Au-dessus des pièges de la jungle, l’héroïsme d’une Française ! - Par Jacques de Potier, envoyé spécial Paris-Match
C’est grâce à cette jeune femme, médecin-capitaine et pilote d’hélicoptère, que notre photographe. Jacques de Potier, actuellement à l’hôpital américain de Neuilly a été sauvé. Le 30 décembre dernier, alors que de Potier, tombé dans une embuscade dans la région de Co-Noi, sur le front de Na-Sam, avait été blessé à la cuisse droite, elle l’a ramené dans son appareil, sous les balles, jusqu’au poste de secours de Na-Sam, lui évitant ainsi une évacuation par camion en montagne qui lui aurait laissé peu de chances de s’en tirer. Le transport dura vingt minutes. C’était le onzième blessé qu’elle évacuait depuis quatre jours. Pour la première fois depuis deux ans, Mlle Valérie André est rentrée à Paris pour prendre un repos bien mérité avant de repartir sur le front d’Indochine. Quoique née à Strasbourg. Mlle Valérie André est une vraie Parisienne. C’est à Paris qu’elle fit ses études de médecine. Ses diplômes acquis, elle partit pour l’Indochine. On la nomma capitaine d’emblée en considération de ses capacités exceptionnelles. Elle aurait pu rester à l’hôpital de Saigon, mais elle brûlait de se dévouer davantage. Elle était déjà parachutiste. Un congé de quatre mois lui permit de passer son brevet de pilote d’hélicoptère à Cormeilles-en-Vexin.
Elle avait songé que l’hélicoptère serait le moyen idéal pour enlever un ou deux blessés et les transporter rapidement hors de la zone de feu. Aussi bien, dès son enfance, elle n’avait été attirée que par deux choses : la chirurgie et l’aviation. Après la Libération, elle avait fait une thèse sur la « psychopathologie du saut en parachute ». Il n’existait, en 1951, que deux hélicoptères et que deux pilotes en Indochine : le capitaine Santini et le sergent Fumât. Ce dernier venait d’être blessé dans un accident d’auto. Le capitaine André, qui venait de poser sa candidature, fut appelé pour piloter le second appareil. Seule femme pilote en Indochine, elle devint le salut des blessés. Pendant des mois, son travail s’accomplit sur le front même. Les rares moments de calme, elle les passe à Hanoï. Elle ne doit cependant pas s’éloigner du terrain de Gia-Lam : à toute heure du jour et de la nuit, on peut l’appeler. Mlle André totalise aujourd’hui plus de trois cents heures de vol (un sauvetage demande en moyenne de vingt minutes à une demi-heure) dont la moitié en opérations et un bon nombre en vols de nuit. A l’époque de la retraite d’Hoa-Binh, elle a été tout le temps en pleine bagarre. Seule à bord de son appareil, avec un ou deux blessés, elle les encourage, leur donne confiance et espoir. Une fois, elle eut une panne en plein vol. A 100 mètres au-dessus du sol, son hélice s’arrêta. Elle réussit par une manœuvre savante à se poser sans dommage sur une route, en pleine zone viet. Heureusement, l’accident avait été suivi d’un poste français dont le commandant envoya une patrouille pour protéger la jeune femme. Le même jour l’appareil, réparé par son mécanicien, repartait pour de nouveaux sauvetages. Depuis, le haut commandement a décidé de faire accompagner toutes les missions en hélicoptère par deux chasseurs. Mlle André est le plus populaire des soldats d’Indochine. C’est aussi l’une des plus décorées des femmes en uniforme : elle est chevalier de la Légion d’honneur, elle porte la croix de guerre avec trois palmes, la croix de la Vaillance avec une palme et Bao-Daï l’a faite officier de l’ordre national du Viet-Nam. Source