Pilotes d’hélicoptères de l’armée de l’Air en guerre d’Algérie
mercredi 1er mai 2019
Colloque Des hommes et des femmes en guerre d’Algérie, organisé par le CEHD et l’UMR 5609 ESID du CNRS, Auditorium du CNRS, 7 et 8 octobre 2002, Paris. Actes, Jean-Charles Jauffret, Paris, 2003, Éditions Autrement, p. 443-456. Par Marie-Catherine Villatoux
« L’Algérie a été le premier territoire sur lequel les hélicoptères moyens et lourds ont été employés systématiquement en assaut… La jeunesse de cette nouvelle arme et son développement considérable ont obligé à encadrer les unités par du personnel ayant une expérience faible, sinon nulle, de l’emploi, et ceci même dans les postes essentiels »1.
Ces quelques lignes, extraites de l’Instruction provisoire d’emploi des hélicoptères en AFN promulguée en février 1958, sont hautement révélatrices du rôle primordial joué par les voilures tournantes au cours de la guerre d’Algérie, mais plus encore du caractère novateur de leur emploi pendant cette période. Si cet aspect a été, ces dernières années, largement défriché par les historiens2, il nous a semblé intéressant d’apporter un éclairage plus « humain » sur cette aventure des hélicoptères en Algérie, en nous appuyant, pour l’essentiel, sur les témoignages oraux2 recueillis par le Service historique de l’armée de l’Air auprès des anciens pilotes4.
Une constatation s’impose d’emblée à leur écoute : quelques noms, une demi-douzaine tout au plus, reviennent sans cesse dans le cours des récits de ces témoins de l’emploi des premiers hélicoptères au sein de l’armée de l’Air.
1 Instruction provisoire d’emploi des hélicoptères en AFN, n°500/EMAA/3/OP/DR, Secrétariat d’État
aux forces armées « Air », 20 février 1958, SHAA, I 157.
2 Cf. notamment les travaux précurseurs de Patrick Facon, « Les hélicoptères de l’armée de l’Air en
Algérie », Connaissances de l’Histoire, n°46, juin 1982, pp. 6-15 ; « Les hélicoptères de l’armée de l’Air
en Algérie », conférence prononcée devant la Commission française d’histoire militaire, mai 1989 ; « Les hélicoptères dans la guerre d’Algérie », Guerre d’Algérie magazine, n°2, mars-avril 2002, pp. 28-33.
3 Interview du colonel Santini, n°483, 24 février et 21 avril 1987, SHAA, Histoire orale ; Interview du Médecin général Valérie André, n°554, 1990, SHAA, Histoire orale ; Interview du colonel Loïs Le Flécher, n°398, 8 août et 8 décembre 1986, SHAA, Histoire orale ; Interview du lieutenant-colonel Cottet, n°476, 14 décembre 1986, SHAA, Histoire orale ; Interview du général Michel Fleurence, n°769, 1996, SHAA, Histoire orale.
4 Loin de nous l’idée d’occulter le rôle majeur tenu dans cette période par les voilures tournantes de l’ALAT comme de l’aéronavale, mais nous avons choisi de limiter cette étude à l’expérience des pilotes de l’armée de l’Air.
Considérés comme les pères fondateurs de cette spécialité, animés d’une passion extraordinaire pour les voilures tournantes qui rappelle à s’y méprendre celle des pionniers des plus lourds que l’air du début du XXe siècle, les officiers pilotes Santini, Brunet, Sagot, l’officier mécanicien Martin et celle qui allait devenir la première femme général de l’armée de l’Air, Valérie André, sont bien plus que de simples figures tutélaires. Ils sont les inventeurs, au sens plein du terme, – et reconnus comme tels dès les premières heures – des différents modes d’emploi de l’hélicoptère tels que nous les connaissons encore aujourd’hui, depuis les évacuations sanitaires jusqu’aux héliportages d’assaut, en passant par la récupération de pilotes tombés en zone ennemie – l’« exfiltration » – ou encore le dépôt de commandos directement sur le champ de bataille. Cette révolution de la voilure tournante en Algérie n’aurait pu voir le jour sans un certain nombre de progrès techniques dûs autant à leur imagination créative qu’à une incontestable foi dans cette machine qui, à leurs yeux, bouleversait l’emploi de la troisième dimension sur le champ de bataille. A ce titre, l’hélicoptère armé, né de la persévérance du colonel Brunet et de son mécanicien, le capitaine Martin, reste comme la quintessence de tous les efforts accomplis en Algérie. Cet appareil, dont les Américains s’inspirèrent très largement pour la mise au point des hélicoptères d’assaut, allait connaître une destinée sans précédent dans les décennies suivantes, notamment lors du conflit du Vietnam.
