Evasan en hélicoptère : ça tourne pas rond

lundi 16 mai 2011

Le marché des Evasan par hélicoptère fait des remous. Hélicocéan a perdu l’appel d’offres au profit d’Inaer. Mais celle-ci ne peut travailler car le gouvernement tarde à délivrer son autorisation d’exploitation, pour un marché de 743 millions sur trois ans.
La société Hélicocéan assure les Evasans du CHT depuis treize ans, en plus de ses vols pour le loisir, pour les feux de brousse, et pour la mine. En cas d'indisponibilité, les urgences faisaient appel à l'hélicoptère de l'armée - Photo Archives LNCUn pour le prix de deux. C’est la drôle de situation dans laquelle flotte le marché de l’évasan par hélicoptère sur la Grande Terre et les Îles. Depuis le 27 avril, la société Inaer Helicopter France, qui a remporté l’appel d’offres public européen lancé par le CHT, aurait dû démarrer son activité. Et la société Hélicocéan, qui assure ces Evasan depuis 1998, ne devrait plus être appelée par le centre 15. Sauf que c’est l’inverse qui se produit actuellement.

Concurrents. Le marché attribué à 743 millions de francs sur trois ans (773 selon l’option maximum) a fait sourciller le gouvernement au moment de signer la licence d’exploitation de transport aérien d’Inaer en Nouvelle-Calédonie. « C’est la première fois que ça nous arrive, réagit Patrick Nicolle, responsable délégué d’Inaer Helicopter pour la Nouvelle-Calédonie (*). On nous appelle, on nous paye pour un service. Mais on ne nous donne pas l’autorisation de travailler. » Et pour l’instant, c’est le groupe Inaer qui avance les fonds. Selon Patrick Nicolle, la société aurait déjà investi 1 milliard de francs pour s’installer ici. Il indique que sa société a adressé une mise en demeure au CHT de démarrer l’activité, ainsi qu’un courrier au haussaire.
Juste en face, à l’aérodrome de Magenta, dans les hangars d’Hélicocéan, la perte du marché des évacuations héliportées ne peut que provoquer la grimace. L’Australien John McDermott, responsable dirigeant, ne donnera pas le poids exact des évacuations héliportées dans l’activité de la société, mais assure qu’il était « significatif ». John McDermott détient 49 % des parts d’Hélicocéan, les 51 % restant appartiennent à la société Montagnat (**).

Inaer revient à 1 million de francs l’heure, et Hélicocéan à 450 000.
Coût. Au gouvernement, Sylvie Robineau (santé), qui planche sur le dossier avec Gilbert Tuyienon (transports) et le président Harold Martin, défend l’institution de tout lobbying. « Le gouvernement n’a pas encore pris sa décision », indique-t-elle. Mais deux éléments principaux le heurtent. L’entreprise écartée du marché est, d’une part, moins chère et, d’autre part, locale. Côté coût, « Inaer revient à 1 million de francs l’heure, et Hélicocéan à 450 000 francs », soulève Sylvie Robineau.
Et à ceux qui avancent qu’Inaer fait entrer les Evasan dans le haut de la qualité et du respect des normes de l’aviation (lire ci-dessous), l’élue a sa réponse : « La Calédonie a les moyens qu’elle a. Et le choix du marché a été fait sur une réglementation à venir. Est-ce que le pays doit faire du copier-coller ? » Quant à la notion d’entreprise locale, le gouvernement suit « un état d’esprit politique » : le « développement des gens qui font l’effort d’investir depuis longtemps sur le territoire ».

