Accident d’hélicoptère en opération de secours en 1963

dimanche 4 mai 2008

Le 11 août 1963, l’Alouette II de la Protection civile se crashe au Pavé dans le Massif des Écrins (05), causant la mort des trois sauveteurs CRS à bord : WATTEBLED, FALQUET et ARNAUD

Les circonstances de l’accident
Titre dans le journal Le Dauphiné Libéré 12 août 1963 - Document Le Dauphiné Libéré - GHSC GrenobleDepuis 48 heures, le temps est très beau sur le massif des Écrins et de nombreux alpinistes profitent du week-end pour effectuer des courses au Pic Nord des Cavales. Le 11 août 1963, trois d’entre eux quittent au matin le refuge du Chatelleret. Juste en-dessous du sommet, l’un d’eux fait une chute rapidement enrayée mais souffre des reins. Ses deux compagnons donnent l’alerte au Chatelleret puis à la Bérarde. Une opération de sauvetage commence.

L’Alouette II F-ZBAC de la Protection civile de GRENOBLE-EYBENS décolle avec un mécanicien à bord, Louis BOVIER dit « le bov » pour se rendre à la Bérarde. Vers 13 H, il arrive à la Bérarde prend en charge deux sauveteurs CRS, le Brigadier François FALQUET, chef de poste, et l’Aspirant-guide Francis ARNAUD ainsi que le matériel nécessaire à l’opération. Le mécanicien BOVIER reste à la Bérarde certainement pour une question de place et surtout de charge alaire. Le Brigadier FALQUET conseille au pilote de tenter d’atterrir sur le versant Est de Villard-d’Arêne d’où l’accès au Col des Chamois est plus facile. L’hélico décolle aussitôt.
Il est 13 H 45 lorsque deux alpinistes, Jean-Pierre DAMOUR de Paris et Michel MARTELLIERE qui viennent d’atteindre la Brèche Sud du Pic des Cavales s’arrêtent pour observer à 500 m d’eux ; l’hélico…Photo des lieux du crash ; on aperçoit sur droite de la photo l'Alouette III F-ZBAL (?) pilotée par Francis RIERA - Photo Aimé Mollard Le Dauphiné Libéré - Document GHSC Grenoble {PNG} Ils le voient tenter de se poser près d’un petit lac, dans le talus qui de la face Est du Pic Gaspard, descend vers le torrent du Clos des Cavales.
L’hélico reprend de la hauteur pour chercher plus bas une zone relativement plane. Soudain les deux témoins effarés virent l’appareil basculer et s’écraser à 200 mètres entre une petite barre rocheuse et une ancienne moraine.
L’hypothèse la plus probable est que l’hélicoptère a été pris dans un « rabattant » et qu’une des pales du rotor a touché le sol, le déséquilibrant…

Après l’accident
Annotations des photos de l'article du journal du 12 août 1963 - Document Le Dauphiné Libéré GHSC GrenobleDe l’Alouette II disloquée, le cockpit se détache et roule 150-200 m sur la pente pendant que le feu prend au reste de l’appareil alors que le réservoir est presque plein. Les deux alpinistes témoins, persuadés de la mort des occupants, décident de descendre donner l’alerte à la Bérarde, repassent au Col du Pic nord des Cavales. Au pied du névé, Jean-Pierre DAMOUR descend en courant le sentier de la Bérarde et informe les CRS qui sont là depuis mardi.
Le Commandant RECOCHE a connaissance de l’accident et sollicite l’intervention de l’Alouette III de CHAMONIX. En 25 minutes, celle-ci arrive à la Bérarde avec à son bord le pilote Francis RIERA et le mécanicien Paul ROUET qui embarque trois sauveteurs CRS.
L’Alouette II (F-MJAY ?) de la Gendarmerie de la IX ème Région militaire, pilote André VIOT et co-pilote MACHUT, décolle également. Mais il faut se rendre à l’évidence, autour de l’épave éclatée, il n’y a plus de vie.L'Alouette II F-ZBAC de la Protection civile lors de sa dernière intervention sur la DZ de l'hôpital de la Tronche à Grenoble juste avant le drame, 1h30 après... - Photo DR Le Dauphiné Libéré- GHSC Grenoble {PNG} Néanmoins, une caravane terrestre de la CRS 147 conduite par le Chef PRAT composée de JALLAT, BICCIO, FOURTINE, VENTALON, DESCLAUDES, BARATIER, JOBE s’organise depuis Villard-d’Arêne et fait mouvement.

Le chagrin au cœur, ils veulent à tout prix, rejoindre les lieux de l’accident. Ils ont aussi un pieux devoir à remplir, celui de ramener les corps de leurs collègues au plus vite.
A 18 H se pose au Clos du Pavé, l’hélico de BRIANÇON puis peu après celui de CHAMONIX. A 19 H 50, l’hélico piloté par Francis RIERA se pose à l’aérodrome Jean MERMOZ avec à son bord les trois dépouilles mortelles. Un fourgon les prends alors en charge jusqu’au quartier de la CRS, rue Cornélie Gémond.