Santini, Bartier, André : le « trio » indochinois
C’est au cours de la Seconde Guerre mondiale que l’hélicoptère fait, pour la première fois, son apparition sur les champs de bataille. L’US Army Air Corps emploie ainsi une cinquantaine de Sikorsky R-4 biplaces sur le théâtre Pacifique afin d’effectuer des missions d’évacuation sanitaire et de sauvetages. L’état-major de l’armée de l’Air, tenu au courant de cette expérience, ne manifeste pourtant, en 1945, aucun intérêt particulier pour la nouvelle machine, jugée alors trop coûteuse et d’un entretien trop complexe. Les appareils légers, du type Morane 500, paraissent alors suffisants pour mener à bien ce type de missions, dans un contexte économique peu favorable à l’armée de l’Air. Toutefois, le médecin-général Robert, directeur du service de santé du corps expéditionnaire en Extrême-Orient, ne partage pas cette analyse et décide d’acquérir, sur ses fonds propres, à la fin de 1949, deux Hiller 360 UH-12A de construction américaine, livrés en avril 1950. Contraint de prendre en charge la formation du personnel destiné à servir ces appareils, le service de santé demande
cependant à l’armée de l’Air de lui détacher un pilote. Ce dernier n’est autre que le lieutenant Alexis Santini, alors pilote de reconnaissance, qui rappelle avoir été « volontaire pour être le premier pilote d’hélicoptère désigné par le ministère de l’Air. J’ai fait mon stage ensuite à Cormeilles-en-Vexin, dans une école civile (Hélicop-Air) dirigée par le commandant Boris, un ancien de l’aviation. Après vingt heures de vol dans cette école, j’ai rejoint l’Indochine où je me suis spécialisé. Là, j’ai travaillé seul afin de me perfectionner et d’être capable d’évacuer des blessés de jour et de nuit dans toutes les conditions. Puis je me suis déclaré opérationnel ! ». Dès lors, Santini multiplie les missions d’évacuations sanitaires dans toutes les situations, même les plus difficiles. C’est là qu’il met au point la première innovation française en la matière, baptisée depuis « approche Santini » : « Je descendais en spirale de façon à atteindre rapidement le sol, sans m’écarter de la zone d’atterrissage, après une arrivée à haute altitude. Ainsi, je n’ai jamais été touché par les tirs des Viêts ». A l’automne 1950, le capitaine Santini est secondé par un autre pilote qu’il a rendu peu de temps auparavant opérationnel, le sergent Fumat. Les deux hommes assurent dorénavant la quasi totalité les missions sanitaires confiées au hélicoptères jusqu’au rapatriement de Fumat en 1951, à la suite d’un accident de jeep. L’adjudant Bartier, un as des Morane sanitaires dont Santini avait senti les prédispositions pour l’hélicoptère, est formé sur place pour venir heureusement prendre la relève. Dans le même temps, le médecin-capitaine Valérie André déjà pilote d’avions légers, brevetée parachutiste et membre du corps auxiliaire de médecins recrutés dès 1948 en métropole par le général Robert, soumet sa candidature à la suite d’un « coup de foudre pour ce genre d’appareil qui permettait d’aller rechercher un blessé en mauvaise posture sur les lieux mêmes des combats au lieu de faire ce que nous faisions jusqu’alors : nous étions parachutés ou aérotransportés au plus près des blessés ». Formée chez Hélicop-Air puis transformée et « lâchée » par Santini en mars 1952, Valérie André constitue le dernier élément pour le moins inattendu du surprenant trio qui allait écrire l’épopée des « ventilateurs » de l’Escadrille de Liaisons Aériennes de l’armée de l’Air ELA 52 basée à Than Son Nuth. Cette expérience demeure sans nul doute le socle sur lequel va s’appuyer la mise en œuvre future des hélicoptères en Algérie ne serait-ce que par quelques « trouvailles » dont l’origine a depuis été oubliée mais qui ont sans doute joué un rôle déterminant dans la prise de conscience des extraordinaires et singulières potentialités des voilures tournantes. Valérie André conserve ainsi en mémoire le jour où elle a servi de « cobaye » à Santini, désireux de mettre au point une méthode efficace pour récupérer les pilotes « crashés », souvent blessés, dans des zones difficiles d’accès : « De l’hélicoptère, le sauveteur doit dérouler une corde de plusieurs mètres de long, munie à son extrémité d’un mousqueton. Tout pilote de chasse porte un parachute… et n’aurait qu’à marier le mousqueton à un œillet du harnais du parachute ». On comprend mieux, dès lors, pourquoi l’armée de l’Air, réticente dans les premières heures, se décide à créer en mars 1952 une seconde section d’hélicoptères l’ELA 53 basée à Gialam, près d’Hanoi. De nouvelles machines sont réceptionnées10, des pilotes sont formés tant en France en Grande-Bretagne qu’aux Etats-Unis mais tous rendus opérationnels par Santini en Indochine. Petit à petit les missions qui leur sont imparties s’étoffent : outre les évacuations sanitaires et les sauvetages qui restent majoritaires, le transport de matériel et de vivres occupent désormais une part notable de leurs activités de même que les liaisons. Comme le souligne le général Fleurence, « pendant ces cinq années de guerre, plus de 11 000 blessés ont été évacués par hélicoptères, 38 pilotes récupérés en zone rebelle ainsi qu’une centaine d’évadés de Diên-Biên-Phu, sans compter quelques dizaines de combattants exfiltrés des jungles du pays Thaï et du Haut-Tonkin ».
