La DZ des Bois : Détachement de Chamonix
dimanche 2 décembre 2018
Créée en 1964, la Base Hélicoptère de la Protection civile d’Annecy (devenue Sécurité civile en 1975) sera, dès son implantation, sollicitée pour répondre tout d’abord au côté pratique et rapide des déposes et transports les plus divers. Progressivement, elle va s’inclure dans les plans de secours en montagne du massif du Mont-Blanc. Mais l’utilisation de cet appareil vient perturber quelques vieux principes et habitudes. Il est bruyant et reste encore un engin dangereux dans l’esprit des montagnards. Le secours dramatique des deux jeunes alpinistes Vincendon et Henry est encore bien présent dans les mémoires.
Très vite, un détachement saisonnier alternant hélicoptères Protection civile et Gendarmerie été/hiver se crée sur la commune de Chamonix. Ils se posent tout d’abord çà et là modifiant sans cesse leurs points de stationnement afin de ne pas perturber les mêmes riverains. Le plus souvent, ce sera à la Patinoire ou sur la Place du Marché face aux appartements loués par le PGHM. Un beau matin ayant passé la nuit sur place, l’équipage retrouve son Alouette II “prisonnière”, au beau milieu des étals du marché. Quelques tendeurs d’auvents ont même trouvé leurs fixations sur le train d’atterrissage.
L’Alouette est équipée d’un treuil de sauvetage, mais son utilisation opérationnelle n’est pas encore “autorisée”. Il est arrivé qu’un équipage soit obligé de déposer des victimes décédées à la lisière du bois en attendant leur récupération par le service local très modeste des pompes funèbres. Les corps ne sont récupérés en montagne que si cela ne présente pas de danger pour les sauveteurs. L’hélicoptère apportera une assistance évidente dans ce domaine surtout quand on se décidera enfin à utiliser le treuil. Tout le secours en montagne sera bouleversé après l’arrivée de l’Alouette III et l’optimisation de ses manœuvres d’hélitreuillage.
En février 1966, l’Alouette III F-ZBAS de la Protection civile a participé aux recherches suite au crash de l’avion d’Air India qui ne laissera aucun survivant. L’appareil se posait encore au centre de Chamonix.
Quelques mois plus tard, en août 1966, on fait à nouveau appel aux Alouette pour aller secourir des alpinistes allemands en perdition dans le massif des Drus.
L’année suivante, l’un des pilotes de la base, Francis Riera, ouvre le détachement au tout début de l’été. Le secrétaire de mairie lui propose de s’installer sur une zone préparée à son attention au pied du glacier des Bossons sur le terrain du Père Lachat qui exploite là une machine à concasser les pierres de rivière.
Bien évidemment, l’endroit est recouvert de poussière, sol, cabane, arbres, tout est blanchi. A la vue du spectacle, Francis Riera ne manque pas de signaler au responsable de la mairie que cet endroit risquera de mettre en péril le bon fonctionnement de l’appareil et la santé des équipages. On lui répond que l’on ne lui a pas demandé de venir. Ce qui n’est pas du plus plaisant à entendre, provoquant son intention de rentrer sur sa Base d’Annecy en fin de journée, fermement décidé de rendre compte de cette réponse à l’autorité préfectorale.
Mais le soir même, vers vingt heures, Michel Droubay, responsable des sentiers de randonnée, demande à Francis de le déposer par hélico sur le glacier de Leschaux pour qu’il puisse aménager le sentier des “Aigrelets” conduisant au refuge du Couvercle. « Impossible répond Francis, ce soir, nous avons décidé de rentrer à Annecy, compte tenu des conditions d’accueil... ».
Michel Droubay s’engage aussitôt à régler le problème, en lui assurant de trouver un autre endroit plus accueillant que celui prévu, situé cette fois, de l’autre côté de la ville vers le bois du Bouchet à l’entrée du village des Praz. La mission sera effectuée et promesse tenue ; le samedi suivant, une DZ est installée à l’endroit convenu qui n’est en fait qu’une simple trouée entourée d’arbres. Une cabane récupérée au pied des pistes, un bureau, quelques chaises de récupération.