La chapelle ardente
Une chapelle ardente est dressée le lundi matin à la CRS147 à GRENOBLE mais dès dimanche soir :
Article de journal du 12 août 1963 - Document collection famille RigauxM. Jean MASSENDES, Secrétaire Général de la préfecture, représentant le Préfet Maurice DOUBLET, M. THIEBLEMONT, chef adjoint de cabinet
M. Le GOUIC, substitut du Procureur de la République
Le Commissaire VALETTE, commissaire de la vois publique et le Cdt MIGNEMI, Cdt le CU de GRENOBLE viennent s’incliner devant les dépouilles mortelles. Ils sont accueillis par le Cdt RECOCHE, Cdt le CNEAS et le Cne MANENT, représentant la sous-direction des CRS à PARIS et du Cne MATHIEU, représentant le Cdt GINOLIN de la CRS 147.

La cérémonie funèbre
A 9 H 15, ce mercredi matin, les trois fourgons s’arrêtent devant le parvis de l’Eglise Saint Louis. Deux sections de la CRS 147, un détachement du corps des Gardiens de la Paix, une section montagne du 6ème BCA sont figés dans un garde-à-vous impeccable. Une haie d’honneur est mise en place sur les marches de l’église.
Le premier cercueil est celui du Capitaine Jacques WATTEBLED, porté par les Capitaines Jean Le GAC et Gérard FROMMWEILER de la base hélico de GRENOBLE-EYBENS et de JOUVE et DURAUD du CNEAS. Les cercueils du B/C L'équipage de l'Alouette 3 venue de Chamonix : Francis Riéra (pilote) et °Paul Rouet (mécanicien), à la Bérarde après le crash en Août 1963 - Photo DRFALQUET et du Brigadier ARNAUD sont portés par les hommes qui composent leur magnifique équipe.
A leur tour, les familles des trois disparus pénètrent dans l’église, suivies d’importantes délégations. Le Préfet GRIMAUD, entouré de hautes personnalités, prend place aux côtés des familles. Le chanoine MARTEL, curé-archiprêtre de l’église St Louis célèbre la messe et l’absoute. Il prononce une allocution faîte de l’exaltation de l’esprit de sacrifice.
Après la cérémonie, les trois cercueils, drapés de tricolores, sont déposés sur le parvis au moment où dans le ciel passe cinq avions de l’Aéro-club du Dauphiné en formation d’honneur. Un nombre impressionnant de« montagnards », massés sous le porche de St Louis, tous spécialistes ou bons connaisseurs des périls de la montagne, font autour du triple catafalque la plus impressionnantes des cohortes d’honneur..
Le Capitaine WATTEBLED est inhumé à Saint-Maure-des-Fossés, dans la banlieue parisienne,
Francis ARNAUD dort au petit cimetière alpin de Saint-Paul-en-Ubaye où il est né. François FALQUET inhumé dans un premier temps à CORENC repose désormais au CHATEL en Maurienne.

Inauguration de la stèle commémorative
Douze mois ont passé… Trois morts héroïques, funérailles solennelles à GRENOBLE… Leurs chefs, leurs camarades n’ont pas plus oublié ce drame endeuillant les malheureuses familles. Nous sommes le 23 août 1964 et ce matin tous se réunirent autour d’une stèle très belle, très simple,
nimbée par un drapeau tricolore, un bloc de granit de l’Oisans qui supporte une dalle de marbre : « Ici sont tombés… ».
La cascade aux reflets irisés, les rudes abrupts du Pic Gaspard, du Pavé de Roche Méane, du cruel Pic des Chamois, les Glaciers de Cavales forment le décor de fond. Quelques cordées évoluent au-dessus du groupe massé autour de la stèle. Le ciel est bleu mais des nuées traînent ici ou là annonçant un orage… L’Abbé ROUSSET, curé de la GRAVE, Guide de Haute Montagne, célèbre la messe sur un autel improvisée constitué de quelques blocs granitiques. Il prononce des mots qui sentent à la fois la ferveur du prêtre et la douleur du Guide alors que les débris de l’hélicoptère scintillent dans le ravin mortel. Les larmes non retenues du Papa de WATTEBLED, les communions des Mamans si dignes, si belles sous leurs mantilles noires, les Guides fraternels gendarmes ou CRS figés au garde-à-vous dans un ultime hommage, tout cela compose un tableau aux impressionnantes rigueurs.
Des gerbes fleurissent la stèle complétées de bouquets d’edelweiss cueillies par les guides et les personnes montés à pied depuis le refuge.
Au nom des Guides de l’Oisans, Gaston TURC s’associe au deuil de ses pairs.
Représentant le Ministre de l’Intérieur, le Colonel DROGOUL s’incline devant les familles amenées là depuis le « Pied du Col » par les hélicoptères de Le GAC et LUMPERT et s’exclame : « Alpiniste qui te prépare à gravir ces hautes cimes qui nous environnent, arrête-toi près de cette stèle. Tout près de là, trouvèrent la mort des hommes courageux qui comme toi, eurent la passion de la Montagne et aussi le noble souci de fraternité qui en firent des sauveteurs. Dis ces trois noms WATTEBLED, ARNAUD et FALQUET avec une pensée de reconnaissance. Par delà leur sacrifice, ils murmurent des conseils de prudence et veulent que tu songes à leurs camarades qui sont ici aujourd’hui et sont prêts à risquer leur vie pour toi, s’il le fallait ! »
Appel des morts, minute de silence… Les hélicoptères reprennent leur rotation vers la vallée.
A midi, la stèle dévoilée monte sa garde solitaire dans le site sauvage des Cavales pour l’éternité.

