Comme beaucoup, j’ai eu le privilège de côtoyer René Delvaux alias « L’EMPEREUR ».
Né en 1920 dans l’Aisne, rien ne le prédestinait à devenir cette figure incontournable de l’hélicoptère.
En 1939, il est engagé volontaire dans un régiment d’Infanterie Coloniale. Ses affectations l’amèneront dans divers endroits comme Dakar, Casablanca, en Corse et un peu partout en France. Blessé deux fois par des éclats d’obus, prisonnier puis évadé, il sera démobilisé le 25 juillet 1946 avec le grade de Sergent-chef.
Jusqu’en 1952, il est d’abord agent auxiliaire en Allemagne et dirige un garage. Après dissolution du service il devient contrôleur/essayeur chez Citroën puis Simaca. Déjà une première partie bien remplie.
Se profile la Gendarmerie en 1952. Il est d’abord affecté à la Garde Républicaine, puis ce sera le Groupement Blindé.
Sa destinée se précise avec son Brevet de pilote avion en 1954 puis celui d’hélicoptère en 1955, brevet N°112. Il rejoindra dans un premier temps le GH 2 à Sétif. Le 16 mai 1959, il est breveté moniteur pilote hélicoptères sur Bell 47 et Alouette 2.
Il sera ainsi le deuxième Instructeur de la Gendarmerie après l’Adjudant Réty.
Il va être chargé de défricher les départements d’Outre-Mer. Mise en place des Sections et recherche des points de posés. Il en profitera pour contrôler et instruire les pilotes.
Il va bien sûr prendre du grade et sera nommé adjudant-chef en 1966.
Il participera à tous les stages de montagne d’abord à Barcelonnette puis à Briançon.
En 1970, il est affecté à la « Sécurité des Vols » à Versailles-Satory et ses contrôles l’emmènent partout à travers la France et l’Outre-mer.
Lors d’un de ses voyages, il se posera sur les Monts Tumuc-Humac à la frontière de la Guyane et du Brésil en Alouette II « Astazou ».
En 1975, il quitte la Gendarmerie, avec le grade de sous-lieutenant, pour rejoindre l’Aérospatiale, Division Hélicoptères.
Là aussi, il va beaucoup bouger pour les salons, les études et surtout mettre en valeur ses connaissances dans le domaine des Voilures Tournantes. Une autre mission va lui être confiée, la formation des Commerciaux de l’entreprise. Cela se fera à Lognes en Seine-et-Marne sur Alouette 2. Pendant cette période, il va toucher au show Business. D’abord avec une Alouette 3 pour le film « l’Animal » avec Jean-Paul Belmondo puis ce sera pour l’émission « Incroyable mais vrai » où il doit tracter avec un Écureuil des spécialistes du surf sans la planche rien que sur leurs pieds et sur l’eau (barefoot). Jacques Martin l’invitera à son émission en compagnie de Mireille Mathieu.
En 1988, il quittera l’Aérospatiale pour une retraite bien méritée, ce qui ne l’empêchera pas de continuer à faire partager son savoir aux jeunes et moins jeunes.
Aujourd’hui, je vous parle de René car il était un « Très grand » de l’hélicoptère. Certes, il n’aimait pas se mettre en évidence, tout le monde avait un grand respect pour lui et sa simplicité lui valait de vrais coups de chapeau que ce soit dans la Gendarmerie, la Protection civile ou dans le milieu privé.
Après son départ à la retraite, il revenait souvent à la Gendarmerie, mais l’ambiance avait changé, chez Aérospatiale où, là aussi, les choses bougeaient. Alors son plaisir était que nous nous retrouvions au « Romarin » cher à Georges Bras et sa famille avec « Bill » Chalard, autre figure de la Gendarmerie et Jean-Louis Espes, de la communication d’Aérospatiale et là, pendant des heures, il nous racontait ses bons et mauvais souvenirs. Il n’a jamais vraiment été médiatisé et pourtant quel « Grand Bonhomme » !
Personnellement, je ne garde que des bons souvenirs de lui et des vols que nous avons fait ensemble dans le Briançonnais et tout ce qu’il m’a appris.
Grand merci René !
Il est parti en 1991, avec plus de 7000 heures au compteur et des décorations dont la Médaille de l’Aéronautique, la Légion d’Honneur, Croix de Guerre et j’en passe...
Personne ne pourra le remplacer, lui et son éternelle « clope ».
Une anecdote qu’il aimait raconter ; tout au début, les hélicoptères de la Gendarmerie servaient aux opérations de maintien de l’ordre. Lors d’une de ces missions, il pilotait un Bell 47 avec à son bord un Officier Observateur chargé de guider les CRS vers les manifestants. Deux bruits secs se sont faits entendre et René s’aperçut que la température d’huile grimpait dangereusement, il se mit en autorotation et réussit un posé parfait. Une fois descendu de l’appareil il constata que les courroies du ventilateur de refroidissement étaient cassées. Par radio, il alerta la base. Pendant ce temps, les manifestants, eux, venaient vers l’appareil. Ils eurent très peur jusqu’au moment où l’un des grévistes aperçut les képis des gendarmes dans l’hélico. Ils n’étaient donc pas des CRS et tout s’arrangea. Après avoir raconté cette discussion à leurs autorités, les hélicos se virent affublés de plaques Gendarmerie sur les côtés.
Autre anecdote, il appelait l’Alouette II F-MJAN « sa vieille Pute » car disait-il : "c’est la machine sur laquelle tout le monde passe".