Avec les anges gardiens de la mer

jeudi 23 décembre 2010

Engagées 24 heures sur 24, 365 jours par an, les deux flottilles d’hélicoptères de la Marine nationale, les 35F et 32F de la base de Lanvéoc-Poulmic, au sud de Brest, veillent sur la sécurité du trafic maritime et les marins en détresse. Rencontre avec des « héros ordinaires ».
La sonnerie de son téléphone portable vient de l’avertir. Jacques Verpoest, l’un des deux pilotes de l’hélicoptère Dauphin de la flottille de la Marine nationale 35F, n’a plus qu’un quart d’heure pour rejoindre sa base de Lanvéoc-Poulmic, au sud de Brest. Au même moment, trois autres personnes font exactement la même chose. Bastien, le copilote, Philippe, le treuilliste et Damien, dit le « Plouf », le plongeur. Quatre hommes pour voler le plus vite possible au secours d’un marin en détresse. Kit mains libres activé, roulant à tombeau ouvert sur les routes de la presqu’île de Crozon, Jacques se fait expliquer la situation par le Cross Corsen, l’organisme de gestion des sauvetages en mer : un marin d’un câblier se plaint de douleurs thoraciques. Un cas qui peut être gravissime. Commence alors un rapide interrogatoire : type du bateau, conditions de mer et de vent, distance, etc. Pour évaluer la quantité de carburant nécessaire, hélitreuiller son plongeur et son médecin en pleine nuit, Jacques a besoin du maximum d’informations. Par chance, cette fois, l’opération ne devrait pas être trop compliquée. Le câblier est un gros bateau équipant les fonds marins en lignes téléphoniques. Son pont est large, et l’hélitreuillage ne devrait pas être trop délicat.

Déjà, le rotor tourne. Tout est prêt pour l’intervention
À son arrivée, l’hélicoptère est déjà sorti du hangar et son rotor tourne. Bruno et David, les deux mécaniciens, s’activent autour de la machine. Combinaisons de vol étanches enfilées, on n’attend plus que le médecin. En moins d’un quart d’heure, tout est prêt. Un exploit répété une centaine de fois par an, de jour comme de nuit, quel que soit l’état de la mer et du vent.

Le câblier se trouve à 65 kilomètres des côtes françaises. Cette nuit, la météo est mauvaise et la mer est déjà bien formée. Dans l’hélicoptère, les hommes échangent par radio. L’appareil vole à plus de 250 km/h. En quinze minutes, il atteint la zone et entame son premier vol de reconnaissance. Le bateau est éclairé comme un arbre de Noël... Jacques demande au commandant de baisser l’intensité lumineuse pour ne pas l’éblouir. C’est bon, le pont est assez large. Mécaniquement, le plongeur se harnache pour descendre afin de sécuriser le treuillage et l’intervention du médecin. Petit point orange sur ce gros navire, le « Plouf » ceinture le toubib pour le protéger des mouvements du bateau.

Pour évacuer ce marin-pêcheur blessé à la jambe et en hypothermie, pompiers et équipage de l'hélicoptère de secours interviennent de concert.À peine le pied posé sur le pont, un marin du bord les accompagne au chevet du malade. Ses douleurs l’ont pris dans l’après-midi, mais comme souvent, ce n’est qu’une fois la nuit tombée, l’inquiétude grandissant, que le pacha du câblier a prévenu les secours. Le diagnostic est sans appel : le marin a fait une attaque. Il parle et peut marcher, donc pas besoin de descendre la civière de l’hélico, mais il doit immédiatement être conduit à l’hôpital de Brest pour être pris en charge par des spécialistes.

Cette fois, l’opération a été « facile ». « Mais par une mer de force 8, sur un petit voilier ou un chalutier, une telle “manip” relève souvent de l’exploit », confie le lieutenant de vaisseau Étienne Picard, l’un des deux commandants de la 35F. Les ponts de ces bâtiments de taille moyenne constituent souvent des pièges mortels pour les marins et leurs sauveteurs. Par ailleurs, les pilotes doivent effectuer des vols de reconnaissance, établir des liaisons radio préalables et parfois laborieuses avec certains équipages, dont certains parlent mal le français ou l’anglais. Le centre de gestion médicale de l’hôpital Purpan de Toulouse, la hot line des marins en détresse, depuis le téléphone satellite de tous les navires au large de la France, essaie toujours d’éviter l’intervention des hélicoptères ou des vedettes de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Par radio, ses médecins urgentistes rassurent, conseillent en français, en anglais ou en allemand. Mais comment expliquer à un équipage ukrainien ou philippin la façon d’apprécier et de traiter une blessure majeure ?

Des opérations à haut risque. Nuit et jour.
Les hommes de la 32F et de la 35F ont l’habitude des missions difficiles. La 35F est constituée de deux équipages de la Marine nationale, volant dans un Dauphin dit « de service public » affrété par l’État dans le cadre du respect de la Convention Search and Rescue, ou Solas. Le Dauphin peut parcourir un peu plus de 200 kilomètres, rester une demi-heure sur zone et revenir. Sa polyvalence explique ses fréquentes sorties. Il est l’aéronef prioritaire sur de nombreux secours en mer. Depuis quelques mois, la 32F vole avec deux EC225 Eurocopter et un EC725 Caracal prêté par l’armée de l’air. Avec l’EC225, les pilotes peuvent franchir par tous les temps, de jour comme de nuit, une distance de plus de 400 kilomètres. Il peut rester une heure sur zone et remonter plusieurs naufragés à la fois. La flottille 32F est la plus « capée » de toutes les unités interarmées de secours en mer. Equipée pendant quarante ans du mythique Super-Frelon, elle ne compte plus les catastrophes et les sauvetages : Amoco Cadiz, Erika, Ievoli Sun... Ses pilotes ont marqué l’histoire du secours en mer.

Appelé en octobre 2005 par le Cross Corsen, Didier Gusmini, pilote de la 32F, se souvient d’une intervention bénie des dieux. Fonçant au secours d’un pétrolier « chargé comme une mule », il a fait face à une situation ubuesque. Au sud d’Ouessant, le navire faisait route droit sur l’île. L’hélicoptère s’est donc mis en vol stationnaire devant la cabine du pilote du navire et a braqué ses puissants projecteurs sur le poste de pilotage pour lui signaler le danger. En vain. Le pétrolier a continué sa route infernale. En catastrophe, le plongeur est alors hélitreuillé à bord. Sur zone, il court vers le château du navire, monte quatre à quatre les marches vers le poste de pilotage où il trouve... un seul homme : un marin philippin épuisé, endormi sur la barre. Réveillé en sursaut, l’homme a évité les récifs par un pur miracle.

Sur la base de Lanvéoc-Poulmic, deux bureaux et une salle de repos avec télévision et baby-foot ont été installés pour les équipages. Mais c’est dans le hangar des hélicoptères que ceux-ci prennent l’alerte une semaine sur deux, par roulement, de nuit comme de jour. Et quand ils ne volent pas, ces spécialistes du sauvetage s’exercent dans le bassin du centre d’entraînement à la survie et au sauvetage de l’aéronautique navale (Cessan), affectueusement surnomméla « gloute ».

C’est là que les hommes se préparent au pire. Pour simuler un accident, ils s’immergent dans la carcasse d’une cabine d’hélicoptère, tête en bas. source

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