquipier pour quelques séances d’autorotations car s’il avait été avec sa femme, seuls à bord, il ne serait plus là pour en parler.
Quelques jours plus tard, je reçus une lettre du District me disant qu’une procédure allait être engagée à mon encontre car je n’avais pas le droit de sortir du champ avec quelqu’un à bord et que même seul je devais être soit Chef Pilote, soit Instructeur. Etant les deux, je demandai à le Gendarmerie de témoigner comme quoi j’avais bien redécollé seul à bord. Ce qui fut fait et l’affaire se termina sans suite. Un voyage banal en soi...
Vos commentaires
# Le 29 octobre 2014 à 08:52, par rivier emmanuel En réponse à : Un vol presque tranquille
Bonjour Jean Marie,
Merci pour ces reportages magnifiques !
Pourquoi ai je l’impression de reconnaître le Bell 47 de mon père Michel R ?
Toutes mes amitiés.
Emmanuel R.
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