5 En version sanitaire, le Hiller 360, doté d’un moteur de 180 ch, peut transporter deux civières disposées de part et d’autre de la cabine.
6 Incorporé en octobre 1935 à l’école d’Istres, sergent pilote le 1er mai 1939, Alexis Santini est d’abord transformé sur Bloch 174 au centre d’instruction de Tours avant d’être affecté au groupe 2/36, dissous le 28 mai 1940. Il rejoint alors l’escadrille de chasse de nuit 1/13 à Nîmes, puis entre dans la Résistance au début de 1941 et crée le maquis de Crupics dans la Drôme trois ans plus tard. En octobre 1944, il est intégré dans l’aviation des Alpes où il effectue de nombreuses missions de reconnaissance sur les arrières ennemis aux commandes d’un Morane 500. Promu sous-lieutenant le 25 mars 1945, il est volontaire pour l’Indochine où, de 1946 à 1949 il participe à des opérations de reconnaissance, de réglages de tirs et d’évacuations de blessés à partir du terrain de Saigon puis d’Hanoi. Cf. « Décès du colonel Santini. Un pionnier de l’hélicoptère disparaît », Air actualités, n°500, mars-avril 1997, pp. 12-13.
7 Interview du colonel Santini, op. cit., SHAA, Histoire orale.
Aux premiers temps de l’Algérie : réorganisation et formation d’un personnel spécialisé
La fin de la guerre d’Indochine correspond à une intense phase dérationalisation de l’emploi des hélicoptères dans l’armée de l’Air. Précédemment dispersées dans les escadrilles de liaison ELA 52, 53 et 54, les voilures tournantes sont intégrées, à partir de 1954, au sein d’une escadre spécialisée et autonome, la 65e EH (escadre d’hélicoptères) commandée par le lieutenant-colonel Charreire dont le capitaine Santini est l’adjoint direct, et basée à Bakeo, près de Saigon. Or, avec le début des troubles en Algérie, les responsables aériens décident de rassembler tous les anciens pilotes d’Indochine et leurs équipes de maintenance afin de doter la Ve région aérienne d’une flotte d’hélicoptères. Le 1er avril 1955, une première escadrille d’hélicoptères légers (EHL) n°57, équipée de dix Bell 47, est créée sur la base aérienne de Boufarik. Début juillet, l’escadrille est renforcée par l’arrivée de huit Sikorsky H-19 provenant des forces françaises en Allemagne et formant une nouvelle unité d’hélicoptères moyens. Les deux escadrilles rassemblées forment, dès la mi-juillet, le groupement mixte d’hélicoptères (GMH) n°57, aux ordres du colonel Devillers.
8 Née le 21 avril 1922 et passionnée dès son plus jeune âge par le pilotage et le parachutisme, Valérie André exerce alors dans différents hôpitaux de Saigon et appartient également à une antenne chirurgicale parachutiste.
9 Valérie André, Madame le Général, Paris, 1988, Perrin, p. 55 et Interview du Médecin général Valérie André, op. cit., SHAA, Histoire orale.
10 A la fin de 1953, l’armée de l’Air compte 23 hélicoptères dont la disponibilité moyenne est d’une quinzaine. Il s’agit, pour l’essentiel, de Hiller 360 UH-12A, de Hiller H-23, de Westland Sikorsky S-51 et de Sikorsky S-55 (H-19 pour la version militaire).
11 Une centaine de pilotes environ de l’armée de l’Air furent formés au long du conflit d’Indochine.
Or, le 14 juillet 1955, Santini quitte la 65e EH, dissoute le 31 août suivant, pour les Etats-Unis, invité par la firme Hiller. Il rappelle ainsi que « le général Léchères, chef d’état-major de l’armée de l’Air (lui) avait confié une mission d’étude aux Etats-Unis dans les usines de fabrication d’hélicoptères lourds, Piasecki et Sikorsky. Je suis resté un mois pour faire mon choix. A mon retour, je me suis aperçu que le Sikorsky S-58 (H-34 dans sa version militaire) paraissait plus adapté pour l’Algérie que le H-21. J’ai remis mon rapport fin août et j’ai conseillé l’achat des H-34 pour l’armée de l’Air »13. La fin de l’année 1955 marque, par ailleurs, une étape décisive dans la formation des pilotes d’hélicoptères. Le colonel Santini se rend en Algérie en octobre car, dit-il, « il y avait trop de casse de matériel et on (lui) a demandé de réfléchir à la formation des pilotes. Je les ai entraîné à voler de jour comme de nuit. C’est là qu’à la fin de l’année je suis appelé par le ministère qui m’a demandé de créer une division d’instruction hélicoptères (DIH) à Chambéry ».
