Monsieur Michel AUBERT

Publication : 5/10/2013 Auteur(s) : Marc

Une vidéo de 1982, « DRAGON » Métier à risque (Cf. lien en fin d’article), provoque une réminiscence enfouie.
Les équipages de la base de Grenoble posent devant l'Alouette 3 de la Sécurité civile F-ZBDQ au début des années 80 avec de gauche à droite : Alain Frébault, Bruno Bastiani, Marc Lafond, Michel Aubert, Michel Lamousse, Alfred Leplus, Paul Rouet et Claude Bruxelles - Photo collection Marc Lafond J’ai côtoyé en vol, en stage, au sol tous les protagonistes du film, dignes représentants des Bases de Paris, Granville et Grenoble, je leur dois les belles périodes de ma vie professionnelle, les moments de doute, de détresse, mais aussi et surtout de joie et de partage. Comme le repas du soir, pris au réfectoire de la Base de Paris grâce à la débrouillardise de Monsieur Alejandro. Comme cette chambrée, mise à disposition des jeunes recrues, Pilotes et Mécanos en attente d’affectation qui pour occuper leur disponibilité s’acharnaient en recyclage administratif ou mécanique à l’Échelon central.

Ce campement spartiate, où nous nous sommes parfois entassés jusqu’à six, là où le café du matin avec les derniers potins de la commère se dégustait avec bonheur au bistrot du coin chez le "Père Colzon".

Ces espoirs, ces projets, c’était pour nous : « La Promesse de l’Aube ».

A tous ces compagnons, il en est un particulièrement cher, c’est Monsieur Aubert, mon Patron à Grenoble.

Michel Aubert pose devant son Alouette III - Photo DRA la Base, déclassé du Personnel Naviguant pour raison de santé, le Groupement Hélicoptère lui offre le poste d’adjoint à la direction de Paris avec déchirement, mais il relève le challenge. Pendant près de vingt ans, je serai à ses côtés.
Un souvenir fort, la négociation entreprise ensemble auprès du SAF pour l’hébergement de la Sécurité civile (personnel et matériel) sur Albertville et Courchevel, pendant la durée des Jeux Olympiques d’hiver 1992.

Instituteur de formation, Monsieur Aubert avait été Pilote de chasse ; le vol sous capote aux instruments était son dada qui tout naturellement le poussait vers la percée au retour des « Evasan », afin de gagner du temps et du confort pour les patients du bord, évitant ainsi le transfert relais routier pour cause météo défavorable au vol à vue.

Pour cela, la connaissance du secteur, les repères dangereux ou utiles répertoriés se révélaient précieux, nous nous alignons au retour des missions ce qui nous permettait de ramener au plus vite blessé et médecin vers le SAMU, augmentant ainsi la chance de survie pour l’un et la disponibilité pour l’autre.

Michel Aubert et Marc Lafond posent devant leur Alouette III à Grenoble - Photo DR Excellent, Pilote, posé, calme et déterminé, il s’imposait l’obligation de l’entraînement et nous partagions les tâches d’exploitations de données instrumentales :
• Cap, horizon, altimètre pour lui.
• Variomètre, anémomètre, compte-tours rotor pour moi.

Nous amorcions alors la descente d’une vallée repérée au préalable dans un alignement donné qui déterminait le cap, vario -500, badin 150 et c’était parti pour la purée de pois, coton opaque, impalpable, dans lequel on s’enfonçait inexorablement, les dés sont jetés "impressionnant".
Seul recours maintenant, la confiance aux instruments et au Commandant de bord.
Les tours rotors s’amplifient d’un bruit caractéristique, aussitôt ramenés dans les normes d’une légère action sur le « pitch » (pas général). Michel calme la belle mécanique qui s’emballe, sécurité oblige et aussi histoire de montrer qui est le « Maître ».

Lorsque nous arrivions enfin dans le champ de visibilité sous la couche, la machine ruisselante d’humidité et l’attention soutenue des instruments, cela nous demandait environ encore huit à dix secondes afin de réaliser que nous avions percé.
Marc Lafond à bord de l'Alouette III - Photo DRCe genre d’action nécessite entraînement constant et information précise de certains critères de minima dont le plafond sous couche, la température mini et l’absence de trafic.
Il aimait aussi tester ses réflexes et automatismes et me demandait très souvent de simuler, voir provoquer, pannes et incidents techniques, ses préférées étaient :
• Pannes de servo.
• Témoins de fonction.
• Pannes de démarrage.
• Extinction turbine, dans laquelle il excellait.

Dans le réel, une rupture d’étanchéité d’huile et une extinction turbine nous ont envoyés aux pâquerettes. Michel Aubert et Marc Lafond en mission de sauvetage avec l'Alouette III - Photo DR Dans les deux cas, pas de tube de garde protection RAC flambé, ni traverse de train à recentrer, un exploit dû au professionnalisme du Pilote sur lequel on pouvait compter.

Il a marqué son passage à la Base, juste, exigeant envers lui-même, nous demandant la réciprocité, confiant dans son équipe, participant toujours à nos agapes, possédant le sens de la formule, la rhétorique étant son domaine de prédilection, tous se souviennent de ses discours officiels ou en finale, il rendait toujours hommage à ses compagnons Mécanos.

Équipage de la Base du Versoud en détachement Alpe-d'Huez avec de gauche à droite : Alain Frébault, Michel Aubert, Marc Lafond, Bruno Bastiani et Jean-Pierre Roca - Photo collection Famille RouetJ’ai le souvenir d’un homme intransigeant, un vrai Chef respectable et respectueux.
Homme de talent, d’action, audacieux qui par le chemin emprunté, rencontra sa destinée.

