Chauffeur de la Méd’cineuse

Publication : 10/11/2011 Auteur(s) : Papycoptere

C’est ainsi que l’on surnommait les pilotes d’hélicoptères agricoles autrefois en France et en particulier dans le Berry. Il faut reconnaître que voir évoluer ces appareils à basse altitude sur du blé, du colza, du maïs et des vignes est une véritable attraction. Mais cette spécialité n’est pas sans danger. J’ai eu la chance de travailler pour une de ces sociétés dont la vocation était l’épandage par hélicoptère et vais essayer de vous faire mieux connaître ce petit monde.

Pourquoi l’hélicoptère plus que l’avion ?
JMP aux commandes du DJINN - Photo collection JMPL’appareil à voilure tournante a l’avantage de pouvoir se poser au plus près du chantier, donc pouvoir se ravitailler en carburant et produit avec un minimum de temps perdu. D’autre part, la possibilité de pouvoir réduire sa vitesse et le souffle du rotor permettent une meilleure dispersion du produit et une meilleure pénétration dans la végétation surtout sous les feuilles, là où se trouvent souvent le parasites.
La préparation d’un chantier s’effectue en étroite collaboration avec le client, le fournisseur du produit à épandre et la Protection de végétaux pour accord. Sur une carte au 1/25 000, les surfaces à traiter vont être repérées afin de ne pas aller chez le voisin.
Egalement à noter, les obstacles en place : lignes, arbres, clôtures, etc. Les points d’eau pour ravitaillement carburant et produits seront cochés car si l’hélicoptère peut se poser un peu partout, il faut que les véhicules accompagnateurs puissent accéder.
Un balisage fait de piquets de couleur donnera la trajectoire à suivre. L’espacement sera fonction de la longueur des rampes et de la surface à traiter. Pour ce qui est des bordures, elles seront traitées perpendiculairement à la trajectoire d’origine et ce en fin de traitement.

De quoi est composée une équipe ?
JMP et son équipe, prêt à partir - Photo collection JMPD’un « cocher » qui dirige la manœuvre, d’un assistant qui s’occupe de la sécurité au sol, du complément de carburant et de produit et du nettoyage du plexi, d’un ou plusieurs aides qui s’occupent de la « touille » citerne où le produit est préparé.
Au niveau du matériel, il y a bien sûr l’hélicoptère équipé de rampes dont la longueur est variable, par exemple sur une Alouette 2, elles peuvent être de 11 m et de 14 m sur un Mi 2. Ces rampes sont équipées de buses de pulvérisation qui sont au nombre de 136 sur l’appareil Russe mais généralement de 60 pour les appareils couramment employés. Un réglage de ces buses doit être très précis suivant le traitement, qu’il soit bas volume ou ultra bas volume. Nettoyage de la Bulle du Lama d'Air Glaciers - Photo David Rendu La taille des gouttes ayant une importance énorme sur la qualité du travail. Elle peut aller de 80 à 600 microns pour un traitement de 15 à 150 litres à l’hectare.
Sur les côtés de l’appareil, on trouve deux bacs dont les volumes ont été étudiés en fonction de la charge admissible. Pour un Ecureuil, cela peut être 730 litres alors que pour un Bell 47, ce sera 250 litres. Fait également partie de l’équipement, une pompe qui va faire circuler le produit dans les rampes et commandée par un robinet électrique.

Pour le contrôle à bord, le pilote dispose d’un manomètre de pression, de trois voyants : rouge, ambre et vert (chute de pression, fermeture et ouverture du robinet électrique), d’un basculeur débit et fin de pulvérisation situé sur le manche cyclique. Quand à la commande du « Vide vite », elle se trouve sur le collectif. Par exemple sur Lama, l’installation permet un débit de 390 L/mn, l’ouverture se faisant en 1,5 s avec une pression de 3,5 bars. Poids de l’ensemble : 135 kg.

Mais revenons sur les lieux de travail. L’appareil est posé à proximité du chantier, parfois sur un chemin. Pulvérisation en Bell 47 - Photo collection JMP Les camions carburant et produit ne sont pas très loin. Dans la « touille », le mélange est prêt, les tuyaux sont déroulés, l’indispensable seau est placé devant les yeux du pilote car il lui sert de repère pour poser en sécurité surtout lorsque la bulle commence à être sale et que le soleil devient bas. Dans le seau, de l’eau et une raclette pour nettoyer la bulle à chaque arrêt remplissage. La météo est prise avant la mise en route, car inutile de démarrer si la pluie est annoncée ou si le vent doit être fort. Après la mise du carburant à la demande du pilote, le produit est mis dans les bacs latéraux. En général, peu de carburant pour un maximum de produit.
Le pilote va alors décoller, s’aligner sur le premier piquet, prendre sa vitesse, pas plus de 90 km/h, sa hauteur entre 1,50m et 5m au-dessus des cultures. Le déclenchement peut se faire et l’on voit un nuage sortir des buses. Une ligne se présente, elle est haute, on passe en dessous, un arbre se trouve sur le passage, on l’évite en passant à droite ou à gauche. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a des rampes qui peuvent toucher et déséquilibrer l’appareil. En bout de bande, on monte et on effectue un virage pour repartir dans l’autre sens en se réalignant sur le piquet du retour. Pulvérisation : Hughes 300 en action - Photo collection JMP C’est une multitude de « S » qui vont s’enchaîner. Au bout d’un certain temps, il est nécessaire de faire un complément de plein et de produit donc retour au point de départ. L’équipe est prête, l’un s’occupe du carburant et du nettoyage de la bulle, l’autre du produit. A midi, arrêt des hostilités pour se restaurer soit chez le client, soit sur place.
Pour l’épandage de produits secs ou granulés, l’hélicoptère est doté d’un seau placé au bout d’une élingue et dont l’ouverture est commandée électriquement. Sur Ecureuil, le seau peut avoir un volume de 1,13 m3 et déverser jusqu’à 1000 kg/mn. Le poids de l’ensemble est de 100 kg.

Souvent le travail commence tôt, surtout en été, puis s’arrête jusqu’au soir, puis reprend jusqu’à la tombée de la nuit car pulvériser en pleine chaleur ne sert à rien.
Le soir, un repos bien mérité s‘impose mais avant il faut nettoyer et préparer la machine pour le lendemain. Les pilotes qui pulvérisent sur les vignes à flanc de collines ont une grande connaissance du terrain et une parfaite maîtrise de la machine - Photo David Rendu Certes, c’est un travail saisonnier mais intéressant car le contact avec le client qui devient souvent un ami, est au top niveau.
Ce que je trouve très technique, ce sont les pilotes qui pulvérisent sur les vignes à flanc de collines et en espalier. Cela nécessite une grande connaissance du terrain et une parfaite maîtrise de la machine.
Aujourd’hui, les agriculteurs utilisent de moins en moins l’hélicoptère, faute de moyens et c’est bien dommage. Mais ceux qui l’utilisent, prennent grand soin du « Chauffeur de la Med’cineuse ».

Vos commentaires

  • Le 13 avril 2012 à 18:19, par Chris En réponse à : Chauffeur de la Méd’cineuse

    Jean-Marie,
    Votre reportage est très bien fait, très bien documenté et très technique. On a l’impression d’embarquer avec vous et de voler sur les cultures.
    Félicitations !

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