L’école, installée sur la base aérienne de Bourget-du-Lac, ouvre ses portes dès le mois de janvier suivant avec 31 appareils pour la plupart récupérés d’Indochine (Hiller, Bell, Westland Sikorsky) si l’on excepte quelques vieux H-19 de la compagnie belge Sabena, rachetés par l’armée de l’Air. Jusqu’en septembre1958, Santini est placé à la tête de l’établissement qui forme, tout au long du conflit algérien, plus de 400 pilotes de l’armée de l’Air brevetés. Homme d’expérience, Santini décide de choisir comme instructeurs les meilleurs de ceux qu’il avait transformés en Extrême-Orient. Les autres sont dirigés vers l’Afrique du Nord pour former le noyau dur des unités d’hélicoptères en cours de création. Tous proviennent de la chasse ou du transport et subissent une formation de base de soixante heures de vol pour in fine être spécialisés, en fonction de leurs aptitudes, sur hélicoptères légers après vingt heures de perfectionnement ou sur hélicoptères moyens et lourds après trente heures. Avec l’arrivée des premiers H34 en juin 1956, puis des Alouette II à partir du début de 1957 en remplacement des Bell, la carence en pilotes se fait nettement sentir et l’armée de l’Air décide, dans un premier temps, de former des mécaniciens. Cette solution est cependant rapidement abandonnée en raison d’un taux de réussite (60%) jugé trop faible. Aussi est-il proposé aux jeunes pilotes volontaires qui sortent de l’école de formation initiale basée à Marrakech de passer sur hélicoptères pour suivre le stage d’une durée de six mois, à Chambéry15. Ce choix s’avère des plus judicieux en raison du caractère davantage uniforme du recrutement ainsi mis en place et permettra de limiter les pertes en hommes comme en matériels.
12 Général Michel Fleurence, « L’avènement de l’hélicoptère dans l’armée de l’Air », colloque CEHD,
La IVe République face aux problèmes d’armement, Paris, 1998, Addim, p.
13 Interview du colonel Santini, op. cit., SHAA, Histoire orale.
14 Ibid.
Des pilotes aux missions diversifiées
A leur arrivée en Algérie, les pilotes d’hélicoptères, à l’origine exclusivement regroupés au sein du GMH 57, assurent des missions de liaison, de reconnaissance, d’évacuation sanitaire ainsi que des opérations de sauvetage en mer ou à terre (SAMAR et SATER). Un ou deux appareils sont généralement détachés, à la demande de l’armée de Terre, auprès des unités au sol engagées dans les opérations de maintien de l’ordre, notamment dans le Constantinois et dans les Aurès-Nementcha. Les colonels Santini et Le Flécher relèvent ainsi que les jeunes pilotes d’hélicoptères, qui manquent parfois d’autorité, éprouvent les pires difficultés à imposer les restrictions nécessaires à l’utilisation de l’hélicoptère à des colonels ou à des généraux de l’armée de Terre ou de la Légion qui ont par trop tendance à les « prendre pour des taxis »16 et à les faire décoller, de jour comme de nuit, et parfois dans des conditions météorologiques excessivement dangereuses. Ils dépassent fréquemment leur quota d’heures de vol, se nourrissent souvent d’un simple en-cas et la fatigue qu’ils accumulent est souvent à l’origine d’accidents. Cet emploi encore désordonné de l’hélicoptère qu’accompagnent une dispersion des moyens et une organisation logistique insuffisante conduit à une nécessaire réorganisation des unités de l’armée de l’Air en Algérie. Dissous le 1er novembre 1956, le GMH 57 laisse la place aux 2e et 3e escadres d’hélicoptères. La première, basée à Oran-la-Sénia est forte de trois escadrilles18 qui couvrent toute
