Les derniers témoins

Avec les Bell 47 G2 et J3 de la Protection civile

Publication : 25/02/2014 Auteur(s) : Francis


Le Groupement Hélicoptère de la Sécurité Civile étant de nouveau dans l’incertitude, nous devons rester 2 Bell 47 dont F-BGSS avec Citroën type H Protection civile à Issy-les-Moulineaux, Échelon Central, le 21 juillet 1960 - Photo collection D. Roosensà l’écoute de nos anciens dès que l’occasion se présente, eux qui furent les témoins des premières implantations.
Il est bon de tenir compte du passé pour comprendre le présent et mieux appréhender l’avenir. C’est pourquoi j’ai recueilli un maximum d’informations auprès d’un "Équipage d’Anciens" (Gabriel BARTHÉLÉMIO, pilote & Jean JOUANNY, mécanicien) derniers témoins de l’utilisation des premiers appareils BELL G2 et BELL J3 en service à la Protection civile.

Après sa création en 1949 (Convention de Genève, articles 66 et 15), le Service national de la Protection civile, décide, trois ans plus tard – grâce au Colonel Frédéric CURIE et à l’Adjudant Joseph de TADDÉO de la Brigade des Le commandant Frédéric Curie est aux commandes du Bell 47 G2 avec Joseph de TADDEO accroché à l'échelle de corde de 8 m - Photo collection D. Roosens Sapeurs-pompiers de Paris – d’étudier toutes les possibilités de l’hélicoptère à participer aux opérations de secours. Dès 1954, arrivent les premiers BELL G (mis au standard G2 en 1959) à la Protection civile et dans la Gendarmerie.

Les années 56-57 furent une époque charnière, plusieurs évènements survenant en même temps : L’hélicoptère en version sanitaire faisant des merveilles, tout d’abord au cours de la guerre d’Indochine, sous l’influence du Médecin-Général ROBERT assisté du capitaine Alexis SANTINI et du Médecin-Pilote Valérie ANDRÉ. S’en suivra, ce fameux drame du Mont-Blanc vécu par deux alpinistes VINCENDON et HENRY, qui, mondialement médiatisé Le Bell 47 G2 F-BICA sur la Base de Grenoble-Eybens en juillet 1957 ou 58 avec de gauche à droite : Gérard FROMMWEILER, Gabriel MONTMASSON, Alfred LEPLUS et Louis MARET les futurs "Compagnons de l'ALOUETTE" - Photo collection D. Roosensa permis de dévoiler les possibilités et les limites de l’hélicoptère en haute altitude et aboutira à l’officialisation de la responsabilité des pouvoirs publics en matière de secours en montagne.

Les Unités de Gendarmerie et de C.R.S. avaient déjà dû être réorganisées pour répondre aux demandes de secours de plus en plus nombreuses.
A la suite des inondations aux Pays-Bas lors desquelles fut présent le Colonel CURIE, les hélicoptères prirent officiellement une place prépondérante pour les secours en France.
A la création du Centre de formation au secours en montagne des C.R.S. en 1955 – dirigé par le commandant Sauveur PIGUILLEM, inventeur de la civière hélitreuillable – succéda l’organisation des Sections d’Hélicoptères de la Gendarmerie en 1956 Bell 47 G2 de la base de Grenoble en approche ; il est équipé de 2 civières (Les 3 Pucelles en arrière-plan) - Photo collection F. Delafosse et l’arrivée en 1957, du Groupement hélicoptère Protection civile au sein du Ministère de l’Intérieur.
Au cours des années 56/57, furent créées les trois premières Bases Protection civile équipées d’hélicoptères de type "Bell ou Agusta Bell 47G/G2". Ce fut tout d’abord PARIS en mai 1956. Ensuite, après l’installation de la section maintenance, ce fut GRENOBLE en juillet 1957 pour la montagne et QUIMPER en novembre 1957 pour les îles et la mer.
Concernant l’indicatif radio, les équipages utiliseront le mot "DRAGON", comme le souhaitait le Colonel CURIE, patronyme par lequel il se désignait déjà ainsi dans son ancien réseau de résistants.

En septembre 1961, l’équipage Chazeaud-Rouet, à bord du BELL G2 de la Base de Bordeaux, tente de récupérer un pêcheur qui avait quitté sa petite barque pour ramasser des coques dans l’estuaire de la Gironde se retrouvant ensuite enlisé jusqu’à la taille. Les équipages sur Bell 47 G2 - Photo collection D. Roosens Arrivé sur les lieux, au large de l’île CAZEAU, le mécanicien lui jette l’échelle de corde, mais l’homme, croyant bien faire, en fixe l’extrémité sur son embarcation. Sans la possibilité de remédier à ce problème, le mécanicien descend le long de l’échelle pour libérer l’hélico et récupérer ensuite le pêcheur. Pendant ce temps-là, le pilote, trouvant le temps bien long, se maintenait en vol stationnaire tout en n’ayant aucune vision sur ce qui se passait en dessous...

