Les hélicoptères à l’école de la montagne
lundi 15 février 2021
Article paru dans Aviation magazine du 15 février 1957 par Lucien Espinasse
Pour le lieutenant Loncan, moniteur de pilotage hélicoptère à l’école de Buc, « la montagne, c’est le juge de paix ».

La montagne est la concentration des plus grands obstacles à la surface du sol. Les perturbations créées sont à l’échelle des obstacles, capables d’engendrer des courants ascensionnels ou rabattants de dix mètres seconde, c’est-à-dire une force telle que la plus grande partie des moteurs d’avion ne peuvent pas en arracher un appareil.
L’homme, quand il a pu voler, ne s’est pas enlevé brutalement vers les grandes altitudes du ciel. Il s’est longtemps « traîné » pas très au-dessus de la surface du sol. La prudence voulait alors qu’on contournât les montagnes truffées de leurs pièges de rabattants et de leurs coups de boutoir d’ascendance. Quelques-uns aimaient à s’y risquer, Joseph Thoret fut de ceux-là. Il y découvrit, il y rechercha pour les étudier les lois des phénomènes. Il cria alors bien fort... de ne plus redouter la montagne mais d’y venir au contraire comme à l’école, pour apprendre. Il avait pensé à faire passer tous les automobilistes sur le circuit routier de Montlhéry avant de leur délivrer le permis de conduire...
On a peu suivi Joseph Thoret. L’homme avait une manière déplaisante d’exposer ses raisonnements. Surtout, l’avion finissait de se libérer, il devenait plus puissant, plus rapide, il volait plus haut...il devenait capable de sauter les montagnes et de voyager au calme des altitudes que rien ne déchire.
Aujourd’hui, les chevaliers du tonnerre qui se trimbalent le feu allumé aux fesses à 40.000 pieds sont suprêmement indifférents à la cuisine du sol ; ils ne passent que les rares secondes du décollage et de l’atterrissage. Mais l’hélicoptère est né. Lui, c’est un outil de travail pour l’homme. Il faut que l’homme puisse le garder à portée de la main, partout où il en a besoin et souvent en montagne.
Le cercle est refermé. Joseph Thoret avait raison. Une partie de la famille aéronautique va devoir retourner à l’école des sentiers de chèvres. L’armée de l’Air a ouvert à nouveau le Bourget-du-Lac qu’avait créé Thoret ; l’ALAT (Aviation Légère de l’Armée de Terre), couronne renseignement de ses pilotes par des stages à l’Alpe-de-Venosc.
De nouveau, on ressasse le B.A. BA des vraies conjugaisons « ascendances et rabattants ».
A Venosc, pour l’ALAT, Bouley et Henry ont dégagé une règle d’or avec variation sur le thème :
« Les approches en vue d’un atterrissage doivent se faire rectilignes dans les derniers 400 mètres, mais il

A l’immense symphonie en blanc de la montagne, l’hélicoptère apporte sa note.
Invité par le capitaine Razy, Je suis allé voir les moniteurs Loncan, de Pirey, Le Pape, Masson. Cathelain. Ils surveillaient les exercices du Jour. Au programme :
⦁ Défilement correct dans la vallée qu’on enfile toujours, à Venosc, pour se poser Nord-Sud, après un dernier virage en direction de la Barre des Ecrins.
⦁ Progression calculée d’atterrissage sur trois marches : 500, 1.300 et 1.800 pieds au-dessus des 1.650 mètres de l’Alpe. Il faut conduire l’élève, d’abord en double, puis le lâcher au milieu de zones tourbillonnantes et de visualisation difficiles, jusqu’à la limite des 600 ch de son moteur. On empile pour cela du lest dans la soute de l’hélicoptère-école jusqu’à ne plus laisser qu’un lnch de marge avant que la voilure se décroche en surcouple sur le point où atterrir.
⦁ Recherche par deux passages d’une estimation correcte du vent au sol dans des zones inconnues
⦁ Aller et retour, sur le même axe, en se référant à la vitesse de défilement du sol et à la dérive. Badin à 30 !...
J’ai vu les poussins écarquiller les yeux pour mieux « visualiser » les jours sans soleil, sur la neige qui estompe le relief. (...)
