Avec l’hélicoptère de la Protection civile dans le ciel de l’Ouest

samedi 6 juin 2020

Article du journal "Les ailes" du 13 juin 1958 - Avec l’hélicoptère de la Protection civile dans le ciel de l’Ouest - 2 ans d’épopée du sauvetage aérien
Notre aimable consœur de la Radiodiffusion Française au poste de Rennes, Anne-Marie Rozelet, dont nous avons déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises, de signaler les heureuses interventions en faveur de notre Aviation, a traité avec beaucoup de bonheur les services remarquables que rend en Bretagne hélicoptère de la Protection Civile.
Quand l’hélicoptère a quitté la Base de Lorient pour transporter le bébé malade, de l’île de Sein à Douarnenez, un vent assez fort et surtout une brume très dense rendaient les conditions atmosphériques particulièrement défavorables.
« L’appareil atteignit difficilement la pointe du Raz, où je le posai. La brume s’était encore épaissie, et la traversée me paraissait impossible. »
« Par téléphone, j’exposais la situation au Docteur L’haridon, le médecin de l’île, qui me répondit : « Vous êtes juge des possibilités matérielles. Je dois seulement vous prévenir que la vie de l’enfant n’est plus qu’une question d’heures. »
« Nous avons décidé, le mécanicien et moi, de tenter la traversée. Pour nous permettre de nous repérer, j’ai demandé aux Ponts et Chaussées qu’on allume le phare de Sein.
« On ne perçait pas la brume jusqu’à la côte, et nous avons dû voler au ras des vagues. Les premiers éclats aperçus nous ont montré que nous dérivions. Nous avons pu alors corriger notre route, et le phare nous a aidés aussi pour l’atterrissage-qui s’est effectué normalement. »
« On nous attendait avec impatience. Nous avons pris le bébé, et nous sommes repartis aussitôt pour Douarnenez. Le voyage de retour a été difficile aussi ; nous avons dû, à certains moments, voler à 20 mètres de la mer. »
Sur le stade Lesteven, la partie en cours a été interrompue pour laisser l’hélicoptère se poser. L’ambulance attendait et a conduit aussitôt le bébé à l’hôpital.
« A cause de la brume, nous n’avons pu rentrer tout de suite à la Base. »
C’est le Capitaine Vallée, un des pilotes de l’hélicoptère de la Protection Civile basé en Bretagne, qui, au lendemain de cette mission délicate, la vingt et unième, vient de m’en faire le récit, de la voix tout unie et pourtant un peu brève qui lui est particulière.
Compte rendu, dépouillé de-toute fioriture, d’une liaison dont les risques apparaissent cependant en filigrane à ceux qui connaissent le cadre où elle s’est déroulée.
L’île de Sein, la plus solitaire, la plus farouche dans son éloignement, celle où l’on aborde après une traversée de 3 heures toujours impressionnante, à travers les houles du Raz, et qui fait se remémorer la vieille prière des marins : « — Aie pitié de moi, Seigneur, ma barque est si petite et la mer si grande... »
Grâce à l’hélicoptère, la traversée ne dure plus qu’un quart d’heure...

