Hommage à la mémoire de Pierre-François Bonnard - 17 septembre 2021
vendredi 17 septembre 2021
Cérémonie sur la base hélicoptère de la Sécurité civile Grenoble-Le Versoud (38).pour l’hommage à la mémoire de Pierre-François Bonnard, mécanicien-opérateur de bord, décédé en intervention le 12 septembre 2021 à Villard-de-Lans.
A partir de 22 mn 40 sec, allocution de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur (voir ci-dessous).
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Éloge funèbre prononcé par monsieur Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur
Monsieur le maire, mesdames et messieurs les parlementaires, mesdames et messieurs les élus, monsieur le représentant du conseil régional, madame la présidente du SDIS, monsieur le préfet,
monsieur le préfet directeur général de la Sécurité civile et de la gestion de crises, monsieur le président de la fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, chères familles, mesdames, messieurs.
Une fois encore, c’est l’épreuve et la mort qui rassemblent aujourd’hui dans le département l’Isère la famille de la Sécurité civile. Une épreuve et une mort à laquelle on ne s’habitue jamais et que l’on redoute toujours à chaque fois que des femmes et des hommes partent en intervention. A chaque fois qu’ils risquent leur vie pour sauver celle des autres.
Ici au Versoud, cette épreuve et cette mort nous confrontent à nouveau à cette réalité si douloureuse et si difficile à accepter. Le départ d’un des vôtres, la perte d’un de nos héros, un héros du quotidien, un héros du service public, Pierre-François Bonnard emporté dimanche dans le massif du Vercors.
Tous ici, j’en suis sûr, nos premiers mots et nos premières pensées vont à sa compagne Amandine, à son fils Paul, à son frère, à ses parents, à tous leurs proches.
Dans ces moments si douloureux où le sentiment d’incompréhension se mêle à l’indicible douleur où la justice de la mort nous confronte tous à la fragilité de la vie, nous savons que votre besoin de consolation est impossible à satisfaire. Mais sachez que la nation toute entière à vos côtés pleure la disparition d’un de ses soldats, Pierre-François et nous inclinons humblement devant son action et devant sa mémoire.
Au nom du gouvernement de la République, nous sommes venus témoigner de la reconnaissance de la France, cette France qu’il a si bien servie. Les mots ne sont pas vains et vous verrez que la solidarité de la nation est une réalité.
De son aveu même, la base d’hélicoptères de la Sécurité civile était la seconde maison de Pierre-François Bonnard. Un endroit où il aimait être, un endroit où il exerçait sa vocation, un endroit, m’a dit sa compagne, où il cherchait une maison à 15
minutes de la base pour être tout le temps ici, même lorsqu’il ne travaillait pas. Et c’est ici dimanche 12 septembre au milieu de l’après-midi, à l’heure où les français vaquent à leurs occupations en famille, se reposant que, comme tant de fois, à bord du Dragon 38 et accompagné de quatre équipiers, il est parti pour secourir une victime en montagne sur la commune de Villard-de-Lans. Une opération classique mais une opération qui n’est jamais banale. Vous qui prenez l’hélicoptère, vous qui montez dans des avions, vous intervenez dans des situations dramatiques, vous savez que chaque mission et singulière et qu’aucune ne ressemble à une autre. Même si vous les multipliez 5 fois, 6 fois, 7 fois, 10 fois dans la journée, toute implique une part de risque, toute exige un grand professionnalisme, car ici en Isère, comme dans les Alpes ou dans les Pyrénées, vous le savez que la montagne, la belle montagne, la dure montagne, ne pardonne rien.
Alors que l’hélicoptère rouge et or se dirige pour effectuer son approche finale, et pour des raisons encore inexpliquées, l’appareil heurte brutalement le sol à 16h25.
Le soin que vous, ses coéquipiers, vous lui avez très rapidement prodigués. La diligence des opérations de secours venues secourir en quelques minutes l’équipage tombé à terre, la force, la solidarité, la cohésion de l’équipe n’auront malheureusement pas servi à ramener à la vie Pierre-François.