Attribution. Mais le gouvernement peut-il remettre en cause l’attribution du marché public lancé par le CHT et qui a passé toutes les étapes de validation ? Au conseil d’adminis­tration du CHT siègent, entre autres, trois représentants de la Nouvelle-Calédonie, trois représentants des provinces, trois représentants de la Cafat.
Et « nous, on est en porte-à-faux, déplore le Dr Francis Durand, le chef de service des urgences. On attend de travailler avec la société avec laquelle on a enfin un contrat. » Le CHT avait lancé l’appel d’offres pour trouver une société s’engageant à lui mettre à disposition à temps complet pilote et hélicoptère. Jusqu’ici, le CHT travaillait sans contrat avec Hélicocéan. Bérengère Nauleau source

(*) Inaer est un groupe espagnol international, spécialisé dans l’activité sanitaire aéroportée. Il s’est implanté en France, au Portugal, au Chili, en Australie, en Italie, au Royaume-Uni, ou encore en Afrique du Nord.
(**) La société Hélicocéan a été revendue par le groupe Jeandot aux entreprises Montagnat et McDermott, fin 2008.

240

C’est, en moyenne, le nombre d’évacuations sanitaires réalisées par hélicoptère chaque année. Ce chiffre est bien sûr variable puisqu’il dépend de la survenue de cas d’urgences. Soixante évacuations ont été réalisées depuis le début 2011, dont six par l’hélicoptère de gendarmerie sollicité quand Hélicocéan ne peut pas intervenir. En 2004, 2005 et 2006, l’armée avait réalisé peu ou prou une vingtaine d’Evasan.


Biturbines contre monoturbine, le prix double
Dans son offre, la société Inaer a amené deux hélicoptères biturbines médicalisés (un qu’elle loue et le second qu’elle vient d’acheter), Hélicocéan poursuivant sur une offre d’un monoturbine. Entre les deux appareils, il y a une différence de capacité certaine et, pour résumer, les prix doublent. « C’est sur les caractéristiques techniques du bimoteur d’Inaer que ça s’est décidé », indique José Aparisi, membre du conseil d’administration du CHT, où il représente la Cafat. Lui-même avait réagi en conseil d’administration « au surcoût de 150 millions de francs annuel ». « L’Aviation civile nous a donné un avis technique sur les deux dossiers par rapport aux hélicoptères et au cahier des charges de l’appel d’offres, poursuit-il. C’est l’intérêt du patient qui a eu la priorité. La commission a choisi les meilleurs services et soins possibles. » Avec ses hélicoptères, Inaer répond à la nouvelle réglementation OPS 3, qui « pourrait intervenir en 2011 » en Calédonie, selon le directeur adjoint de l’aviation civile, Sébastien Chêne. Hélicocéan, de son côté, n’effectue les Evasan que grâce à une dérogation. La réglementation européenne interdit, en effet, aux hélicoptères monoturbines de survoler les villes. Si leur moteur lâche, ils exposent trop la zone habitée. « L’exploitation actuelle [d’Hélicocéan] n’est pas dangereuse, rassure le directeur adjoint de l’aviation civile, Sébastien Chêne. L’Aviation civile a engagé sa responsabilité sur ce point. Nous l’avons autorisé à voler selon un dispositif équivalent de sécurité à un bimoteur. » Le pilote doit limiter son survol de la ville en décrivant une courbe et il y a une aire de recueil supplémentaire (sur le parking du CHT), réservée à l’hélicoptère.

Les atouts de l’hélicoptère aux urgences

Avec un appareil à leur entière disposition, les urgentistes comptent bien améliorer leur qualité et leur temps de prise en charge sur la Brousse et le Grand Nouméa. « Aller sur Païta et le Mont-Dore, c’est quasiment 1h15 aller-retour en ambulance. Le gain de temps en faisant appel à l’hélico est fabuleux », illustre le Dr Francis Durand, le chef de service des urgences. « On pense aussi que l’hélicoptère peut améliorer notre temps par rapport à l’avion, en évitant des transferts en ambulance en Brousse, poursuit-il. Quand on doit intervenir à Poindimié, Canala, Thio, l’avion n’a pas d’autre choix que de se poser à Touho et il faut alors rajouter le temps du transfert en ambulance. C’est pareil à Maré, où Tadine se trouve à 30 km de l’aérodrome. Même sur Koné, c’est discutable. »

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