15 Ce récit s’appuie sur les souvenirs du colonel Santini recueillis par la Section Histoire orale du SHAA.
16 Interview du colonel Loïs Le Flécher, op. cit., SHAA, Histoire orale.
17 Interview du colonel Santini, op. cit., SHAA, Histoire orale.
18 Ces trois escadrilles sont respectivement composées d’hélicoptères légers, moyens et lourds.
l’Oranie, tandis que la seconde, installée à Boufarik, est chargée d’opérer sur l’Algérois et le Constantinois. Dans le même temps, chaque escadre peut dorénavant assurer de manière autonome l’équipement des détachements en tentes, camions, cuisines roulantes, tous moyens logistiques nécessaires à la vie quotidienne des pilotes servant auprès de l’armée de Terre. Le lieutenant-colonel Chantier, commandant de la 3e escadre, se souvient ainsi qu’un « appareil partait quinze jours, trois semaines, parfois bien plus longtemps. Il stationnait dans un grand champ à côté de deux camions. L’appareil avait emporté lui-même le nécessaire de camping pour l’équipage. Son autonomie était très poussée. Il fallait seulement que l’armée de Terre assurât la garde de nuit ». Les missions, quant à elles, connaissent une diversification sans précédent à partir de 1956 à la suite d’un double phénomène : l’apparition de l’hélicoptère lourd H-3420 et l’imagination créative de quelques-uns qui s’efforcent de mettre au point les rudiments d’une doctrine d’emploi où l’hélicoptère, loin de se confiner à un rôle d’auxiliaire, interviendrait de manière autonome et spécifique sur le champ de bataille. Il convient, à cet égard, de souligner que dès le 22 février 1956, un détachement de quatre H-19 de l’armée de l’Air sous les ordres du commandant Sagot réalise la première véritable opération héliportée française, imaginée conjointement par ce dernier et le lieutenant-colonel Bigeard qui commande alors le 3e régiment de chasseurs parachutistes (RCP). Le succès de cette innovation, où le posé des parachutistes suit exactement l’évolution des combats, joue un rôle incontestable dans la prise de conscience des immenses avantages que représente l’hélicoptère dans la contre-guérilla. Capable d’atteindre des zones inaccessibles aux véhicules, cet appareil permet d’épargner aux troupes au sol de longues et épuisantes heures de marche ou d’escalade tout en les projetant instantanément en zone de combat. Le colonel Le Flécher constate ainsi
19 Témoignage du général Chantier recueilli par Bruno Mellina, Air actualités, n°298, 1975, p. 60.
20 Utilisé à l’origine par l’armée américaine, le H-34 emporte un équipage de trois hommes composé d’un pilote investi des fonctions de commandant de bord et assis à droite, d’un copilote installé à gauche et d’un mécanicien navigant assurant les fonctions de « dispatcher » au moment du vol. Cet hélicoptère dispose d’un moteur Wright R-1820-24 de 1 525 ch qui lui confère une vitesse de croisière de 165 km/h et possède une capacité en carburant de 1 025 l. Sa masse à vide est de 3 468 kg, sa charge utile de 2 565 kg et sa masse totale de 6 035 kg. Doublant les possibilités du H-19, il peut transporter de 10 à 12 hommes.
21 Signalons cependant que le capitaine Puy-Montbrun réalisa en Indochine, à la fin 1954, la première « micro-opération héliportée de l’armée française » pour le dépôt d’un commando en Centre-Annam, cf. sur ce point Déodat Puy-Montbrun, L’honneur de la guerre, Paris, 2002, p. 145.
que « le commandant Sagot et le colonel Bigeard ont permis une utilisation rationnelle et efficace de l’hélicoptère que l’armée de Terre avait beaucoup trop tendance à prendre pour un camion volant, et ont ainsi évité de coûteuses pertes humaines »22. Signalons à ce propos que si les Marines Américains, au cours de la guerre de Corée en septembre 1951, dans le cadre de l’opération « Summit », avaient déjà expérimenté l’héliportage, il ne s’agissait cependant pas d’un posé d’hommes, directement au contact de l’adversaire23, mais d’une simple relève de troupes en territoire ami. A l’arrivée du H-34 sur le territoire algérien en juin 1956, les missions héliportées voient leur nombre se multiplier tant les potentialités de la nouvelle machine surclassent celles du H-19. Contrairement à ce dernier qui ne peut embarquer que six, voire huit, combattants, le H-34 « Cargo » parvient à déposer sur zone pas moins de dix à douze commandos entièrement équipés. Le H-19 doit désormais se contenter du transport de fret ou de blessés, tandis que les hélicoptères légers, du type Bell 47, se voient dévolus le rôle de Postes de Commandement (PC) volant, de même que les premières Alouette II livrées en 1956. Le colonel Santini n’hésite pas à rappeler combien cette dernière machine, de construction française, était fragile, le bord d’attaque des pales s’effritant sous la pluie et même pouvait s’embraser en quelques dizaine de secondes au moindre court-circuit24. Confronté à de nombreux incidents, il décide donc de faire réduire la quantité de kérosène embarquée de 500 litres à 300 litres, conférant à l’appareil une autonomie de deux heures, et de compléter la jauge en cours de mission si nécessaire. Ce détail, qui peut paraître anodin, se révèle en réalité essentiel dans la mesure où, à la suite de l’application des consignes édictées par Santini, les accidents graves sur Alouette voient leur nombre décroître rapidement pour pratiquement disparaître.
