La rencontre...

Publication : 12/11/2009 Auteur(s) : Catherine Evrard

Début de l’histoire, 1971 : j’avais 8 ans, lorsque mon oncle et ma tante me proposèrent de passer quelques jours de vacances chez eux. Je les adorais et j’avais pour mon oncle une grande admiration ; il était grand, beau dans son uniforme de l’armée de l’air ! Tonton passait son temps libre sur le terrain de l’aérodrome du Mans. C’est donc tout naturellement, qu’il m’y emmène, histoire de me faire découvrir son monde à lui, aux antipodes de mon quotidien... Je découvre l’aérodrome, vois des avions « en vrai » pour la première fois, j’ai même le droit de les toucher, de monter dedans sous l’œil attentif de tonton. Le jour même, je demande à faire un baptême de l’air avec lui.

J’ai enfilé la combinaison de tonton Alain, bien trop grande pour moi, il m’a équipé du parachute « Tu en auras besoin si je te le dis », même pas peur ! (le parachutisme 20 ans après, m’a procuré d’autres sensations !) il a fini par boucler ma ceinture, m’a regardé d’un air satisfait et m’a dit « on y va ». Il est monté à l’avant a refermé la verrière, puis le planeur s’est mis à rouler en cahotant, de plus en plus rapidement sur la piste, puis, l’envol doucement, la prise d’altitude puis le petit choc du câble qui se détache. Le bruit du moteur de l’avion qui disparait, couvert par celui de l’air qui circule autour de l’appareil. Etrange sensation de glisse, de bleu à perte de vue, de voiles nuageux proches qu’il me semble pouvoir les toucher… Les courants ascendants sont à mon rendez-vous, je suis un oiseau ! L’émotion m’étreint, je découvre l’extrême plaisir, celui qui se loge au creux du ventre, celui qui vous fait afficher un sourire béat, celui que l’on n’oublie jamais, celui qu’il me faudra retrouver coûte que coûte ! La descente s’est déjà amorcée et alors que l’appareil touche le sol, la gamine que je suis vient d’échafauder son plus beau rêve : voler.

J’ai 26 ans lorsque je pousse enfin la porte d’une école de pilotage. Entre temps, j’ai fait quelques baptêmes en avion mais l’hélicoptère me fascine. Cet engin capable d’égaler et de surpasser nombre d’engins plus lourds que l’air me fait l’impression d’un fauve à dresser, à maîtriser, à conquérir. Aujourd’hui, nous faisons connaissance ! Ce sera sur le BELL 47. Premières impressions, avec sa silhouette que me fait penser à une gigantesque libellule, il se révèle léger, maniable, la vue est optimum, une pichnette sur le manche et le voilà capable d’évolutions nettes et précises. Le stationnaire me laisse « baba » Le sentiment d’intense liberté qui m’envahit finit de me convaincre... J’en veux, j’en veux encore et pour ce faire, je décide de m’inscrire ; l’aventure commence.

Cliquez pour agrandir la photo Jean-Marie en école sur Alouette 2 - Photo collection JMP« Je me présente, Jean-Marie POTELLE, tu vas prendre ta première leçon ». A quoi m’attendais-je alors ? Sans doute de la théorie au sol… Non, non, non… Météo, vitesse du vent, pré-vol, check-list, radio, mise en route, envol, radio, navigation… Je suis là et j’écoute ; en double commande, je ne risque rien, mais la première prise de manche est une épreuve ! JMP m’assiste, m’explique, bref, ne parle pas pour ne rien dire, la sécurité est sa règle n°1 et met toute son expérience en œuvre dans ce seul but.

Je suis rapidement consciente qu’il me faudra maîtriser parfaitement l’appareil qui ne supporte pas « l’à peu près », ni écarts de pilotage, encore moins les facéties d’un pilote distrait ou bien encore une analyse faussée de nombreux paramètres : météorologiques, mécaniques, ou géographie de terrain. Un vol ne ressemble jamais au précédent. En aéronautique, il n’y a pas de héros, seuls ceux qui, paradoxalement, gardent « les pieds sur terre » méritent, à mon sens, le titre de « pilote ». C’est ainsi que j’ai abordé l’hélicoptère, avec l’objectif à cette époque, d’en faire mon métier. En scrutant « la bête », en respectant la machine et les indications données par mon instructeur, j’accomplissais une sorte de devoir sacré. Parallèlement, les cours dispensés au sol par l’école m’étaient également expliqués par JMP.
Si je peux me permettre une comparaison, j’ai trouvé que le permis de conduire auto et moto était d’une facilité déconcertante !

Cher Jean-Marie ! Fallait-il qu’il soit patient ! Combien d’exercices faits, refaits, commencés, recommencés, de visite pré-vol et de check-list répétées (j’en rêvais la nuit !)… jusqu’à la certitude pour lui de la maîtrise de son élève… Combien de fous rires, combien de réflexions… Alors que je transpirais (au sens propre !) à tenir un stationnaire et qui j’y suis enfin arrivée : « tu t’améliores, on n’a pas changé de département aujourd’hui ! » Alors qu’un jour enfin il me fit atterrir à Guyancourt et sortant de l’appareil pour une prétendue « envie de pisser » il me dit « et bien maintenant du décolles et tu atterris toute seule ! ». Cliquez pour agrandir la photo de Catherine aux anges ; elle vole seule - Photo collection JMP Sur la seule photo, prise par JMP, que j’ai de ce moment inoubliable, ce « lâché » a été un moment d’angoisse terrible ! Mais, ce moment a aussi consacré des heures et des heures d’exercices, il était la suite logique de mon apprentissage.

La suite me confirma également que j’avais fait le bon choix concernant mon instructeur, lors d’un vol en ROBINSON R22, un brusque abaissement du régime moteur nous fit perdre de l’altitude. Je ne comprenais pas ce qui était en train de se passer, je n’ai vu que l’altimètre descendre et en une fraction de seconde, n’ai entendu que la voix de JMP dans mon casque, sans l’ombre d’une émotion « C’est le moment ou jamais de mettre en pratique l’auto-rotation ! Je prends les commandes, on va se poser, on a un problème ». Auto-rotation commentée dans ses moindres détails ! Reconnaissance du terrain avant de se poser, atterrissage, vérifications mécaniques, radio et nous voilà repartis. Retour vertical autoroute pour rejoindre Issy-les-Moulineaux, au cas où… Repérages des terrains, au cas où… Nous sommes bien rentrés, merci Jean-Marie.

Cliquez pour agrandir la photo des retrouvailles à Albi - Photo collection JMPLa vie, sous bien des aspects, nous offre le pire ou le meilleur, c’est ainsi que j’ai dit au-revoir à Jean-Marie début 1992. Quand je l’ai enfin retrouvé en octobre 2009 (merci Internet), j’ai été heureuse de revoir un homme qui n’a rien perdu de sa passion. Les années passées n’ont pas eu de prise sur son intellect et s’il a aujourd’hui des cheveux blancs, c’est juste une petite coquetterie qui le rend encore plus respectable.

Je ne pilote plus, hélas ! Mais, l’essentiel n’est peut-être pas là. L’amitié, l’estime et la confiance que nous nous sommes témoignés nous suffiront. Enfin, à lui, tous les souvenirs passionnants, toutes les rencontres extraordinaires, la reconnaissance du milieu professionnel, à moi les superbes souvenirs d’un rêve juste effleuré.

 Cliquez ici pour lire le récit intitulé "Catherine n’a pas fini..." par Jean-Marie Potelle.

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