Faut-il tirer sur l’EC-145, l’hélicoptère qui équipe la sécurité civile, suite au crash qui a endeuillé la Corse ce week-end ?

La question se pose avec d’autant plus d’acuité à Pau. En 2006, un hélicoptère de la base de la sécurité civile s’était écrasé à Gavarnie, tuant deux hommes d’équipage palois et un CRS de Lannemezan. Trois ans plus tôt, en 2003, un autre appareil du même type, également basé à Pau, s’était crashé dans les Hautes-Pyrénées, sur l’Arbizon.

D’aucuns n’ont pas attendu que les enquêtes officielles commencent pour tirer leurs propres conclusions de cette sombre série. C’est le cas de Michel Nibodeau, expert judiciaire près la cour d’appel de Paris, qui était intervenu dans l’enquête sur le crash de 2003.

« Pas conçu pour ça »
« J’avais prévenu qu’il y aurait d’autres crashs. L’EC-145 est un excellent hélicoptère de voyage, mais il n’est absolument pas conçu pour le secours en montagne », lâche l’expert. « Pour faire simple, c’est un peu comme si vous envoyiez une Ferrari sur le Paris-Dakar. »

En cause : un défaut allégué de rendement du rotor anti-couple, la petite hélice située à l’arrière de l’hélicoptère et qui empêche l’appareil de tourner sur lui-même sous l’effet du rotor principal.

C’est en tout cas le credo de Michel Nibodeau, qui assure que cet éventuel « défaut » est à nouveau en cause en Corse. «  Ce qui me scandalise, c’est qu’on a encore cinq victimes innocentes alors qu’Eurocopter a des hélicoptères parfaitement adaptés dans la série des Écureuils. Faudra-t-il attendre qu’il y ait dix accidents de ce type ?  » s’emporte l’expert, qui pointe également un défaut supposé de conception des pales, les rendant vulnérables aux chutes de pierre en situation de vol le long d’une paroi.

Dans la communauté des pilotes secouristes béarnais, on n’apprécie pas forcément ce vent de polémique, alors que le drame est encore frais et que les enquêtes balbutient à peine.

« Rien à voir »
« Comment peut-on mettre en cause la technique dans l’accident survenu en Corse ? C’est une erreur totale en l’état actuel des choses », s’agace un responsable du secours aéroporté en Béarn. « Ce drame n’a rien à voir avec les deux autres crashs. Dans les Hautes-Pyrénées, les appareils étaient en vol stationnaire et il n’y avait guère qu’un problème technique pour expliquer que les hélicoptères partent au sol. Là, en Corse, l’appareil était en déplacement, avec des conditions dégradées et une situation complexe à bord : le mécanicien était passé à l’arrière pour aider la femme médecin et le pilote était seul en charge du vol. Et l’endroit n’a rien à voir avec de la montagne. »

Pour faire la part des choses entre ces deux points de vue tranchés, rappelons que, suite à l’accident du 5 juin 2006, pompiers et médecins avaient refusé de s’embarquer à bord des EC-145, boycottant l’appareil jusqu’au 21 juin suivant.

Dimanche dernier, un pilote de la sécurité civile de Bastia confiait en outre à « Sud Ouest » que « depuis les deux premiers crashs, le doute n’est pas totalement levé sur cet appareil. D’ailleurs, on l’utilise désormais avec des charges moins lourdes que ce qui est prévu au départ ».

800 sorties par an pour Dragon 64
Chaque année, l’hélicoptère Dragon 64 de la sécurité civile de Pau effectue sans encombre 800 sorties, dont 35 % en montagne. Il assure ces missions en partenariat avec le Samu, le Groupement de secours en montagne des sapeurs-pompiers et le Peloton de gendarmerie de haute montagne. Il est armé par quatre équipages constitués d’un pilote et d’un mécanicien opérateur de bord, opérationnels 24 h/24, et tous qualifiés au vol aux instruments et au vol sous jumelles de vision nocturne. Sa zone d’intervention potentielle couvre, outre les Pyrénées-Atlantiques, les Landes, le Gers, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne et toute la chaîne pyrénéenne jusqu’à Luchon. source

Gwenaël Badets