En cet instant, je veux avoir une pensée pour les quatre autres membres de l’équipage de Dragon 38 meurtris dans leur chair et bien plus encore dans leur âme. Le trouble et la peine immense que vous éprouvez sont difficilement mesurables, nous qui n’étions pas dans cet hélicoptère. Mais sachez que votre action, votre sang-froid, les opérations de premiers secours que vous avez effectuées malgré le choc de l’accident à quelques instants du feu qui allait prendre l’appareil, et malgré la souffrance de vos propres blessures,vous honorent.
Je pense notamment aux deux gendarmes du Peloton de gendarmerie de haute montagne : le major Florent Merlet et le maréchal des logis-chef Mathieu Devrac. Je pense aussi à vous Vincent Victoire, pilote du Dragon 38, nous pouvons difficilement imaginer ce que vous ressentez aujourd’hui et au nom du ministère de l’intérieur, je tiens vous redire notre entier soutien. J’adresse enfin mes vœux de prompt rétablissement au médecin du samu
François-Xavier Koch blessé gravement lors de cet accident.
Pierre-François Bonnard était un enfant du pays, né à vienne, un homme passionné, engagé, discret. Son métier de mécanicien, dont la vocation lui est venue parait-il dès trois ans en voyant passer les hélicoptères, était celui d’un Opérateur de bord à la Sécurité civile qui lui permettait de concilier sa passion pour l’aéronautique et son sens élevé de l’engagement au service de nos concitoyens.
Cette passion du service public cultivée dès sa jeunesse par ses parents, vous qui avez donné également un fils policier à la nation, l’avait conduit à entreprendre des études d’aéronautique à Grenoble.
Mais trahison un peu des Alpes, il commença à Perpignan sa carrière en 1999, comme mécanicien d’hélicoptère. A Pau, il la poursuit ensuite, montrant son efficacité et son sens du détail. Il avait fait le choix, à compter de 2005, de servir sous les couleurs de la Sécurité civile. Le choix finalement de sauver des vies, de porter secours aux victimes, d’aider ceux qui connaissent la difficulté. Il rejoint alors le Groupement d’hélicoptères de Nîmes en qualité de technicien aéronautique. Puis en 2014, il intégra la base hélicoptère de Lyon comme mécanicien opérateur de bord, concrétisant ainsi un projet professionnel qu’il nourrissait depuis tant d’années.
Isérois de naissance, il rallia à sa base de cœur la base du Versoud, voilà six ans. Son caractère était empreint d’humilité, mais cette humilité ne l’a pas empêché d’être une base solide, un pilier, un grand professionnel, rigoureux, fiable, s’imposant rapidement aux yeux de tous comme un équipier précieux.
Rencontrés lors du décès, vous m’avez tous dit sa grande méticulosité, son sens du détail, sa justesse dans le geste et le soin qu’il mettait à préparer chaque mission. Sans doute ici bien meilleur que moi, pourrait décrire les nombreuses reprises, les nombreuses interventions, les nombreux drames auxquels a été confronté le Dragon 38 et auxquels a été confrontée Pierre-François. Des interventions au cours desquelles vous le savez sans esprit d’équipe et sans cohésion, rien de bien ne peut se dérouler.
Au sein du collectif, peu connu, le mécanicien opérateur de bord, est le maillon indispensable, celui qui est en charge la sécurité de tout le monde.
Pierre-François incarnait l’exigence et la responsabilité de cette fonction maîtresse. Tout le monde volait avec lui avec certitude que tout se passerait bien. Il était ce professionnel solide sur lequel on peut compter en toutes circonstances. Je sais que vous garderez de lui l’image d’un homme chaleureux, apprécié de tous, dont la jovialité des éclats de rire égayait le quotidien de la base.
Ce souvenir ne sera pas que celui de sa famille ou celui de la base en Isère, ce sera celui de toute la famille de la Sécurité civile et de tout le ministère de l’Intérieur qui gardera pour un de ses grands serviteurs toujours une place de choix et trouvera en lui un éminent représentant.
Au sein de cette grande famille, c’est plus particulièrement vous les personnels navigants qui aujourd’hui reçoivent l’honneur, l’honneur d’avoir un nouveau héros, un collègue parti trop tôt et trop brutalement.
Vous les pilotes, vous les mécaniciens, vous qui rendez possibles des milliers d’interventions, des milliers de sauvetage, vous qui sauvez des milliers de vies, soyez sûr de la considération totale de la nation et des français.
