Mercredi 9 janvier. Il est 7h15. Dur le réveil !, et l’heure pour moi de partir au travail. Un petit déjeuner et je me prépare à partir, la voiture chauffe sous un ciel grisâtre, j’arrive au travail, ma bécane est là scintillante et si propre de son bleu azur.
Nous la sortons prête à partir, je retire les roues que je ramène au hangar, je charge ma valise dans une des soutes latérales. Tour de la bécane, je branche la batterie, Titine est prête. Je fais le plein de carburant, avec environ 350 litres. Nous sommes donc prêts à partir sur Auch pour la 100ème heure de notre fidèle Écureuil F-GGAO que je serai chargée d’amener avec mon patron.
Ah ! La météo ! Quelle joie de reprendre un peu les commandes après quelques jours cloué au sol pour cause de météo. La météo n’est toujours pas avec nous ce jour-là, tans pis ! Il faudra s’y faire sous ce ciel gris et maussade. Batterie sur On, Pompe sur On, Génératrice sur On, on attend le gavage... puis c’est la mise en route, ouverture de la manette de débit à 10%, GG s’emballe dans les tours... la T4* grimpe à vive allure, le couplomètre n’en fait qu’à sa tête qui affiche au-dessus des 400 tours, puis redescend ensuite. Les températures montent ; les tests se font un à un ; le test hydro fait lui aussi la tête, le froid ne lui réussit donc pas...
Nous sommes enfin prêt à partir, puis le voyant "portes" s’allume, fichue bécane qui n’en fait qu’à sa tête, je me débrêle** et descends pour vérifier et refermer toutes les soutes, j’ai même droit à un brushing gratuit ! Tout est ok , on s’aligne sur le H4 ! Je reprends les commandes, GG est à moi "Biarritz de l’Écureuil AO, nous sommes prêts au départ". Après autorisation, manche en avant où je vais doucement chercher l’accrochage, 20...30... 40...50... 65kts et je me mets en montée vers 1500 ft pour le transit. Je prépare les prochaines fréquences dont Dax et Madiran, personne à Dax, "toujours en vacances ceux-là !"<br />
Je vole le rotor proche des nuages, je fais joujou avec le ciel comme toujours, fière dans mon élément. Et puis devant, c’est le mur, la visibilité tombe, le plafond aussi, je baisse le pas et réduis ma vitesse à 80 kts dans un premier temps, puis je descends à 800 ft, la visibilité n’est toujours pas fabuleuse, je réduis encore vers les 60 kts pour contourner ce mur, le sol défile sous mes pieds, le ciel s’éclaircit de plus en plus après 15mn à batailler et à avancer à la vitesse d’un escargot. Puis, le ciel se dégage de plus en plus, c’est le trou bleu au-dessus, je rajoute de la puissance et je grimpe pour passer au-dessus de ces petits nuages en forme de coton. C’est si merveilleux ! Après 40 minutes de vol, Auch se rapproche, il faut quand même penser à redescendre un jour !
Après avoir pris le premier contact avec Auch, je rejoins la vent arrière pour une finale piste 18, je réduis et j’aligne mon Écureuil en finale où je redescends de 65 à 40 kts ; le sol approche, plus que quelques mètres, mon hélico s’arrête seul, je tiens le stationnaire pour me refaire un peu la main, puis direction le parking maintenance... On coupe et je descends, jamais lassée par de tels spectacles. L’après-midi ce sont les points fixes, je m’installe au pied de la machine pour pouvoir sentir le maximum de souffle venant de son rotor... puis je grimpe à bord, quand on en a jamais marre... Que voulez vous ?!!
Le soir, je les laisse effectuer leur vol de contrôle entre pilote et mécano, moi j’attends au sol.
Au retour, GGAO arrive majestueusement face à moi, il ne passe qu’à deux mètres grand maximum, je sens la chaleur de son turbine Arriel me recouvrir les vêtements, les cheveux et surtout me réchauffer le coeur.
La première journée est déjà passée, il est temps de rejoindre l’hôtel, bonne nuit GG.
Le jeudi 10, réveil à 7h15 encore, petit déjeuner et direction le terrain d’Auch pour récupérer notre machine. Il fait gris, je passe prendre le dernier bulletin météo ; ils prévoient du brouillard, seulement du terrain, on ne voit rien. Nous sortons la bécane du hangar, prête à partir pour visite de lignes EDF. Nous décidons de faire un tour de piste pour voir l’évolution du temps ; en effet, c’est bel et bien bouché, on ne passera pas dans l’immédiat, nous rejoignons la finale pour poser aux pompes. GG a soif, un petit plein à ras bord avant de repartir plus tard. Les heures passent, il est 11h déjà. Je prépare mon petit sandwich sur le patin de GGAO puis après manger nous décidons de repartir pour Aire-sur-l’Adour pour aller chercher notre observateur technique qui nous attend.