En février 1963, avec le même type d’appareil, l’équipage Barthélémio-Jouanny assure la sécurité de Louis Lourmais, un nageur de l’extrême. L’idée lui est venue de partir de Toulouse pour rejoindre Bordeaux à la nage par La Garonne... en plein hiver ! L’équipage s’efforce d’installer pour la première fois et non sans mal, des boudins-flotteurs en plus des civières latérales. Le Bell 47 G2 F-BHMG de la Protection civile et ses boudins-flotteurs fin des années 50 - Photo collection D. Roosens Après le décollage en direction de Toulouse, le pilote se demande comment se comporterait l’appareil si une panne moteur l’obligeait à se poser en autorotation. En touchant la terre ferme ainsi équipé, quels seraient les éventuels "rebondissements". L’épreuve se passa heureusement sans incident, même si notre nageur de l’impossible, transi de froid, fut obligé de s’arrêter un moment à hauteur de La Réole.

Au début des années 60, face au développement parallèle et concurrentiel des Sections hélicoptère de la Gendarmerie Nationale, consigne est donnée aux équipages Protection civile de la Base de Bordeaux Premier sauvetage par une voilure tournante AVRO 671 en France en juin 1935 (autogire privé, piloté par le pilote Vannier, appartenant au journal Le Parisien) - Photo collection D. Roosens d’installer un poste à Lacanau-Océan durant la saison estivale. En été 1961, l’emplacement de l’ancienne gare est aménagé pour recevoir tout d’abord le BELL G2. On installe à proximité le véhicule de maintenance, pompe et fûts d’essence de 200L. Cet appareil affecté est muni d’une civière extérieure à droite et d’un panier porte-charge à gauche contenant une échelle de corde et un canot pneumatique. Il lui sera également possible de récupérer des personnes en détresse au moyen d’une échelle de corde et de larguer un Maître-nageur au plus près des baigneurs en perdition. Les possibilités de l’appareil sont restreintes, en outre cela permet d’occuper le territoire.
Dès 1964, première mise en place du BELL J3, en 1967 indisponible, il sera remplacé par un Bell G2 histoire de se maintenir à tout prix dans le secteur. Le détachement se fera pour la premiére fois avec une Alouette II en 1968 et 69 avant le retour du J3 jusqu’en 1971, fin de la période BELL à la Protection civile.

Dès 1935 avec la mise en œuvre des premiers autogires en France, la possibilité de rester en position stationnaire est exploitée. Câbles, cordages, échelle de corde étaient fixés sous les appareils et permettaient, tant bien que mal, de récupérer toute personne ou matériel à la verticale.
Georges Rousse et Michel Dagouneau posent devant leur Bell 47 J3 F-ZBAH en juin 1970 - Photo collection D. RoosensPuis apparurent les premiers treuils. Ce fut le cas sur un appareil issu du Bell G2 immatriculé F-BHMG, agrandi et transformé, pour devenir le BELL J2 en 1961. Un seul exemplaire fut acheté et testé à la Protection civile. Trop peu performant pour la montagne, il fut très vite affecté en Base mer et le détachement de Lacanau put ainsi en profiter dès juin 1963 via Quimper où il laissera place à une Alouette II patins/flottabilités.
Le F-BHMG cassé à Bernay sera reconstruit et modifié en J2 via Agusta Bell n°2006 sur chaîne, en Italie. De retour en France le 22 juin 1961, il sera affecté au détachement de Quimper (voir vidéo ci-dessous). Crash du Bell 47 J3 F-ZBAH suite à une panne moteur en mai 1962 - Photo collection D. Roosens Après un crash, suite à une panne moteur en mai 1962, il sera reconstruit en 1963. Cette année-là, le détachement de Quimper devient Base au mois de juin. Mis au standard en version J3 en avril 1964, il part pour la Base de Bordeaux (créée en 1962) et remplace le Bell 47 G2. Premier sauvetage en mer le 14 juillet 1964 sur Lacanau. 1967 : retour du J3 sur remorque à Paris, puis de nouveau, retour sur Bordeaux. Muté sur Paris pour réforme le 24 janvier 1971, il est vendu par les "Domaines" en octobre 1972.