UN PRECURSEUR : CONSTANTIN-WEYER
Depuis quelques années, le problème des liaisons aériennes entre les Iles et le continent — et spécialement les liaisons sanitaires, préoccupait bien des esprits. Certes, les canots de sauvetage et leurs vaillants équipages avaient souvent réalisé des prodiges pour transporter, par gros temps, blessés ou malades. Mais la durée de la traversée, son inconfort, mettaient parfois les patients en mauvaises conditions pour subir une intervention chirurgicale urgente.
Un jour d’hiver 1955, un dialogue dramatique s’était engagé, au téléphone, entre le médecin de Belle-Ile et le directeur de l’hôpital de Vannes. Il fallait, de toute urgence, du sérum pour sauver une malade en danger.
La tempête soufflait. Impossible d’envisager un transport par mer. (Il faut pour relier Belle-Ile au continent, une heure de bateau par beau temps.) Le directeur de l’hôpital eut une idée. Il téléphona au pilote de l’Aéro-Club, Constantin-Weyer, pour lui demander si un avion pourrait essayer.. Constantin-Weyer comprit immédiatement et n’hésita pas : il demanda qu’on lui porte les précieuses ampoules au terrain pendant qu’il sortait l’avion. Volant au ras de l’eau, prenant des risques considérables. Constantin-Weyer réussit sa mission en quelque quinze minutes. Il devait en accomplir d’autres, peut-être trop oubliées... Mais l’idée des liaisons sanitaires aériennes faisait son chemin.
Un matin de septembre 1956, les habitants de l’île d’Houat virent se poser sur le plateau dénudé, un étrange insecte bourdonnant, agitant comme des antennes ses grandes pales horizontales. L’hélicoptère, encore insolite dans le ciel breton, était piloté par le colonel Frédéric Curie, des Sapeurs-Pompiers de Paris, pionnier des liaisons par hélicoptère, qui effectuait ses premières reconnaissances, en vue de l’installation d’une Base permanente en Bretagne. La foire-exposition de Vannes donna un certain relief à ses démonstrations. Puis on n’en entendit plus parler... Mais le 27 novembre 1957, un hélicoptère écarlate, un Bell 47 G2, avec sa grosse tête ronde en plexiglass et sa queue grêle de libellule, prenait place dans un hangar de la Base Aéronavale de Lann-Bihoué, près de Lorient. Il portait le nom du colonel Curie, en hommage au pionnier disparu entre temps.
L’appareil était mis à la disposition des Services de la Protection civile, pour des mission dans toute la région. Mais la Base de Lann-Bihoué avait paru l’abri le plus commode, et le point d’appui le plus sûr, en raison de son équipement technique. La Base d’hélicoptères de Bretagne, la troisième en France, était créée.

HOMMAGE AU MECANICIEN
Dans le bureau affecté aux. équipages, une immense carte de Bretagne indique les limites -dû domaine sur lequel ils vont régner.
Au-dessus d’un bureau, un grand portrait du colonel Curie. Le lieutenant Robert, un des pilotes, suit mon regard :
« Oui, il fallait lui rendre cet hommage ; les pionniers, on a un peu trop tendance à les oublier. C’est grâce au colonel Curie, que nous sommes ici sur la brèche, et nous l’en remercions. »
« Sur la brèche »... A ce moment-là, ils étaient quatre : deux pilotes, deux mécaniciens. Un troisième pilote devait les rejoindre un peu plus tard puis, tout récemment, un troisième mécanicien.
Tous de formation différente, d’horizons divers : deux Sapeurs-Pompiers de Paris ; un : C.R.S. ; un « motard » de l’escorte d’honneur présidentielle.
Un seul était pilote d’avion avant d’accomplir les stages réglementaires dont, obligatoirement, un stage en montagne.
Il y a un garçon du Nord réservé et souriant ; un Parisien ironique ; un « demi-Celte » presque taciturne, un méridional jovial et primesautier.
En mission, il n’y a plus que l’équipage, où coopèrent étroitement pilote et mécanicien.
« La notion d’équipage, me dit le Capitaine Vallée, est une réalité encore plus profonde dans un hélicoptère que dans un avion.
« Le mécanicien n’est pas un mécanicien ordinaire ; il est vraiment le compagnon, l’adjoint. Le mécanicien est souvent le vrai sauveteur : brancardier, infirmier, selon les circonstances. Certaines missions n’auraient pu être accomplies par le pilote seul, que le maniement délicat de l’hélicoptère absorbe le plus souvent. »
« Le mécanicien écoute, voit, ajoute le pilote Robert. Il a les réflexes qui donnent au pilote le temps de réfléchir. Il lui allume même sa cigarette au besoin... C’est pourquoi je dis que le mécanicien, c’est l’ange gardien du pilote, autant que de l’appareil... »
L’éloge n’est pas mince quand on sait quels soins minutieux exige l’hélicoptère qui doit être constamment prêt à partir en cinq minutes au premier appel.

Anne-Marie ROZELET

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