Décollage en 18 et prise de vitesse. Le temps s’est dégagé mais pour combien de temps ? 15mn de vol plus tard et nous revoilà dans le brouillard total. On ne va donc jamais y arriver, nous sommes à 150 ft à 30kt... Tout est bouché, on essaie de contourner les zones accrochées puis nous contournons les lignes mais rien n’y fait, nous prenons la décision de nous poser dans un champ, c’est plus sage...
Bon ! Hé bien voilà ! Posé dans un nid de brouillard, je descends me dégourdir les jambes et puis non, finalement il fait meilleur dedans ! J’en profite pour me connecter sur Internet pour faire un petit tour sur FA*** (Hé oui ! Même dans les champs !) puis l’éclaircie arrive... Nous ne traînons pas pour repartir, nous revoilà dans les airs mais pour une courte durée... 10 minutes après, une épaisse couche de brouillard nous envahit de nouveau, nous survolons la terre à environ 10m/sol, nous avançons à 10 kts, c’est sûr, on ne va pas faire un record aujourd’hui. Plus on avance et plus ça se bouche, nous nous reposons à côté d’un lac, nous ne voyons pas à 50m.
Bon, la journée va être longue ! Nous attendons encore et toujours à bord de GG, il est 13h quand je devine une toute petite éclaircie sur ma gauche, je dis à Michel "allez, on va le tenter...". Il remet en route, puis nous décollons vers notre petite éclaircie, et ça y est, le trou bleu au-dessus, ok on passe ! Nous voilà donc, en quelques secondes, au-dessus de la couche de brouillard, une visibilité exceptionnelle où nous pouvons également voir au-dessus des nuages l’ensemble de la chaîne enneigée des Pyrénées. Quel spectacle !
Nous arrivons finalement en retard, à Aire sur Adour, où nous effectuons un peu de visite de lignes durant deux heures. Retour à Aire pour notre petit goûter, puis nous remettons en route, direction Biarritz, le temps reste exceptionnel, bien loin du temps d’hier, et pourtant...
Voilà un résumé de la plupart de mes journées.
Aujourd’hui, je vous écris depuis le bureau où nous sommes bloqués, en effet : 110 km/h de vent et de la pluie. Un temps à ne pas mettre un Écureuil dehors ! Alors un peu de mécanique pour passer le temps et ce petit message pour vous dire juste que la routine n’existe pas pour moi. Oui je suis heureuse et fière de pouvoir me lever chaque matin en sachant que je passerai ma journée à bord d’un hélico. Oui, je suis heureuse de pouvoir ne faire "qu’un" avec mon hélico fétiche et de pouvoir le piloter ; rêve de gosse quand tu nous tiens ! Oui, je suis fière d’être là où je suis à 19 ans et d’avoir passé le cap des 700 heures d’hélicoptère et surtout d’Écureuil. Parce que j’ai dû en soulever des montagnes, faire face aux remarques et aux gens qui ne croyaient pas en moi. Aujourd’hui, j’ai le droit à mes ailes, je me rends bel et bien compte de la chance que j’ai.
A trois ans, j’avais les yeux émerveillés devant un Écureuil bleu et blanc, aujourd’hui ce type d’hélico est devenu mon passe-temps, mon métier. Jamais je n’aurai imaginé une telle chose, pouvoir bosser sur mon rêve, mais l’histoire est loin d’être terminée, en effet elle ne fait que commencer... Alors demain je m’envolerai si "Monsieur soleil" le veut bien, une fois de plus pour rejoindre les nuages et voir mes trois pales me tourner au-dessus la tête avec mon sourire de gosse émerveillée, parce que non, je ne m’en lasserai jamais. Je vis ce rêve depuis bientôt un an, je me rends compte aujourd’hui qu’en y croyant, tout peut arriver.
Alors je voulais dire un grand merci à tous ceux qui m’ont aidé à en arriver là, le chemin sera encore bien long, sachez que de nombreuses personnes de ce forum m’ont aidée à faire mes preuves et je voulais tout simplement vous dire à tous, vous les membres de FA, un grand merci pour avoir cru en moi, pour avoir suivi mes récits et mis des messages sympas sur mon post****. Je vous en suis énormément reconnaissante et surtout, n’oubliez pas, si vous passez dans le coin, Chouchi se fera un plaisir de vous emmener voler avec un de ses Écureuils.
Merci à tous, bons vols et soyez prudents !
Natacha Laporte alias "Chouchi"
"les rêves ne valent la peine que si ils sont vécus"
* T4 : classe de température
** débrêle : désangle
*** FA : abréviation de Foxalpha : forum aéronautique (www.foxalpha.com/forums/) où Chouchi aime communiquer
**** post : texte posté dans un groupe de discussion (newsgroup) ou dans un forum