Or, si dans les premiers temps, les combattants de l’ALN sont terrifiés par ce qu’ils désignent sous le qualificatif d’« avion à plumes », ils s’attachent rapidement à mettre au point des parades, n’hésitant pas, dans certains cas, à
22 Interview du colonel Le Flécher, op. cit, SHAA, Histoire orale.
23 Cf. à ce propos, Capitaine Garnier, « De l’Indochine à l’Algérie, l’hélicoptère dans les armées françaises », La IVe République face aux problèmes d’armement, op. cit., pp. 483-485.
affronter les hélicoptères en tirant sur les pilotes à travers la verrière ainsi que sur les rotors ou les réservoirs. Valérie André rapporte que « des documents découverts sur des rebelles capturés révèlent des instructions de tir pour abattre un hélicoptère »25. Lors de missions d’évacuation sanitaire notamment, ils attendent le début des manœuvres de décollage, une fois le dernier blessé embarqué, pour ouvrir le feu. Si les baquets de protection fixés au siège sont progressivement dotés d’un blindage léger, les hommes équipés de gilets pareballes ainsi que de casques repeints en kaki au lieu du blanc réglementaire tandis que les cocardes apposées sur les portes – formant de véritables cibles – sont effacées26, ces mesures de prévention s’avèrent insuffisantes face à la témérité de plus en plus grande des combattants de l’ALN. L’idée d’armer les hélicoptères découle précisément de ce constat.
Félix Brunet et Émile Martin : du « Mammouth » au « Pirate » « Félix »… Le prénom revient sur toutes les lèvres des anciens pilotes de voilures tournantes de l’armée de l’Air à la simple évocation de l’hélicoptère armé.
Le colonel Brunet – car c’est bien de lui qu’il s’agit – est effectivement le père indiscuté de ce concept qui a suscité à l’origine bien des réticences voire des oppositions au sein de l’état-major. Cet ancien pilote d’observation, né en 1913 et entré dans l’armée de l’Air en tant que mécanicien en 1932, a déjà une longue carrière derrière lui lorsqu’il est affecté en Algérie dès 1954. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il combat au sein des forces aériennes françaises libres, dans le groupe de chasse 2/5 « La Fayette » puis dans le 1/3 « Corse » qu’il commande. Titulaire de deux victoires en combat aérien, il rejoint, à peine la guerre achevée, l’Indochine où il effectue trois séjours jusqu’en 195427. C’est en Extrême-Orient qu’il fait la découverte – comme beaucoup d’autres – des
24 Valérie André insiste, elle aussi, sur cette extrême inflammabilité, caractéristique commune à toutes les voilures tournantes de l’époque, Interview du Médecin général Valérie André, op. cit., SHAA, Histoire orale.
25 Ibid.
26 Cf. Valérie André, op. cit., pp. 156-157.
27 Pour des éléments plus complets sur la carrière de Félix Brunet, se reporter à Simone Pesquiès-Courbier, « Le colonel Félix Brunet », Air actualités, n°348, février 1982, pp. 38-43 et Notice biographique, salle de lecture du SHAA.
hélicoptères28 sans toutefois imaginer qu’il révolutionnerait quelque années plus tard leur emploi opérationnel. A l’issue d’une période de commandement de la base aérienne de Bizerte, il se porte volontaire pour un stage sur hélicoptères à Chambéry où le colonel Santini se charge de son instruction. A l’automne 1956, nommé colonel à l’âge de 43 ans, il prend la tête de l’escadre d’hélicoptères n°2 à Oran pour laquelle il choisit une devise : « Combattre et sauver ». L’unité comprend alors une escadrille d’hélicoptères légers Bell 47 remplacés ultérieurement par des Alouette, une escadrille d’hélicoptères moyens H-19 et un escadron d’hélicoptères lourds H34. Dès cet époque, Brunet, qui a déjà longuement réfléchi à l’emploi de l’hélicoptère, va trouver en son chef mécanicien, le capitaine Émile Martin, un extraordinaire soutien. Détail pour le moins intéressant, ce dernier avait été envoyé, dès décembre 1952, en Corée et au Japon avec quatre autres officiers du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient pour assister à une démonstration de Marines effectuant un hélitransport de matériels et de commandos sur H-1929. Leur passion commune pour les voilures tournantes les conduit à mettre au point plusieurs innovations tant dans le domaine technique – avec notamment l’armement et l’utilisation de filtres à sable pour protéger les moteurs – que dans celui de l’emploi de ces machines – avec la sécurisation des DZ30.
