Valérie - Edmée, 28 ans, est devenue le médecin-capitaine André
mardi 9 juin 2020
Les bébés de Strasbourg ne naissent pas dans les choux ou dans les roses. Tout le monde sait que les cigognes les apportent, douillettement empaquetés, au bout de leur long bec, et les déposent au seuil de la maison choisie ! Le premier bruit qui frappe les minuscules oreilles du nouveau-né est un grand bruissement d’ailes, sa première vision est le majestueux envol de l’oiseau du bonheur !
Est-ce pour cette raison que la Strasbourgeoise Valérie - Edmée André est aujourd’hui la première femme de France pilote l’hélicoptère ?
Née en 1922 dans la cité de Kléber, la petite Valérie témoigna très jeune de son amour des choses volantes.
Chaque avion qui passait lui faisait lever la tête et déjà naissait le rêve qu’elle devait réaliser.
A 13 ans, sur l’aérodrome de Strasbourg, on lui donna le baptême de l’air. Elle atterrit enthousiasmée. Cela ne l’empêcha pas de mener à bien ses études au lycée de la ville.
Mais vint la guerre. Valérie- Edmée quitta Strasbourg. Elle fit à Clermont-Ferrand sa première année de médecine et les autres à Paris. Le succès couronna son assiduité.
Mais son amour de l’aviation ne l’avait jamais quittée. A 17 ans, elle prenait ses premières leçons de pilotage. Les événements l’empêchèrent d’aller jusqu’au brevet. Tous les centres aéronautiques furent militarisés. Valérie n’y avait plus accès. Elle attendit. En 1942, à Bourrassol, elle s’entraîna au vol à voile. Puis les Allemands envahirent la zone sud, et tout fut encore une fois arrêté.
En 1945, la jeune fille reprit son entraînement à Beynes. Sûre d’elle-même, elle fut enfin « lâchée » et manœuvra habilement son planeur.
Sur le terrain de Mitry-Mory, les jeunes parachutistes faisaient leur préparation militaire. Il n’y avait pas de médecin pour surveiller les séances de saut. Valérie-Edmée se proposa et fut acceptée. Mais vivre au sol de telles émotions ne lui suffisait pas. Elle voulut être parachutée. La première descente lui plut « terriblement ».
Poids léger, elle atterrit la dernière
D’abord un peu clandestins, ses sauts devinrent peu à peu officiels. Elle en fit onze en France et neuf en Indochine. Un souvenir l’amuse encore. Lorsqu’on lâche un groupe de parachutistes, le premier qui descend « fait le point ». Valérie n’a jamais pu faire le point ! Même lâchée la première, elle atterrit toujours la dernière. Ses 48 kilos ne pèsent pas assez, balancés sous la large corolle du parachute.
Lorsqu’elle apprit la création de l’antenne chirurgicale parachutable, son parti fut vite pris. Ses études s’achevaient. Elle fit « des pieds et des mains pour se faire accepter et partir pour Saigon en décembre 1946.
— Le plus merveilleux Noël de ma vie ! reconnaît-elle.
L’antenne chirurgicale parachutable comprend un chirurgien et dix infirmières. Un hélicoptère avec ses trois passagers se pose beaucoup plus aisément que l’avion. Lorsqu’on signale à l’antenne des blessés dont l’évacuation est impossible et dont l’état nécessite une opération immédiate, elle prend son vol. Combien de petits gars ont-ils été sauvés par ces secours venus du ciel !
Voici donc Valérie-Edmée devenue le « médecin-capitaine André ». Car ce petit bout de femme fragile et timide, jolie par surcroît, vous manie un bistouri aussi facilement que moi un porte-plume ! Sa spécialité : neuro-chirurgie (crâne, nerfs, colonne vertébrale).
Son hélicoptère peut aussi ramener les blessés tombés là où l’avion ne pourrait accéder. Deux civières latérales sont fixées à la cabine. Complètement entouré de plexiglass, le blessé, allongé sur le dos, est isolé des perturbations atmosphériques. Cette « boîte de verre » communique avec la cabine de pilotage. On peut ainsi surveiller l’allongé et lui dire des paroles d’espoir.
Le docteur préfère le pilotage
Le rôle de médecin-capitaine ne suffit plus à Valérie. Elle veut être capable de s’envoler elle-même avec son hélicoptère. Revenue en France au début de juin, « lie fait un stage à Cormeilles- en-Vexin. Le 23 août, elle passe son brevet. Tout marche à souhait, en dépit d’un vent assez violent. Un peu de vent est favorable à l’hélicoptère, beaucoup lui nuit. Malgré cela, le Dr André est brillamment reçue. Fin septembre, avec un groupe d’A.F.A.T. parachutistes, elle rejoindra Saigon. Sa famille s’est facilement résignée à lui voir courir tous ces dangers. Son père, veuf depuis quelques années, suit avec une fierté justifiée « l’ascension » de la sixième de ses neuf enfants .
— Je ne sais pas comment il a appris que j’avais passé mon brevet ! dit la jeune fille. Le soir, j’ai reçu son télégramme : « Vives félicitations. »
Les impressions qu’elle donne de son activité, les voici : Elle aime le saut en parachute, mais préfère de beaucoup le pilotage. En parachutage, on dépend d’un appareil que l’on ne conduit pas et d’un équipage. Tandis que lorsqu’on tient soi-même le manche à balai... Je devrais dire « les manches », car, en plus du palonnier, un hélicoptère a deux manches, ce qui rend le pilotage plus difficile que celui d’un avion, exigeant beaucoup plus de concentration. On entend le bruit du moteur. Ça n’est pas désagréable. En cas de panne de ce moteur, les pales continuent à tourner. On se pose (le plus vite possible) grâce à l’autorotation.
— Et si les pales s’arrêtent
Ma question fait sourire Valérie-Edmée.
— Je n’ai jamais pensé à cela, et n’y penserai jamais.
L’art de se servir d’un serpent python
Même pas une anecdote, un incident à me raconter. Tout a toujours très bien marché ! Ah si ! tout de même une petite histoire. Un de ses amis a élevé un serpent python pris à l’âge de huit semaines. Ce gentil compagnon (2 m. 50) adore s’enrouler autour de vous. Un jour, Valérie le mit sur son cou. Le python demeura « très froid », mais il serra ! La jeune fille sentait déjà ses oreilles bourdonner lorsque le maître du serpent intervint. Il prit le bout de la queue et serra lui aussi. Le reptile relâcha subitement son étreinte.
— Vous pouvez recommencer ! dit l’hôte rassurant. Seulement, prenez le bout de sa queue dans votre main et tordez à la moindre alerte.
Vous savez maintenant, si vous ne le saviez pas déjà, comment vous délivrer de l’étreinte d’un python. (...)
