Deux histoires de Jean Boulet

Publication : 24/11/2011 Auteur(s) : Papycoptere

Il y a quelques années j’avais dans la tête d’écrire « les Histoires Drôles de l’Hélicoptère » comme il y avait eu les histoires drôles de l’Armée de l’air. Lettre de Jean Boulet à Jean-Marie Potelle - Photo JMPJ’avais donc lancé un appel à tous pilotes et mécaniciens pour m’envoyer leurs missives. Les seuls à avoir répondu rapidement furent Jean Boulet, Gérard Henry et Roland Coffignot ; des autres, rien. J’ai donc abandonné le projet. Aujourd’hui, je vais vous faire partager les deux récits de notre Jean Boulet National que je viens de retrouver dans mes archives.

La cuisinière du Refuge Félix Faure
Dans les années 60, nous avons vécu une époque bénie où, l’Alouette 3 ayant déjà reçu son Certificat de Navigabilité, nous devions la faire « vieillir » pour découvrir, avant nos clients, les véritables défauts de jeunesse de tout hélicoptère. Il était donc recommandé aux différents pilotes d’utiliser pendant le week-end l’appareil désigné pour cette étude de vieillissement.
Un beau jour d’été, j’étais parti avec ma femme à Pralognan pour rendre visite à notre fils qui était en vacances dans un chalet de l’UCPA. Comme il n’y avait pas d’héliport, j’avais, pour la bonne forme, téléphoné au Maire pour lui demander l’autorisation d’atterrir sur le terrain de football de la commune, autorisation gracieusement accordée. Nous avons eu un voyage sans histoire de Marignane à Pralognan, jamais blasé par le survol des Alpes.
Le Maire était venu nous accueillir et dès l’atterrissage, il me demanda si je pouvais transporter une cuisinière à charbon destinée au Refuge Félix Faure situé au Col de la Vanoise (2500 m). Celle-ci était préparée à tout hasard dans un coin du terrain. La masse annoncée étant dans le domaine des possibilités de l’Alouette 3 qui gardait toujours à demeure son élingue de chargement ; j’ai accepté.
Le Refuge Félix Faure - Photo XJ’ai demandé à ma femme de me seconder pour l’opération de dépose à côté du refuge. Je l’ai emmené avec moi au Col de la Vanoise en lui expliquant qu’elle devait me guider par gestes à l’emplacement bien plat que nous avions repéré.
Je suis redescendu à Pralognan, ai arrêté l’Alouette 3 à côté de la cuisinière. J’ai moi-même, fixé l’anneau de levage au crochet de l’élingue. Puis j’ai remis en route, décollé et suis venu me placer au-dessus de la cuisinière que j’ai soulevée sans difficulté.
Après quelques minutes de vol, je me présentais au Col de la Vanoise et là ma femme m’a parfaitement guidé jusqu’à la verticale du point choisi. Malheureusement, j’avais oublié de lui indiquer la fin des gestes conventionnels, pour descendre à la verticale, mouvements alternatifs de haut en bas des mains, paumes vers le sol et pour larguer, les deux bras levés pouces vers le ciel. Lorsque ma femme a vu la cuisinière en bonne position, elle a eu le geste naturel de lever les deux bras pouces vers le haut pour me dire que ma position était correcte. Réflexe conditionné comme c’était le geste conventionnel du largage, j’ai appuyé sur le bouton. Mais la cuisinière était encore à 0,5 à 1 m du sol et elle a sérieusement souffert de sa chute.
Je crois que ma réputation de Pilote d’essai en a pris un sérieux coup ce jour-là.

God damned helicopter
L’histoire suivante m’a été racontée par mon ami Ron Gellaly qui était le Chef Pilote de la Société Westland. Dans les années 50, à l’époque où les rodages des boîtes de transmissions se faisaient encore sur les hélicoptères eux-mêmes, Ron avait décollé un jour avec son mécanicien pour faire deux heures de rodage sur un Sikorsky S 55. Ce genre de mission était plutôt ennuyeux. L’équipe se promenait sur la campagne à basse altitude pour se distraire. Sikorsky S 55 - Photo collection JMP Dans un champ, un paysan labourait avec une charrue tirée par un cheval. Des bois alternaient avec les champs, une petite route étroite sinuait au milieu du paysage. Sur cette route, une grosse voiture américaine que Ron regardait machinalement. Soudain l’équipage a vu la voiture quitter la route dans un virage et aboutir sur le toit dans un fossé. Le premier réflexe a été de venir au secours de l’automobiliste. Le temps de trouver un terrain atterrissable à quelques distances du lieu de l’accident, nos deux aviateurs sont revenus au pas de course vers la voiture. Ils sont arrivés au moment où un américain apoplectique s’extrayait difficilement du véhicule dont les portes s’étaient bloquées. N’ayant pas réalisé qui étaient les deux hommes qui venaient à son secours, l’automobiliste leur a dit « I was watching this god damned helicopter ».
Et pendant ce temps, le paysan continuait imperturbablement à labourer son champ.

Vos commentaires

  • Le 28 novembre 2011 à 11:52, par Chris En réponse à : Deux histoires de Jean Boulet

    Bravo Jean-Marie pour ces anecdotes dont je connaissais l’une d’entre elles : la cuisinière. Il est vrai que tout pilote, a eu dans sa vie des "aventures" parfois cocasses, parfois dramatiques, mais souvent "impubliables", mais ô combien savoureuses.

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