Valérie ANDRÉ : une aviatrice d’exception

jeudi 21 avril 2022

Le général Valérie André a inspiré des générations d’Aviatrices et d’Aviateurs et a contribué à l’ouverture des métiers de l’armée de l’Air et de l’Espace. Retour sur un parcours hors normes.

UN RÊVE - VOLER
Valérie André naît le 21 avril 1922 à Strasbourg. Son attrait pour l’aéronautique débute par un rêve, alors âgée de ses dix ans : « J’étais dans l’espace, tout était noir, sombre et j’étais comme un bolide au milieu d’autres bolides qui se croisaient, qui risquaient de s’entrechoquer mais c’était incroyablement agréable. Toute petite fille, quand je voyais voler les avions je disais à mes parents « Je serai aviatrice » ». Rapidement, ses modèles deviennent Maryse Bastié, Hélène Boucher ou Maryse Hilsz.

En 1948, elle soutien sa thèse de doctorat en médecine aéronautique. Durant ses études elle prend des cours de pilotage, tout en assurant en parallèle l’encadrement médical d’une préparation militaire parachutiste, durant laquelle elle obtient son brevet de parachutiste en mai 1947. Pour faire face au manque de médecins militaires en Indochine, le doyen de la faculté de Paris propose à ses élèves de signer un engagement dans l’armée. C’est sans hésitation que Valérie André rejoint le Service de santé des armées.

INDOCHINE - DE LA CROIX MÉDICALE À LA CROIX DE GUERRE
Le médecin capitaine André arrive en Indochine en janvier 1949. Elle est affectée à l’hôpital Mÿ Tho puis, le 5 février 1949, à l’infirmerie de l’hôpital Costes de Saigon où elle apprend la médecine de guerre. Forte de son brevet de parachutisme, elle se porte volontaire pour soutenir les postes isolés du front qui ne peuvent être ravitaillés que par la voie des airs. En 1949, elle effectue sa première mission parachutée sur le Laos où elle pratique la chirurgie de guerre en soignant les soldats blessés.

Des hélicoptères de l’armée de l’air au service de l’évacuation des blessés
Le 14 avril 1950, le Service de santé des armées en Indochine acquiert deux hélicoptères Hiller 360 UH destinés à l’armée de l’Air. Les deux premiers pilotes, Raymond Fumat et Alexis Santini, sont affectés à l’escadrille de liaison aérienne (ELA) 52 qui doit couvrir un territoire vaste de 740 000 km2. Mais en mai 1950, le sergent Fumat se blesse et Valérie André, qui est fascinée par « ces merveilleuses petites machines semblables à des libellules », obtient l’autorisation de faire un stage de pilotage en France pour le remplacer.

En 1952, la France mène l’opération Lorraine pour stopper l’avancée du Viet Minh dans le delta du Tonkin. Le 16 mars 1952, Valérie André réalise sa première mission héliportée. Elle doit alors poser l’appareil, puis, rotor tournant, ouvrir les paniers pour y installer les blessés et enfin redécoller en prenant garde aux personnels restés au sol. Elle se souvient : « Je me résous à tenter le décollage en pleine charge. Le Hiller, rasant l’herbe, prend sa vitesse, mais ne consent à monter qu’au terme d’une course de cinquante mètres. Pendant ces secondes de vol presque horizontal, j’ai surpris sur les visages des spectateurs une certaine anxiété. »

Ventilateur dans les airs
Son calme et sa détermination forcent l’admiration des combattants. En effet, ces opérations aéroportées se déroulent sous le feu de l’ennemi qui utilise des armes légères, des mortiers et des batteries de DCA. Entre le 16 mars et le 11 décembre 1952, l’appareil du capitaine Valérie André est touché sept fois. Outre les affres des combats, Valérie André doit affronter les vicissitudes du climat tropical : la chaleur, la soif, les pluies et les maladies. Le capitaine André est aussi confrontée à la réalité de la guerre : blessures graves, corps brûlés et mutilés.

En 1952, son unité est dotée de Westland Sikorski WS 51 qui permettent l’évacuation de quatre blessés à la fois. Valérie André, dont l’indicatif de vol est Ventilateur, accomplit sa tâche sans relâche. Elle affirme : « Servir dans l’armée impose un désintéressement total, un esprit de dévouement, un sens de la solidarité constant. On ne saurait s’accorder des délais de réflexion, des états d’âme, des replis sur soi trop longtemps, sans risquer de perdre le goût de l’aventure. »

En avril 1953, Valérie André quitte l’Indochine, avec à son actif 129 missions de guerre dont 300 heures de vol, 22 sauts en parachute et le sauvetage de 165 blessés.