A vrai dire, les premiers essais d’armement d’un hélicoptère, avec un canon de 75 sans recul placé sur une carcasse de H-19 Cargo, ne s’avèrent guère concluants. Brunet, qui travaille alors de manière officieuse sans avoir, semble-t-il l’assentiment de ses supérieurs hiérarchiques, ne se décourage pas pour autant. Sans renoncer à son idée première de canon, il envisage de fixer des mitrailleuses en sabord aux fenêtres d’un H-34. La mise au point de cette configuration se heurte alors à de nombreuses difficultés techniques qui, sans la persévérance et
28 Commandant du GATAC Sud à Saigon entre 1949 et 1951, Félix Brunet a été amené, par le plus grand des hasards, à autoriser la première mission opérationnelle d’un hélicoptère militaire français, le 16 mai 1950.
29 Philippe Boulay, « Comment l’hélicoptère de combat naquit en France », Le fana de l’aviation, février 1996, p. 20.
30 La « DZ » ou « Dropping Zone » désigne la zone de parachutage et par extension, à partir de la guerre d’Indochine, la zone de posé des hélicoptères. Cette aire d’atterrissage, située en général dans un endroit dégagé, doit être tout à la fois balisée – par des éclairages électriques ou des feux – et sécurisée, au besoin grâce à l’intervention de l’infanterie ou de l’aviation de combat.
l’ingéniosité de son mécanicien, n’auraient pu être vaincues. C’est ainsi que le capitaine Martin a l’idée de monter sur l’appareil, à l’aide de tubes de récupération, des canons de 20 mm MG 151, de construction allemande.
Toutefois, comme le rappelle le colonel Santini, « il s’est heurté à un grave problème : lors des tirs, en raison du recul très important de l’arme, des fissures apparaissaient dans la structure du H-34 …. Grâce à l’aide du lieutenant de vaisseau Babot de l’aéronavale, passionné comme Brunet par la question de l’armement de l’hélicoptère, Martin se procure des amortisseurs de canons entreposés à Mulhouse et là, miracle, les fissures ne se produisaient plus sur le H-34 et le canon fonctionnait sans problème »31. En juillet 1957, le H-34, doté du canon MG 151 mais aussi de deux mitrailleuses de 12,7 mm et d’une mitrailleuse MAC de 7,5 mm, est essayé au champ de tir de la Sebkra d’Oran, devant des officiers des armées de l’Air et de Terre. Le canon ne disposant pas de viseur, la démonstration de tir est effectuée par un tireur d’élite, sous-officier parachutiste des commandos de l’Air. Les performances de l’appareil font tomber toutes les préventions et le premier H-34 armé, baptisé « Mammouth » – indicatif radio du colonel Brunet – reçoit l’agrément des autorités militaires.
Dès lors, Brunet se donne pour objectif d’améliorer, grâce au « Pirate » – nom attribué aux appareils armés produits en série en France – les opérations héliportées initiées par Sagot et Bigeard au début de 1956 en formulant une véritable doctrine d’emploi. Les appareils sont désormais regroupés en détachements d’intervention héliportés ou DIH comprenant six H-34 « Cargo », et un H-34 « Pirate », intégrés à une troupe combattante. Avant toute opération, Brunet obtient qu’un responsable hélicoptère soit présent lors des réunions de préparation, qu’il lui soit fourni la position exacte des troupes françaises et celles supposées de l’ALN. Par ailleurs, « afin de protéger au maximum la DZ, Brunet demande que celle-ci soit systématiquement bombardée par des B-26, soit par des tirs d’artillerie, que la chasse lourde soit présente si nécessaire avant même l’arrivée du Pirate »32. Celui-ci la balise avec des fumigènes et se met en position de protection rapprochée, tirant avec ses armes de bord si nécessaire. Les tireurs d’élite, pour la plupart des commandos de l’Air, assurent cette mission, protégeant
31 Interview du colonel Santini, op. cit., SHAA, Histoire orale.
32 Interview du colonel Le Flécher, op. cit., SHAA, Histoire orale.
ainsi le poser des hommes – moment particulièrement vulnérable – assuré par des H-34 « Cargo ». La « méthode Brunet » se révèle si efficace qu’aucun H-34 « Pirate » n’est perdu au cours de la guerre d’Algérie. En outre, lorsque les opérations au sol ne nécessitent pas la présence d’une ou plusieurs DIH, une unité d’intervention héliportée ou UIH est alors constituée autour d’un « Pirate » et de trois H-34 « Cargo ». Enfin, pour coordonner l’action des troupes au sol, des avions et des hélicoptères, un hélicoptère léger fait office de poste de commandement Air (PCA) et permet de régler l’ensemble de la manœuvre au sol et dans les airs, grâce à la présence conjointe d’un représentant aérien et terrestre. L’hélicoptère armé joue également un rôle non négligeable lors des évacuations sanitaires sous le feu de l’ennemi, autorisant le sauvetage de blessés dans des conditions auparavant impossibles. Valérie André, transformée sur H-19 en juillet 1956 et sur H-34 l’année suivante, assure à l’époque tout à la fois des missions sanitaires et d’héliportage. Elle rappelle ainsi que le H-34, dont il suffit de changer la porte pour la remplacer par une autre comportant une croix rouge, peut embarquer à bord un médecin ou un infirmier pouvant traiter des blessés graves et surtout les évacuer de nuit. Toutefois, le pilotage de nuit de ce type
d’appareil demeure réservé à des pilotes triés sur le volet.
