Hier, le Super Frelon s’est posé à jamais

vendredi 7 mai 2010

Le nouveau pensionnaire géant du musée de l’hélicoptère est arrivé hier par les airs. Un dernier vol pour cet emblème de la marine nationale marqué par l’émotion.
Hier matin, sur le tarmac de la base école de Dax : 11 h 05, un Super Frelon de la marine nationale se pose. Sans difficulté aucune. Pour son dernier vol hier, le Super Frelon a traversé le ciel landais. Cet appareil est reconnaissable à ses six pales et ses dimensions record : 25 mètres de long pour un poids de 13 tonnes - Photo David Le Déodic Un atterrissage de plus. La routine. Pourtant, à l’intérieur de l’appareil, dans le vacarme ambiant de cette machine hors normes, les cœurs de la dizaine de militaires présents se serrent. Bardés de décorations, les tempes blanchies pour certains et des missions aux quatre coins du monde pour tous n’empêchent pas les regards de s’embuer. Quelques larmes discrètes se dessinent. Cet atterrissage n’avait rien d’anodin. C’était tout simplement le dernier d’une longue histoire : celle de cet appareil emblématique qui, jusqu’à ces dernières 24 heures et durant près de 40 ans, a fait la fierté de toute l’aéronautique navale. Un hélicoptère, aujourd’hui en bout de course, que les amateurs n’admireront donc plus dans le ciel ou depuis leur bateau, mais au musée de l’EALAT à Dax, où cette carlingue de 13 tonnes et longue de 25 mètres va entamer une nouvelle vie. Loin de ses missions de sauvetage par tous les temps et des théâtres d’opérations qui ont fait sa réputation.

Marée haute dans les yeux
Alors forcément quand les quatre membres d’équipage et leurs derniers passagers, dont le général Pertruisel, ont touché la terre ferme, en sachant très bien qu’aucun d’entre eux ne volerait plus jamais sur un super Frelon, l’émotion est remontée à la surface. « Mercredi, racontait quelques instants plus tard, le pilote, le lieutenant de vaisseau Christophe Noyer, un autre équipage a posé un super Frelon à Bordeaux, ils nous ont téléphoné pour nous dire que c’était fort. On s’est tous regardé en se disant : ’’ Ils sont sensibles ces gens-là ’’. Et je peux vous dire qu’aujourd’hui, il y avait beaucoup d’émotion en se posant à Dax. Il y a une foule de sentiments et d’images qui défilent dans nos têtes. Personnellement, ça fait douze ans que je suis sur ce type d’hélicoptère, sur toutes les mers du monde, sur beaucoup de bâtiments, en Afrique, au Kosovo… Il y avait la marée haute dans mes yeux. »

Des embruns salés dans lesquels coulaient autant de paquets de mer que de souvenirs : « On s’attache à un hélico quand on vit des moments forts avec. Et avec cet appareil, on fait du sauvetage en mer dans les tempêtes, on va sauver des gens, on prend énormément de risques. Des risques mesurés, calculés en fonction du vent, de la tempête, des pilotes, des plongeurs, des médecins à bord. On a vécu des moments très chauds. Ce qui fait qu’un lien se crée avec la machine. »

De toutes les catastrophes
Pour bien comprendre ce qu’a été le quotidien de ces équipages, il suffit de savoir que les Super Frelon ont participé à tous les grands événements qui ont marqué notre littoral : « Amoco Cadiz » (1978), l’ « Erika » (1999), le « Ievoli sun » (2000)… « Les sauvetages plus difficiles n’ont pas forcément été les plus médiatisés, souligne le pilote. Il est nettement plus difficile d’aller sur un petit pêcheur de quinze mètres avec douze mètres de creux et quarante à cinquante nœuds de vent que d’aller sur un gros bâtiment. Le Super Frelon, c’est un hélico exigeant, qui se pilote réellement. Il faut se battre avec lui ou parfois contre lui. » C’était hier. Place désormais au successeur du Super Frelon : le NH 90. Mais rien ne presse, le musée a bien 30 ou 40 ans devant lui avant de devoir faire une petite place à ce nouveau-né... Jefferson Desport source
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C’était son dernier vol
L’hélico de légende a replié ses pales. Il restera désormais au musée de l’Aéronautique navale
L'atterrissage du dernier des Super-Frelon de la Marine nationale - Photo Pascal Couillaud « De l’émotion et des larmes dans la voix. C’était le dernier. Le tout dernier. Et le mieux conservé. » Pour Jean Kermonnach, vice-président de l’Association nationale des amis du musée de l’Aéronautique navale, hier n’était pas un jour comme les autres. Il recevait un super-héros. Un engin qui a déjà sauvé des milliers de vies.
Le Super-Frelon qui s’est posé à Rochefort est le dernier de la grande famille des sauveteurs des airs. Il avait décollé de la presqu’île de Crozon, le matin, pour venir prendre sa retraite là, entre mer et marais, dans ce musée entièrement consacré à la Marine nationale.
« Cette bête est tellement belle », poursuit Jean Kermonnach, qui irait jusqu’à trouver douce la musique du moteur rugissant lors de l’atterrissage.
Sortirent du ventre de ce Frelon - qui n’a rien d’asiatique - l’amiral Chomel de Jarnieu, numéro deux de la Marine, le capitaine Hastings, commandant de ce dernier vol, et l’enseigne de vaisseau Lacroix, copilote. Le jeune copilote balaya l’assistance du regard en débarquant sur le tarmac. Il cherchait son père, qui n’aurait pas voulu manquer ce moment. Car M. Lacroix père fut le premier pilote du Super-Frelon.

Saint-bernard des airs
Sur le tarmac où, en plus de la grande famille des pilotes d’hélicoptères, des marins, des amoureux des machines volantes, se trouvaient les personnalités incontournables du département : le préfet Henri Masse, Jean-Louis Frot, vice-président du Conseil général, et Bernard Grasset, le maire.
« C’est cet appareil qui a sauvé les 28 membres d’équipage de l’"Amoco Cadiz" en 1978 », lance avec admiration Jean Kermonnach.
Véritables saint-bernard des airs, les Super-Frelon ont sauvé 2 150 personnes. Depuis 1966, ils ont réalisé 135 000 heures de vol, dont 4 000 rien que pour les sauvetages en mer. Une centaine de Super-Frelon ont été construits en 40 ans. Pour les spécialistes, le modèle « laissera une trace indélébile dans l’histoire de l’aéronautique ».
Celui qui mit fin à sa carrière, hier à Rochefort, était donc le tout dernier. Les trois précédents avaient rejoint leur dernière demeure au Bourget, à Mérignac et à Dax, il y a quelques jours. Le retraité rochefortais est déjà dans son hangar. Il devra d’abord être désamianté avant de pouvoir recevoir des visiteurs. source

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