"Mathilde", pilote des Forces spéciales
lundi 13 juillet 2015
Anonymat oblige, on ne l’identifie que sous son nom de guerre, "Mathilde". Enfant, elle rêvait de "voler en étant militaire". Aujourd’hui, à 32 ans, elle est pilote au sein du 4e Régiment d’hélicoptères des forces spéciales (RHFS) de l’armée de terre française, basé à Pau.
Après l’école d’officiers de Saint-Cyr et trois ans de formation supplémentaire pour devenir pilote, "Mathilde" se porte volontaire en 2012 pour servir au 4e RHFS. Une unité d’élite, spécialisée dans le combat aérien ainsi que dans les opérations d’infiltration et d’exfiltration des équipes de commandos par tout temps, en tout lieu et principalement de nuit.
– "Mais, ils ne prennent pas de filles !", objecte son chef de l’époque.
– "C’est écrit où’", lui avait rétorqué l’intrépide.
Macho, l’armée de terre’ "Non", assure à l’AFP la jeune femme blonde. "Ce n’est pas un milieu macho, mais au début dans les régiments d’hélicoptères, ils n’étaient pas habitués. Ils se demandaient comment ils allaient faire avec nous", explique-t-elle.
Sur un effectif de 400 personnes dont plus de 100 pilotes, le 4e RHFS, qui participera mardi au défilé aérien du 14 juillet sur les Champs-Elysées, compte aujourd’hui dans ses rangs trois femmes combattantes, dont "Mathilde".
Enfant, "Mathilde" voulait être médecin ou vulcanologue mais surtout voler. "Il y avait un aéroport à proximité de ma maison. Petite-fille de militaire, je voulais voler en étant militaire. J’ai allié les deux."
Aux commandes d’un hélicoptère de type Caracal EC725 avec un équipage composé de cinq personnes, la jeune femme assure différents types de missions, "du transport de matériel au contact avec l’ennemi."
"Nous intervenons dans la région du Sahel. Nous agissons souvent la nuit. Le plus compliqué, c’est de se poser dans le sable car le souffle de l’hélicoptère engendre un énorme nuage de poussière. Dans ces moments-là, on n’a pas le droit à l’erreur, il faut être vigilant, surtout si on est sous le feu ennemi", raconte-t-elle.
Trois camarades décédés
Selon elle, les qualités requises pour être pilote d’hélicoptère des forces spéciales ne sont pas fondamentalement différentes de celles nécessaires à tout militaire : "sang-froid, maîtrise de soi, sérieux, concentration", détaille-t-elle.
"J’ai eu la chance d’avoir toujours pu ramener tout le monde", sourit "Mathilde".
"Mais, depuis que je suis pilote, j’ai perdu trois camarades autour de moi, dont un copain de promo. Il est décédé dans un accident d’hélicoptère en Afghanistan. Puis il y a eu Damien Boiteux, en janvier 2013 au Mali, le premier mort de l’opération Serval, et l’adjudant (Samir) Bajja en 2014 au Sahel, tous deux du 4e RHFS", se souvient-elle avec émotion.
"Là, on se pose des questions. Il faut accepter, laisser mûrir. On ne sait jamais comment on va réagir psychologiquement et physiquement." La jeune femme se félicite d’avoir été préparée à affronter de telles difficultés lors de son passage à Saint-Cyr.
"On nous a fait réfléchir sur le sens de l’engagement, jusqu’au sacrifice suprême", dit la pilote. "C’est très important, car une fois en mission nous sommes concentrés sur sa réussite, c’est trop tard pour les problèmes existentiels".
Comment concilier de telles exigences avec une vie de famille’ Une des difficultés du métier, répond la jeune femme, mariée, sans enfant.
"C’est difficile, pas seulement pour les femmes, mais pour tous les militaires. La spécificité, c’est que la femme doit être la maman", estime "Mathilde", qui espère trouver le bon moment pour devenir mère. Mais "c’est le lot de toutes les femmes qui ont un métier prenant", se console-t-elle.
Dans l’immédiat, tout ce qu’elle souhaite c’est "partir en mission". Source : AFP