Ce BELL J3 vola pendant des années en limite de température à cause d’une anomalie d’application du protocole d’entretien concernant le radiateur de refroidissement. Ce problème obligea les mécaniciens à aménager un système de déflecteur (fabriqué par Dassault) et à déposer quelques capots de protection surtout par fortes chaleurs. Par ce manque de puissance, il n’était pas rare de voir l’appareil descendre lui-même au ras des flots pendant les manœuvres d’hélitreuillage.
Hélitreuillage avec le Bell 47 J3 de la Protection civile à Lacanau-Océan - Photo collection J. JouannyCet appareil marqua néanmoins une transition entre l’échelle de corde et le treuil électro-pneumatique de l’Alouette II. En effet, il est équipé d’un moteur électrique avec câble de 15 m, installé à l’intérieur de la cabine et un système de trappe. Le mécanicien déclenchait la fonction "marche-arrêt" du moteur et demandait au pilote la "montée-descente" en l’informant du positionnement. Pour la première fois, on pouvait parler d’hélitreuillage comme sur les tout premiers hélicoptères utilisés dès 1951 dans la Marine Américaine (Sikorsky R4/HSN1, R5/S-51 et Piaseki HUP-2) pour la récupération des pilotes crashés en mer.
Arrivé à Bordeaux au début des années soixante, cet appareil effectua sa dernière saison à Lacanau-Océan en 1970.
Plusieurs pannes moteur eurent lieu, avec le pilote Barthélémio, en phase de décollage, un pilote de Quimper en treuillage et Chazeaud-Jouanny qui furent contraints de se poser après un arrêt moteur en vol sur la commune de Sainte-Hélène en Médoc le 5 février 1968. Un jour, lors d’un exercice, un mécanicien fut même dans l’obligation de couper le câble à la pince faisant retomber à la mer la personne suspendue !

Le Bell 47 J3 avait la particularité d'être aussi mis en route à la manivelle - Photo collection D. RoosensExprimant leurs inquiétudes auprès de la Direction de devoir voler en zone maritime sans équipement de flottabilité de secours, il leur fut répondu que cet appareil était muni d’une poutre de queue carénée et que, par conséquent, en cas de problème la flottabilité serait assurée ; ce qui bien sûr, n’avait jamais été prouvé. En outre, les portes latérales assez lourdes étaient facilement démontables, mais pas du tout largables.
L’achat des Alouette II, pour renouveler la flotte et faire évoluer le Groupement avec la création de nouvelles Bases, ne se fit pas sans polémique. L’investissement financier fut souvent revendiqué par d’autres administrations en mal de développement. Jusqu’aux années soixante-dix, on pouvait entendre des réflexions ou même des menaces de fermeture de bases entraînant la dispersion du personnel vers les services d’origine (Police, Pompiers) Les équipages, pilote, mécaniciens, MNS posent devant le Bell 47 J3 F-ZBAH de la Protection civile à Lacanau-Océan- Photo collection D. Roosens. C’était d’autant plus d’actualité au cours des périodes délicates qui suivaient les accidents et les drames.

Tous les pionniers du secours héliporté de la Protection civile se sont efforcés de prouver le bien-fondé de leur vocation. Malgré le peu de moyens dont ils disposaient, ils assurèrent le développement de ce service d’État, permettant ainsi aux futures générations d’en faire ce qu’il est devenu aujourd’hui.

Un grand merci à Gabriel BARTHÉLÉMIO, Jean JOUANNY et Dominique ROOSENS pour leur collaboration à la rédaction de ce texte.

Quelques images du Bell 47 J3 F-ZBAH décollant de l’Île d’Ouessant en déc. 1962 - Vidéo © INA

Bell 47 J3 F-ZBAH - Ouessant - décembre 1962

Vos commentaires

  • Le 18 avril 2014 à 18:48, par Chris En réponse à : Les derniers témoins

    Grâce à l’INA, nous venons de rajouter une vidéo comportant quelques images rares du Bell 47 J3 F-ZBAH de la Protection civile décollant de l’Île d’Ouessant en décembre 1962.
    Chris

    Répondre à ce message

    • Le 1er juillet 2015 à 15:59, par DELAFOSSE En réponse à : Les derniers témoins

      Merci également à Patrick Hébert pour ses clichés anciens et rares de la Base de la Rochelle

      Répondre à ce message

      • Le 12 juillet 2015 à 13:40, par Patrick HEBERT En réponse à : Les derniers témoins

        Complément d’informations
        Le 19 juin 1963, l’hélicoptère Bell 47G2 – F-ZBAI n° 1465 se pose dans le parc Franck Delmas à la Rochelle : création de la Base Hélicoptère de la Protection civile de La Rochelle.

        Équipage :
        • M. DUPRESSOIRE (PCB)
        • M. DUPRESSOIRE (PCB)
        • M. CHRISTOBAL (PCB)
        • M. MILLOT (Mécanicien)
        • LAURENT (Mécanicien)

        Première relève d’appareil le 11 septembre 1963 par le Bell 47G2 F-ZBAJ
        Relève du 30 octobre 1963 par le Bell 47G2 F-ZBAI
        Relève du 9 août 1964 par le Bell 47G2 F-ZBAJ
        Relève du 1er juillet 1965 par le Bell 47G2 F-ZBAI
        Relève du 30 septembre 1965 par le Bell 47G2 F-ZBAG
        Relève du 8 décembre 1965 par le Bell 47G2 F-ZBAI

        Le 23 avril 1966, arrive l’Alouette II – SE3130 F-ZBAD.

        Le 22 novembre 1977, la II, remplacée par la III : Alouette III SA316 B – F-ZBDF.

        Et le 25 mars 2004, affectation de l’EC145 F-ZBPW.

        Patrick HEBERT

        Répondre à ce message

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.