Il y a bien sûr, eau courante, téléphone et électricité, mais il manque cependant encore quelque chose... On ne s’en inquiétera que beaucoup plus tard, ce jour où, sur la DZ, se pose l’hélicoptère d’un ministre en exercice avec son épouse qui discrètement, demande la possibilité d’utiliser les toilettes. On lui indique royalement les buissons habituellement dévolus à cet effet. Croyant dans un premier temps à une plaisanterie, il lui fallut se rendre à l’évidence et il n’en faudra pas plus, pour que très rapidement un “petit coin” sanitaire digne de ce nom soit enfin installé.
Sur place, l’avitaillement de l’appareil est effectué avec des fûts de kérosène de 200 litres et une pompe manuelle Japy. Plusieurs gamins du voisinage se proposeront d’en effectuer la manœuvre dans l’espoir d’un éventuel baptême de l’air.
C’est en février 1971 que la DZ connaîtra sa première grosse effervescence médiatique avec l’arrivée de plusieurs hélicoptères confrontés au secours de la cordée Desmaison/Goussault dans les Grandes Jorasses.
Sur la DZ des Bois, les conditions hivernales ne sont pas favorables au stationnement en plein air d’un appareil, que seules quelques bâches protègent chaque soir, il faut emmener la batterie au chaud, aussi, il est envisagé la construction d’un hangar qui se fera à la fin des années 70 avec un éclairage, mais sans chauffage. Le bâtiment ressemble davantage à un blockhaus du mur de l’Atlantique qu’à un hangar aéronautique. Il est prévu de le “camoufler” avec des pierres de montagne, mais cela ne se fera que très partiellement. En vue également, le projet de la construction d’une piste “avion”, mais elle ne verra jamais le jour…
Le logement des équipages n’est pas prévu sur place, mais assuré dans une chambre de stagiaires à l’ENSA où le Directeur Jean Franco fera son possible pour les recevoir le mieux possible. Grand privilège, les repas sont pris dans la salle à manger des professeurs. Là, des liens et amitiés se tisseront et petit à petit la confiance s’installera dans l’intérêt de tous.
Il n’y aura aucun changement jusqu’en 1984, puis surgit cette nouvelle idée d’installer sur notre DZ un habitacle pour les chiens d’avalanche. Pour cela, un bungalow en bois avec de grandes baies vitrées est mis en place à proximité de la petite cabane existante. Utilisé précédemment en ville comme pharmacie saisonnière, nous l’avons trouvé beaucoup plus confortable que notre local existant qui deviendra un entrepôt pour le matériel de secours. Car nous n’avons pas hésité un instant à nous installer dans ce nouveau logement laissant les chiens là où ils se trouvaient… Nos revendications sont nombreuses pour qu’évolue le principe d’améliorer nos locaux et l’accueil des personnes secourues à leur descente de l’hélicoptère.
En 1990, étonné par la modestie de nos installations, un élu parlementaire de la région du Nord, résidant secondaire dans la région, interpelle le ministre de l’Intérieur à ce sujet. Une somme conséquente sera par la suite débloquée pour l’amélioration de nos conditions de vie.
Encore aujourd’hui, équipages, sauveteurs et médecin rendent hommage à Robert Petit-Prestoud, Chef du Corps des Sapeurs-Pompiers puis Secrétaire de la Société de secours de Chamonix ; rien de ce qui concernait la DZ ne pouvait lui échapper. En visite régulière pour saluer et rencontrer les équipages, il a toujours su se montrer proche de nous, soucieux de traiter au mieux les problèmes pratiques rencontrés.
Tout restera ainsi jusqu’à la construction de l’actuel bâtiment. Inauguré le 23 juin 2001, le Centre de secours Jean-Jacques Mollaret regroupe en un même lieu : équipages d’hélicoptères, sauveteurs du PGHM et personnel médical - Cet ensemble architectural moderne tant espéré par beaucoup, depuis de nombreuses années, sera inauguré sous l’appellation officielle de “Base de Secours Jean-Jacques Mollaret”.
Arrivée de l’EC 145 sur Chamonix en juin 2009.
Aujourd’hui près de 500 secours par an en moyenne sur le seul massif du Mont-Blanc. Source
Francis DELAFOSSE et Michel PIERRE
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[05-06-2021] - Sortie officielle du livre de Francis DELAFOSSE intitulé "Au cœur de l’Alouette". |