Il y a deux jours, j’ai fait mon tout premier vol en hélicoptère dans le massif du Mont-Blanc, un sacré baptême !
Depuis, je crois que je souffre d’un nouveau mal : une partie de moi est restée là-haut. Pas près du plus haut sommet d’Europe, non ! Non, mon âme appartient aux reliefs torturés, aux crêtes découpées en pointes vers le ciel, aux glaciers déserts où il n’y a pas âmes qui vive.
J’ai découvert un autre monde.
Un monde que l’on pourrait penser préservé parce que difficilement accessible mais qui est plus que jamais fragilisé.
Dimanche 17 août, une de mes amies, Coralie essaie de m’appeler, c’est inhabituel ; je lui demande si tout va bien ?
Elle me répond en me demandant si je suis disponible le lendemain.
– « Oui, pourquoi ? »
– « ça te dit un tour en hélicoptère ? Chamonix ? »
– « Hein ??!! »
Elle avait reçu en cadeau d’anniversaire un vol pour deux personnes par Simon (son mari). Ils me proposent de m’offrir la seconde place pour l’accompagner.
L’occasion est trop belle, et même si mon autre copine « anxiété » s’est réveillée, je suis une grande fifille de 44 ans.
« Anxiété, tu te calmes, je vais prendre sur moi ! ».
Je dois préciser que j’ai peur en avion :
– je n’aime pas les sensations fortes,
– le bruit du décollage me rappelle le crash dans la série « LOST ».
– ma tête et mes oreilles n’apprécient pas la montée en altitude, ni les changements de cap.
– les trous d’airs et turbulences, n’en parlons même pas...
Alors un vol en hélico ne me venait même pas à l’idée.
– « Je ne suis pas folle vous savez ! ».
Quant au massif du Mont-blanc, il était hors de ma portée, mes ménisques fissurés et mon cardio poussif ne me permettaient même pas d’espérer y mettre les pieds.
Alors même si mon anxiété me susurrait « T’es folle et si tu te crashes ? » , évidemment j’ai dit oui !
– « Je viens ! »
Le rendez-vous était donné à 15h le lendemain à la DZ (drop zone) de Chamonix Mont-Blanc Hélicoptères (CMBH) d’Argentière (74).
A la mi-journée, on quitte le Nord-Isère et on prend la route direction la Haute-Savoie, en passant par Albertville, Ugine et en montant par Flumet, Praz-sur-Arly.
Quand je retrouve mes montagnes et mes sapins, je respire toujours mieux et déjà le trajet en voiture me met en joie : les montagnes me manquaient (les soucis de santé m’en avaient tenu éloignée).
Arrivée à bon port, on passe par la pesée pour que les passagers soient répartis correctement niveau charge. J’attrape un chewing-gum pour la durée du vol, et on reçoit le briefing du mécano.
Là, mon appareil photo me fait une blagounette : il décide que c’est le bon moment pour me cracher une erreur inédite, et décider de faire grève.
Heureusement, je retire la carte mémoire, la recharge et l’erreur disparaît, ouf ! (faut pas faire des blagues comme ça !).
Embarquement dans l’hélico, du haut de mon mètre 73, les pales déjà en route ne me rassurent pas. Je prends place contre la vitre opposée à l’arrière. Installation, ceinture, casque sur les oreilles, je m’organise entre mon reflex et ma pochette de téléphone, casquette vissée en arrière pour la prise de photos.
Je suis tellement concentrée que le décollage me prend par surprise. J’attrape Coralie par la main, on se serre fort et nous voilà parties.
Rapidement je me sens bien, le vol est doux et on commence notre ascension en remontant une rivière.
Mon premier choc visuel ? Le glacier. Ce bleu des blocs fissurés me rappelle des images du Perito Moreno en Argentine. On est si proche juste au-dessus des crevasses... l’impression est folle !
On continue notre ascension, notre vol va durer 30 minutes, mais je ne sais pas encore par où on va passer. Je suis loin d’imaginer ce qui m’attend.
Une autre belle surprise c’est que je n’ai aucun vertige, aucune gêne pendant le vol. Quelle sensation de liberté et de vol en douceur... je prends rapidement mes marques.
Le pilote nous décrit le massif alentour ; j’attrape des noms à la volée : le glacier de Triolet, le glacier de Leschaux,...
Mes yeux sont écarquillés...