Ont participé à cette cérémonie
Les Familles :
 Le Papa, la Maman de Jacques WATTEBLED et Dominique ALBANELLE, sa fiancée (23 ans…)
 La Maman de François FALQUET venue du CHATEL en Maurienne, son épouse et ses deux fils René et Guy (militaire au 6 ème BCA), sa fille Andrée, ses frères Jean (professeur) et Yves (Inspecteur des Contributions), ses sœurs Mariette et Yvette , son cousin l’Abbé FALQUET, curé de SAINT MARTIN la PORTE en Maurienne
 La Maman du guide ARNAUD, son épouse, son fis Roland et d’autres parents venus de la région de BARCELONNETTE

Les autorités
 Les Colonels DROGOUL et FONTY, respectivement chefs de groupent CRS VIII et IX
 Le Ct RECOCHE et le Capitaine JOUVE du CNEAS des CRS
 Le Cdt GINOLIN de la CRS 147 de GRENOBLE
 Le Cne DURAUD chef de la Section Montagne avec PRAT, JALLAT, HERMANN, JOURDA, GIRAUD, FARINE, MARION, MIRA, TOUPET, DUPLAN, BODZINSKI, CHAMARD, SARCIA, COZZANI et TORRICO
 Les pilotes/mécaniciens Le GAC, LEPLUS, FREBAULT, MONTMASSON, BONELLI, PEREZ, ROUET et LUMPERT
 Le Général COURTIADE des Troupes de Montagne
 L’Adjudant AUGEROT et BALMAIN chef du Groupe Spécialisé des gendarmes à GRENOBLE et BRANCON avec ASTIER, DUBBARRY, BODIN, MARTINON.
 M. ARNOUX et HELLION, président du Secours en Montagne de GAP et BRIANÇON
DESHORMIERE, de la FFM, BIRON du CAF GRENOBLE, BARNAUD de la SDSM.

La réfection de la stèle
En 1990, 26 ans après, le temps a fait son œuvre... La plaque de marbre noir a subi les rigueurs de l’altitude ; vent, gel, pluie, neige, ne l’ont pas épargnée. En collaboration avec les familles des disparus, une autre plaque la remplace, apposée à l’automne par les montagnards de la CRS des Alpes avec l’appui précieux de la Base hélicoptère du VERSOUD, pour que le souvenir demeure.

Remarque : ce travail de mémoire encore perfectible a pu être réalisé grâce aux commentaires des familles, de quelques témoins de cette époque et de nombreuses coupures de presse du Dauphiné Libéré (André TRABUT, Jean PHILIPPE, Jackie Saint-MAURICE, ...)

Cérémonie commémorative organisée par la SDSM - 5 juillet 2013 à Villar-d’Arêne
La Société Dauphinoise de Secours en Montagne (SDSM) est une association loi
1901 constituée principalement des « vétérans » bénévoles d’avant 1958, des anciens agents spécialisés de la CRS des Alpes, du PGHM, de la base hélicoptère, du SAMU de GRENOBLE.

Maintenant à la retraite, ces personnes très expérimentées continuent leur mission d’assistance en assurant la sécurité lors de sorties en montagne organisées au profit d’enfants handicapés.

Lors de leur traditionnel « rassemblement annuel » organisé pour la circonstance à Villar-d’Arêne à proximité des lieux du drame , ils ont tenu a rendre hommage à leurs collègues disparus en service commandé, à l’occasion d’une mission de Secours en Montagne.
Aux commandes de l'EC 145 Dragon 38, Bruno BARJAT - Photo Patrick GISLEUne gerbe a été déposée symboliquement sur la stèle érigée en pleine montagne par l’hélicoptère de la Sécurité civile à disposition du Secours en Montagne.
Une quarantaine de personnes et les représentants des familles retrouvées ont pu participer à cette commémoration cinquante ans après ces évènements tragiques qui ont endeuillés le « Secours en Montagne ». source

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