Texte : Centre d’études stratégiques aérospatiales (CESA), adjudant-chef Jean-Paul Talimi, sous la direction de Jean-Charles Foucrier, docteur en histoire.

INDOCHINE - EXTRAIT DE CARNET DE VOL
Le capitaine André rédige dès 1954 un carnet de vol portant sur ses missions en Indochine. Alternant entre les missions de médecine de guerre et d’évacuations sanitaires aéroportées, Ici Ventilateur ! demeure un témoignage prenant et humain sur la guerre d’Indochine. La première partie de l’ouvrage est rendu accessible gratuitement par la Bibliothèque nationale de France (BnF) à cette adresse. En voici un court extrait :

Le capitaine Santini et le sergent Fumat, chacun sur son appareil, décollent l’un après l’autre. Plusieurs rotations sont prévues. Pendant tout l’après-midi, l’opération se poursuit normalement, mais alors qu’il ne reste plus qu’un blessé à évacuer, je me risque à demander à Santini l’autorisation de l’accompagner. Je ne pèse que 45 kilos et ne serai donc pas gênante. Quelle occasion pour moi de piloter ! Et sous sa surveillance ! N’est-ce pas l’instant de lui prouver que ses leçons de navigation théorique portent leurs fruits ? A ma stupéfaction, il accepte et nous nous envolons cette fois pour une vraie mission.

La carte largement étalée sur les genoux, je m’applique à ne commettre aucune erreur de cap.

— Où sommes-nous ? me crie Santini.

Mon doigt trouve le point précis ; pour se repérer ces rivières de Cochinchine sont précieuses et traîtresses à la fois.
Ce jour-là, le ciel est parfaitement pur, l’appareil aussi maniable qu’à l’accoutumée. Trop absorbée par ma mission, je n’ai vraiment pas le loisir de songer à l’éventualité d’un atterrissage forcé dans une région contrôlée par les Viets et que je survole pour la première fois en hélicoptère. D’ailleurs Santini est là. Une demi-heure de vol nous amène au-dessus de la forêt. Une clairière, sorte d’entonnoir que j’aperçois, me semble être le point prévu pour l’atterrissage ; je m’en approche. Santini ne dit mot, m’arrache les commandes et amorce une descente en spirale. Autour d’un brancard quelques hommes attendent. Barbus, torse nu, ils nous pressent de repartir.

Comme Santini, je saute à bas de l’appareil. Le blessé, un Français atteint au pied, gît sur un brancard. A l’expression de son visage, je comprends qu’il a eu peur, très peur d’être oublié. Nous le glissons dans le panier de gauche et, pour compenser son poids, je me recroqueville dans la cabine, tout contre la paroi de droite. Santini met les gaz aussitôt. Il se fait tard et les hommes qui assuraient la garde du blessé disparaissent déjà sous les arbres. Il leur faut rejoindre leur compagnie avant la tombée de la nuit.
Pas un souffle de vent au fond de la cuvette ! L’hélicoptère ne prend de l’altitude que péniblement. Nous nous élevons pouce par pouce. Brusquement Santini précipite le Hiller droit devant lui, gagne de la vitesse, vire, vire, et finalement, d’un bond impressionnant, saute les arbres. L’obstacle passé, j’ai droit aux commandes.

— Alors, André, vous avez vu ? Pourriez en faire autant ?

Moqueur, il attend ma réponse ; du coin de l’œil je le vois bien.

— Oui, bien sûr ! — Je laisse tomber ma petite phrase.

Tant d’assurance, loin de le convaincre, le scandalise, j’en suis certaine.

— Vous ne doutez de rien ; il faudra encore me faire des heures de vol et, après, on verra ! bougonne-t-il.

Texte : Bibliothèque nationale de France

ENTRETIEN VIDÉO - VALÉRIE ANDRÉ, UN DESTIN EXCEPTIONNEL
À l’occasion de la journée des droits des femmes, le ministère des armées a recueilli en mars 2015 le témoignage de Madame le général au sein du Musée de l’Air et de l’Espace. Un échange riche à découvrir ci-dessous. Source : air.defense.gouv.fr-

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