Vous le savez, la considération pour les femmes et les hommes de ce ministère est immense, elle ne s’arrête pas aux mots. Il ne s’agit pas d’être fonctionnaires comme les autres vous qui risquez votre vie à chaque instant. Pour que ces milliers d’opérations de secours se déroulent dans les meilleures conditions matérielles, pour que les missions menées par la voie aérienne dont on sait qu’elles sont les plus dangereuses se fassent avec le moins de dégâts possibles, vous savez que la Direction générale et moi-même essayons aussi de faire de notre mieux.
Ce matin, c’est aussi le beau département de l’Isère qui pleure un de ses enfants. C’est la grande famille du secours en montagne qui est endeuillée après cet accident terrible qui également qui a touché les CRS l’année dernière et je sais les gendarmes avant eux.
Cette grande famille qui a fait de la montagne et du secours sa victime, ses passions, sa passion dévorante qui prend du temps de famille et du temps personnel. Celle qui rassemble sous le même drapeau, tous les uniformes : la Sécurité civile, les gendarmes , les CRS mais aussi le Samu et tous ceux qui contribuent avec toutes leurs couleurs à redonner des couleurs à la vie.
Quand on perd un être cher, on se demande pourquoi il est mort. On se demande pourquoi lui, et on se dit que tout ça est injuste. Mais tous les matins, Pierre-François s’est levé en sachant ce qu’il allait faire de sa vie, conscient de son risque, une vie dédiée aux services publics. Il ne cherchait pas le profit ou les honneurs mais l’accomplissement de pouvoir regarder sa femme, son fils, les yeux dans les yeux en étant un homme.
Fonctionnaires, vous effectuez des interventions difficiles, complexes aux prises avec les caprices du relief et du climat là où personne n’ose prendre l’hélicoptère ou l’avion.
Des interventions risquées qui exigent de vous une grande expertise, une vie de moine, du sang-froid, du courage, vous le savez, vous êtes conscient du risque, vos familles aussi. Mais conscient de ce risque, c’est la cohésion de la famille, la famille de la nation, des souvenirs partagés d’interventions, la douleur des épreuves, le drame des deuils, mais aussi, combien de joie de sauvetages réussis,combien de vies sauvées, combien d’enfants qui retrouveront leurs parents.
Dans la solidarité constante qui vous unit, malgré le danger, malgré les épreuves comme celle que nous vivons ce matin, vous n’accomplissez pas n’importe quel métier, vous accomplissez votre vocation, celle de toujours aller porter secours jusqu’au sacrifice, comme celui de Pierre-François Bonnard.
C’est avec humilité et bien souvent discrétion que vous menez tous les ans plus de 8000 interventions pour protéger nos concitoyens. Vous entrez dans ses belles montagnes et vous sauvez des vies et il n’y a pas plus grand sens du devoir que le vôtre. C’est ce sens du devoir qu’incarnait Pierre-François Bonnard, le don de soi, le service et le visage désintéressé de la République.
Pierre-François Bonnard, votre dévouement est un exemple et votre sacrifice nous oblige. Tous ici nous rendons hommage à votre engagement et à votre vie de citoyen.
Vous avez fait honneur à votre uniforme et à votre vocation.
A la demande du président de la République, vous serez cité à l’ordre de la nation. La médaille pour acte de courage et de dévouement échelon or, la médaille de la sécurité intérieure échelon or, vous ont été décernées à titre posthume et vous serez fait dans quelques instants chevalier de la légion d’honneur.
Une ultime distinction vous revient, celle du drapeau tricolore qui enveloppe aujourd’hui votre cercueil, ce drapeau qui symbolise la France, ses valeurs, son histoire. Notre nation, notre nation qui s’incline respectueusement devant votre dépouille et vous exprime reconnaissance et admiration.
Pierre-François Bonnard, vous rejoignez les illustres, les courageux, les vaillants, les discrets, les héros français du quotidien dont les noms ne sont pas perdus puisque ils s’inscrivent dans nos cœurs et dans celui de notre mémoire collective.
Vive la Sécurité civile, vive le secours en montagne, vive la République, vive la France.