S’il trouvait que les maximes étaient l’expression de l’intelligence, en voici une qu’il n’aurait pas désavouée.

« Une bonne maxime est trop dure pour la mâchoire du temps »

Monsieur Aubert a marqué le sien.

• Voir le reportage intitulé : « DRAGON » Métier à risque.

Vos commentaires

  • Le 15 janvier 2014 à 01:43, par Chris En réponse à : Monsieur Michel Aubert

    Très bel article.
    Merci Marc.

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  • Le 5 novembre 2017 à 10:06, par Aubert Christine En réponse à : Monsieur Michel AUBERT

    Aujourd’hui, je découvre cet article magnifique sur mon père...
    Et je tenais à dire merci. Christine.

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    • Le 9 novembre 2017 à 12:23, par Marc Lafond En réponse à : Monsieur Michel AUBERT

      A Christine
      Certaine image reste le regret d’un instant magique parfois .

      Michel votre papa possédait des dons multiples qui rendent un homme attachant, cette voix de basse particulière, un talent de compteur et d’amuseur public en certaine circonstance ,cette faculté de s’intéressé ,d’expliquer , de partager aussi chant et culture.
      Soyez fière de vos origines

      Pour moi si la vieillesse demeure le naufrage annoncé ,le souvenir est une forme de rencontre, sa sœur s’appelle espérance .

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      • Le 19 octobre 2019 à 18:18, par Aubert Christine En réponse à : Monsieur Michel AUBERT

        Merci Monsieur Lafont pour votre témoignage, j’ai souvent entendu votre nom. Merci et bonne continuation, dans l’espoir de bonnes rencontres tout le long de nos vies. J’ai aimé aussi l’écrit de ma grande soeur Cathy.
        Merci à mon papa pour tout ça, :), <3, ;)

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  • Le 12 mai 2018 à 15:56, par Cathy Aubert En réponse à : Monsieur Michel AUBERT

    Comme ma petite soeur, il y a quelques mois, je viens en farfouillant sur la toile de tomber sur votre chouette hommage à papa. Devrais-je dire "mon père ce héros" ? ;)

    Entre la soupière et la salière, jamais assortis de leur prénom, vos noms ont émaillé les repas de mon enfance, "Lafond, Lamousse, Leplus, Frébault, Montmasson (...)"
    Par la place que vous occupiez à notre table, vous faisiez tous un peu partie de la famille.

    Merci de continuer à le faire vivre.

    Cathy

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    • Le 31 mai 2022 à 11:50, par Lafond En réponse à : Monsieur Michel AUBERT

      Bonjour chère Madame,

      Je suis Luc, le fils de Marc....

      Comme vous le dites très bien, " ... vous faisiez tous un peu partie de la famille... " pour moi comme j’ai eu l’habitude d’aller sur le terrain, j’avais un copain de jeu le petit fils du commandant de la circulation aérienne, j’ai connu tous les membres de cette famille du secours, je les ai considérés toujours avec respects et avec le temps comme les miens... Votre Papa était un homme très intimidant pour le petit garçon que j’étais lorsque je l’ai rencontré la première fois, mais il avait comme tous ses frères cachés sous une grande pudeur, un coeur gros comme ça, et tous m’ont permis d’avancer, parfois même de me construire, ils méritent tous un grand respect et le titre, oui, je n’ai pas peur de le dire, le titre de "héro", des héros discrets, mais tellement dévoués, courageux au péril de leur vie souvent, et ensuite tellement humbles et discrets qu’ils sont restés dans l’ombre et méconnus, au point que je me demande parfois si, nous leurs descendants ou leurs frères cadets avons consciences des sacrifices auxquels ils ont consentis, pour faire vivre le groupement et faire en sorte qu’il se développe et se renforce pour devenir ce qu’il est aujourd’hui, à savoir une institution. Combien de fois Michel Lamousse revenant de la réunion annuelle à Paris, parlait un peu découragé de la possible disparition du Groupement d’Hélicoptère de la Sécurité Civile.....
      Malgré les souffrances qui furent les leurs dans les épreuves professionnelles comme la perte de plusieurs de leurs frères qui les ont affectés pour toujours, ou personnelles, ils ont mené un combat pour continuer à servir et secourir, et pour cela tous, je dis bien tous, méritent la plus belle médaille, celle de la mémoire dans l’honneur, et le coeur aussi.
      Cette famille était et est pour toujours la vôtre, la nôtre.
      Aujourd’hui, Papa est parti depuis bientôt deux ans (10 juin 2020, 06h50) après avoir livré son dernier combat contre la maladie avec autant de dignité que durant sa vie au groupement, en me cachant tant qu’il a pu ses douleurs.... Il a rejoint là haut tous ses frères au Paradis des Secouristes ainsi que tous ceux qu’il a aimés.
      C’est très difficile, leur pudeur est telle que j’ai découvert des choses par ce site, ou dans les archives de Papa, fierté et regrets, fierté de ce qu’ils ont accomplis et regrets de ne pas avoir pu les embrasser très fort tous pour leur témoigner gratitude, et affection, mais ce n’était pas dans leurs habitudes ou leur éducation, ces hommes là ne montraient pas, ils se protégeaient par une carapace.... pour mieux servir, mais le revers est que nous n’avons pas pu assez les choyer, les gâter peut être.

      Ce qu’a écrit Papa plus haut.... "... les souvenirs sont une forme de rencontre et sa soeur s’appelle espérance ... " est très très fort, très profond, et très élevé par l’espoir généré. L’Espérance est celle de les retrouver pour ma part. Soyez assurée de mes respects pour votre Papa, ses frères et vous même.
      Luc
      Au cas où : lulafond@gmail.com

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