Erika : 10 ans après, Roland Primel n’a pas oublié

vendredi 18 décembre 2009

Il était au treuil dans le Super Frelon de la Marine nationale, le jour où l’Erika a coulé. Il n’a rien oublié du sauvetage de 18 marins.

Témoignage
Roland Primel, treuilliste de la Marine nationale, 45 ans, 23 ans de métier, 200 sauvetages à son actif.Roland Primel, treuilliste de la Marine nationale, 45 ans, 23 ans de métier, 200 sauvetages à son actif.
Je m’en rappelle encore. On était en alerte depuis la veille, pas spécialement à cause de l’Erika, mais plutôt à cause de la tempête. Une grosse, celle-là. On dormait sur la base. A 6 h du matin, on nous réveille. Une demi-heure après, le temps de mettre le Super-Frelon en route, on décolle, huit personnes à bord, dont le plongeur, Pascal Chevalier. Le bateau était facilement repérable. La mer était vraiment déchaînée.

Le bateau était entier
L’Erika était entier. Il commençait quand même à embarquer de l’eau au centre. Les marins étaient tous sortis, sur un côté de la partie supérieure du château. C’est là que l’on a déposé le plongeur, Pascal Chevalier. Nous avons d’abord remonté cinq marins. Mais au fur et à mesure de l’hélitreuillage, on a vu le bateau s’enfoncer au milieu. Puis, le bateau s’est cassé. On a vu l’avant partir à la dérive. Le pétrole bouillonnait de partout.

Le treuil se bloque
La mer était vraiment déchaînée, avec des creux de 10 m parfois. Le Super Frelon ne bougeait pas trop. Il est taillé pour ce genre d’opérations. C’est moi qui les réceptionnais. Puis le treuil s’est bloqué. Il a fallu qu’on rentre à Lanvéoc. On savait qu’un Lynx arrivait sur zone. Le temps que l’on revienne, il avait sauvé huit marins.
Le plongeur Pascal Chevalier était resté sur l’Erika. Il a organisé le sauvetage. Mis un canot à la mer, et embarqué les marins dessus. Il est resté avec le commandant sur le pétrolier. On est revenus sur zone au bout d’une quarantaine de minutes.

Ça se corse
Là, ça s’est corsé. Très difficile de cibler ce canot de 5-6 m de long, ballotté par les énormes vagues, dans une mer de pétrole. Je n’arrivais pas à poser dessus l’autre plongeur, Pascal Vasseur. J’ai lancé un bout aux marins pour que Pascal puisse descendre juste sur le canot. Mais le bout a cassé. Finalement, j’ai mis le plongeur à l’eau, et les marins lui ont lancé un bout. Il a pu alors monter sur le pneumatique. Et l’on a sauvé les treize marins qui restaient. Ils remontaient couverts de pétrole. Ils étaient à bout de force. On les a ramenés à la base où ils ont été pris en charge par nos services.

Requis pour aider lles bénévoles
Bien sûr, j’ai réalisé beaucoup d’autres sauvetages, parfois plus difficiles. Mais ça marque quand même. Ce sont des moments où on est à 100 %. Le Super Frelon a continué à travailler après le naufrage. Nous sommes allés avec deux hélicos une semaine à Belle-Île, aider pour ramasser le pétrole.
Roland Primel, treuilliste sur le Super Frelon qui a sauvé 18 marins de « l'Erika ».On voyait toute la côte souillée, et la chaîne humaine des bénévoles. Ils posaient des sacs sur la grève, on élinguait et l’hélico les ramenait sur la falaise. J’ai fait d’autres interventions sur des gros bateaux, des porte-conteneurs en difficulté, avec les boîtes qui tombaient à l’eau.
L’Erika, c’était mon premier naufrage de pétrolier. Et j’espère que ce sera le dernier. Recueilli par Philippe ATTARD source

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