A la fin de 1958, alors que le général Challe est nommé au poste de commandant en chef en Algérie en remplacement du général Salan, Félix Brunet quitte l’EH 2 pour rejoindre l’Institut des hautes études de Défense nationale (IHEDN). Il revient, sur sa demande, en Algérie en août 1959 pour prendre le poste de commandant de l’Air de Colomb-Béchar, mais victime d’une affection cardiaque le 5 décembre 1959, il disparaît sans avoir pris part aux grandes opérations du plan Challe qui marquent, à bien des égards, la concrétisation ultime de tous ses efforts.
33 Interview de Valérie André, op. cit., SHAA, Histoire orale.
Le plan Challe ou le triomphe de l’héliportage d’assaut
Le colonel Santini, nommé à la fin de 1958 chef du bureau hélicoptères de la Ve
région aérienne, veille à ce que chacune des escadres dispose du plus grand nombre possible d’hélicoptères lourds qui, en 1960, finissent par représenter une cinquantaine de machines au sein de chacune des deux grandes unités. Cette organisation devient un outil de première importance lors du plan Challe qui utilise l’hélicoptère d’assaut comme un des pivots majeurs de son dispositif d’action. Les DIH opèrent aux côtés des H-21 « Banane » de l’armée de Terre, permettant l’héliportage des troupes aéroportées de plus en plus nombreuses selon un rythme des plus soutenu. Le colonel Le Flécher se rappelle même avoir volé pendant 17 heures d’affilée sans avoir pu se restaurer et ce toutes les cinq heures comme le règlement l’exigeait ! Destinés à améliorer ces conditions de vie souvent des plus rudes, des « supports de DIH » se mettent en place à Oran, Blida et Telergma, disposant d’un personnel qualifié se déplaçant sur les zones d’opérations pour assurer l’hébergement et l’intendance au moyen de tente réfectoire, de tentes dortoirs avec des lits picots garnis de matelas pneumatiques ainsi que des tentes abritant des douches34. Les équipages d’hélicoptères sont détachés pour un mois auprès des troupes au sol ne disposant que de permissions de douze à vingt-quatre heures par mois pour retourner à leur base de rattachement. Côtoyant au quotidien les hommes de l’armée de Terre, les pilotes interviewés font état de contacts très fructueux entre les deux armées au point que parfois les équipages de H-34 et de H-21 échangeaient leurs appareils afin d’en éprouver les qualités respectives.
L’année 1959, au cours de laquelle sont lancées les opérations « Jumelles » et « Pierres précieuses », voit les hélicoptères de l’armée de l’Air effectuer 53 000 heures de vol. Ils procèdent ainsi à 7 500 évacuations sanitaires, déposent 170 000 commandos, transportent plus de 45 000 passagers, ainsi que 1 200 t de fret. Ces quelques données chiffrées témoignent, à elles seules, de la part prépondérante prise par les voilures tournantes dans les dernières années du conflit en Afrique du Nord.
Lorsque s’achève la guerre l’Algérie, les pilotes d’hélicoptères constituent incontestablement un corps spécifique au sein de l’armée de l’Air, avec son école de formation, sa doctrine d’emploi, ses traditions, ses pages de légende et ses figures tutélaires – Santini, Brunet, André. Ils sont devenus une des pierres angulaires de l’utilisation de la troisième dimension dans la lutte antiguérilla, à tel point d’ailleurs que les Etats-Unis n’ont eu de cesse d’envoyer des émissaires en Afrique du Nord pour constater les progrès fulgurants accomplis par ces hommes au cours du conflit algérien36. Devenus en quelque sorte des interfaces entre leurs homologues de l’aviation et les troupes terrestres, les pilotes d’hélicoptères ont eu souvent la sensation de « retrouver un peu l’aviation des débuts, où un grand champ suffit pour se poser, où l’on n’était pas lié aux pistes en béton… qui n’existaient pas ».
34 Interview du colonel Santini, op. cit., SHAA, Histoire orale.
35 Interview du général Michel Fleurence, op. cit., SHAA, Histoire orale.
Dès la première livraison des H-34, la maison Sikorsky avait envoyé sur place, à Oran, par détachement de six mois plusieurs de ses représentants qui ne se sont pas privés d’envoyer des rapports et photographies outre-Atlantique qui ont ainsi permis un transfert technologique incontestable. Cf. Interview du colonel Le Flécher, op. cit., SHAA, Histoire orale.
37 Témoignage du général Chantier, op. cit., p. 58. Source