On vole ou on ne vole pas ?

lundi 27 décembre 2010

Le contrat entre l’Agence régionale de santé et Hélicoptères de France est clair. L’EC 135 mis à disposition des services de médecine d’urgence de Lorraine doit avoir quitté le toit de l’hôpital de neurochirurgie de Nancy dans les 10 minutes suivant la mise en alerte de son pilote.

 Bertrand Tessier : « Décoller de nuit tout seul, ce n'est pas un sport de masse » - Photo Dominique ChartonIl arrive pourtant que l’appareil ne prenne pas l’air du tout. De permanence hier, Bertrand Tessier, l’un des cinq pilotes du SAMU à prendre des permanences de 12 heures, a refusé un décollage pour Sarreguemines. Les nuages étaient bien trop bas en Moselle. « Quand on accepte une mission, il est impensable de mettre le 15 en difficulté. La règle absolue est de ne pas faire prendre le moindre risque aux équipes médicales et aux patients », récite le pilote.

Un commandement incontournable et respecté à la lettre qui a épargné tout accident depuis 18 ans que des hélicoptères servent d’auxiliaires aux médecins urgentistes.

Un ennemi : le brouillard
Au bon sens des pilotes, qui n’ont eux-mêmes qu’une peau, s’ajoute le poids d’une réglementation aussi lourde que du plomb. « Le plus dangereux pour un pilote, c’est le brouillard. Tous le craignent », en été comme en hiver où, contrairement à ce que l’on pourrait croire, « le problème n’est pas le givrage (NDLR : la formation d’une couche de glace qui alourdit considérablement un aéronef et réduit ses performances), mais la hauteur du plafond ».

Bertrand Tessier parle ici de la couche de nuages dans laquelle il n’a absolument pas le droit de mettre les palles. En dessous de 500 pieds sol (environ 150 m) et de 2 km de visibilité horizontale de jour, il ne prendra pas les commandes. La nuit, il doit voir au moins 8 km devant lui et avoir un plafond à 1.500 pieds sol (approximativement 500 m) pour s’envoler.

Ce ne sont que des minima génériques. « Ils diffèrent en fonction du type de mission ». Impossible pour un cerveau de tout retenir toutes les variantes. La solution consiste alors à se plonger dans l’OPS 3, la bible d’une réglementation de plus en plus européenne matinée de législation française que les pilotes suivent scrupuleusement.

Comme rien n’est laissé au hasard en matière de transports publics et a fortiori de malades ou de blessés, Bertrand Tessier et ses collègues disposent encore du MANEX, le manuel d’exploitation dont une partie recense toutes DZ (zones d’atterrissage) où poser l’hélicoptère pour charger une victime en Lorraine ou en transférer une autre sur les hôpitaux parisiens et lyonnais équipés d’une hélisurface. Tous les détails y sont consignés jusqu’à la quantité de carburant embarquée pour atteindre ces points et en repartir, non sans s’être inquiété de la météo.

Entre 5.000 et 10.000 heures de vol
« Très particulières dans notre région », ses données sont indispensables. Si Meteo-France fournit un bulletin aéronautique aéroport par aéroport, chaque pilote du SAMU le complète par un surf sur son site météo préféré quand il ne passe pas un dernier coup de fil au prévisionniste de la station d’Essey-les-Nancy pour « en cas de doute, confirmer si les conditions de vol sont bonnes ou pas ».

Dans le cas d’un ciel délicat à traverser l’expertise locale peut même aller jusqu’à définir des fenêtres de vol que le pilote proposera au médecin régulateur qui jugera si le patient a le temps d’attendre l’arrivée du « ventilateur » ou s’il faut le faire passer par la route.

« Ici, l’expérience du pilote est vitale », affirme Bertrand Tessier. « On a tous entre 5.000 et 10.000 heures de vol », ajoute-t-il à propos du pool nancéien recruté après une carrière dans l’armée de l’air ou l’ALAT (Aviation légère de l’armée de terre). Ses éléments ont tellement traversé la région dans tous les sens.

Il n’en reste pas moins que « décoller de nuit tout seul, ce n’est pas vraiment un sport de masse », dit avec humour Bertrand Tessier. « Ce n’est pas facile d’être réveillé et, 10 minutes plus tard, de décoller un appareil de près de 3 t (NDLR : 2.850 kg exactement) du toit de l’hôpital », tout en ayant vérifié bien sûr si les conditions d’utilisation de l’espace étaient correctes.

Entre minuit et 6 h du matin, il est bien souvent le seul utilisateur du ciel lorrain. Pas un autre feu ne brille nulle part et la radio est muette.

Derrière lui, en revanche, on s’agite pour maintenir une vie. Frédéric Clausse source

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