Quand on parle du massif du Mont-Blanc on pense au fameux sommet en dôme. Mais je connaissais assez peu ce qui l’entourait. Je suis fascinée par les crêtes aux pics en pointes. La face (nord ?) des Grandes Jorasses, comme une forteresse de pierres imprenables, me happe et me fascine. Elles m’hypnotisent.
On continue notre montée, on longe des crêtes, la brume nous enveloppe un instant. Moment suspendu où je me demande comment le pilote navigue sans repère. Et hop, pas le temps de s’inquiéter, il s’en extrait et on repart vers le sommet. Merci Boby !
Pendant le vol, je capture ce que je peux par la fenêtre latérale. Je n’ai pas le recul pour cadrer précisément,
mais je déclenche en grand angle ; on verra plus tard pour le cadrage. J’arrive cependant à attraper une cordée d’alpinistes. Un glacier suspendu tel une paroi verticale magistrale. Un lac glacière turquoise qui se découpe comme un paradis perdu au milieu des glaces. On arrive ensuite en vue de l’Aiguille du Midi, il y a du monde sur les terrasses. Ça fait si longtemps que je rêve d’y monter.
Le Mont Blanc et son dôme neigeux est incroyable, je pense à mon frère Pascal qui a fait son ascension il y a bien des années, la photo immortalisée de son exploit s’imprime dans ma tête.
Alors je mesure ma chance d’être là, la petite sœur suspendue, à plus de 4 800 mètres. Je n’aurais jamais imaginé dans mes rêves les plus fous pouvoir être à cette altitude.
Coralie et moi on a comparé notre hélico à une libellule, un vol doux et progressif qui s’arrête, observe, prend le temps puis repart butiner ailleurs. Passage près de l’ancien refuge du Goûter dans la brume...
Mais le temps file, notre pilote nous avertit que la redescente va être rapide, attention aux oreilles. Je me cale comme je peux, et réussit à capturer quelques paysages. Le vert réapparaît, les chemins en lacets m’appellent déjà.
Nous descendons par un couloir qui permet que le bruit de l’hélico ne perturbe pas trop le voisinage. Je jette un regard vers Coralie, j’appréhende l’effet de la descente sur ses oreilles qui sont fragiles. Et en quelques instants, j’aperçois déjà la DZ, le pilote nous pose en douceur.
Le temps de me dépatouiller entre ma ceinture et mes lanières, je prends le temps de me libérer. Je manque d’oublier mon casque sur les oreilles, mais je le raccroche avant de descendre. Je suis la dernière. Le bruit des
pales est assourdissant, mais je tiens à faire un signe au mécano. Je lève le pouce en l’air, si j’avais pu, j’aurais voulu lui dire « Merci, c’était incroyable ! », mais consigne a été donnée de libérer la zone au plus vite et je me dirige courbée en deux vers la terrasse.
On retrouve Simon et Edène qui étaient partis manger une glace pendant notre vol. On se serre dans les bras, les larmes aux bords des yeux, je les remercie vivement pour ce cadeau ! J’ai du mal à trouver les mots...
Mon corps a retrouvé la terre ferme, mais je suis encore là-haut.
Il faut combien de temps pour atterrir réellement ? On parle de jet-lag mais il devrait exister un autre mot pour ce décalage d’espace et de temps, pour ce retour de ces lieux où on laisse un bout de notre cœur et de notre âme.
48 heures plus tard, il me reste toutes ces photos capturées que je chéris comme des trésors, cette sensation de douceur et de liberté dans les airs que je n’avais jamais connu.
Une admiration décuplée pour ces pilotes de haut vol qui mènent des missions souvent délicates de secours en montagne au péril de leurs vie.
Simon me dit : « Là vous avez eu un vol de "chaton" » mais imagines dans d’autres conditions.
Oui, j’imagine...
Et mon anxiété ? Elle me susurrait des craintes du mal des hauteurs, à la place j’ai attrapé le même virus que votre hôte qui héberge ces quelques lignes.
Je suis la digne « sister » de son frère ; j’ai atteint un autre degré de compréhension de sa passion pour les "voilures tournantes" et je rêve déjà… au prochain vol.
Signée Mousmée, la fille du vent.
PS : « On se reverra chère Aiguille. Je t’amènerai une autre rêveuse avec qui partager l’aventure. Parce que les rêves réalisés sont plus forts quand ils sont partagés. »
- Cliquez ici pour lire la brève intitulée : "Baptême d’hélicoptère et un tour du massif du Mont-Blanc".