Débardage aérien de poteaux électriques

Publication : 9/05/2013 Auteur(s) : Patrick

B3 en mission de débardage aérien de poteaux électriques - Photo © Patrick GisleEnfin du ciel bleu et un grand soleil pour suivre au cœur de l’action une mission de levage à flanc de montagne.
L’hélicoptère et son pilote sont aujourd’hui attendus dans un domaine d’activité dont on parle peu mais qui les utilise de plus en plus depuis trente cinq ans : "La déconstruction de lignes électriques".
Ces travaux rentrent dans le cadre du programme permanent d’ERDF (Electricité Réseau Distribution France) d’enfouissement de lignes de moyenne tension.
Les nouvelles lignes enterrées suivent en général les routes, pistes et chemins et font appel la plupart du temps à des moyens terrestres. Par contre, le démontage des lignes et la suppression des poteaux disséminés un peu partout dans la nature posent des problèmes d’accès vite problématique en régions accidentées et boisées.
Les techniciens peuvent accéder pour déposer et évacuer les fils et peuvent couper les poteaux mais ont besoin de notre grue volante préférée pour les évacuer.

B3 en mission de débardage aérien de poteaux électriques - Photo © Patrick GisleNotre chantier du jour se situe en Savoie dans la vallée d’Albertville, à Saint-Pierre-D’albigny, jolie commune implantée au pied du Massif des Bauges.
Le site se trouve sur le flanc de montagne au-dessus du village. Il va de la vigne des hameaux au sud-ouest jusqu’au col du Frêne 600m au dessus en pleine pente boisée. Le cadre est vraiment magnifique.

Les travaux ont été confiés à une des rares sociétés en France 100% spécialisée dans le domaine. Il s’agit de la société Battaglino Déconstruction basée à Tullins en Isère dont les six techniciens et le responsable, M. Budin, m’accueillent bien cordialement. Cette société créée il y a six ans et qui emploie onze personnes est une filiale de la maison mère, entreprise de bâtiment qui a commencé cette activité très particulière dans les années 70.
A cette époque, faire appel à l’hélicoptère n’était pas dans les mœurs du tout, mais cela s’est imposé progressivement. La société Battaglino fait appel en général à deux des principaux prestataires d’héliportage dans la région, à savoir le SAF, basé à Albertville et Jet Systems Hélicoptères Services basé à Valence-Chabeuil. Elle a établi des relations privilégiées de confiance et fidélité depuis plus de vingt ans avec Georges Moulin, pilote reconnu, fondateur de JSHS, dirigée maintenant par son fils Michel.
C’est donc tout naturellement que pour cette intervention au 26 rotations, je vois arriver l’AS350 B3 tout noir mat F-GSEH de Valence.

La DZ de base est installée près d'une salle polyvalente avec une partie en herbe bien dégagée permettant une approche en sécurité à pente modéré en dehors des habitations et le stationnement des véhicules juste à côté - Photo - Photo © Patrick GisleLa DZ de base est installée près d’une salle polyvalente avec une partie en herbe bien dégagée permettant une approche en sécurité à pente modéré en dehors des habitations et le stationnement des véhicules juste à côté.

C’est Sébastien Collomb-Gros, pilote passé au levage depuis le début de l’année, qui descend avec son helper de choc, le sympathique Alexandre Brunet, que je connais bien depuis la mission d’électrification de la ligne de chemin de fer Grenoble -Montmélian de juillet 2012.
Sébastien est chez JSHS depuis octobre 2012. Originaire de La Clusaz et âgé de 32 ans, il a commencé en 2008 chez MBH en effectuant principalement des baptêmes Mont Blanc : la bagatelle de 400 en dix-huit mois ! Ensuite il a fait des vacations de transport de passagers pour Azur Hélicoptères à Cannes et CMBH à Chamonix. Le Pilote Sébastien Collomb-Gros aux commandes de l'AS 350 B3 F-GSEH de Jet Systems Hélicoptères Services - Photo © Patrick Gisle Cette mission est excellente pour son perfectionnement en levage. Ses 700 heures sur Ecureuil lui seront bien utiles sur ses 1700 au total.
Les rotations consistent à enlever des poteaux en béton, métal ou bois découpés en morceaux et disséminés sur une dizaine de sites, dont plus de la moitié en forêt, donc avec une élingue très longue (27m). L’étendue de la zone d’évolution et son urbanisation ont obligé à opter pour une évacuation par le haut, ce qui n’est pas des plus courant pour ce type de travaux et va obliger à solliciter les 847cv de la turbine Ariel 2B aux maximum. La DZ de dépose a donc été choisie dans un champ en haut de la montagne au col du Frêne à 950m d’altitude.

Dès l’arrivée du B3, Alexandre entreprend de vider plus de la moitié du réservoir dans une bâche souple avec une pompe électrique pour alléger la machine en ne gardant que 1h30 d’autonomie (environ 250l). Sébastien se fait expliquer les sites, le nombre et le type de charges et en particulier leurs masses. Comme il va avoir à monter près de 600m de dénivelé pour les trois quart de ses rotations et que les poteaux les plus lourds, ceux en béton sont en bas, il est content d’avoir emmené à bord du rab de kérosène dans des bidons…

Le B3 avec sa charge - Photo © Patrick GisleA 9h30, nous partons pour un vol de reconnaissance de tous les sites et du champ de dépose. Sébastien est obligé de prendre notes, vu le nombre de points d’enlèvement. Heureusement, le personnel qui sera au sol est bien voyant en gilet orange fluo et il y a les radios…

A 10h, top départ pour près de trois heures de mission. Je suis en voiture les équipes de la société Battaglino qui se répartissent sur les premiers sites.
Les premiers poteaux bois sont vite expédiés, ils ne montent pas mais sont donnés à un particulier domicilié pas loin. Je roule fenêtre ouverte pour localiser l’engin à l’oreille… Beaucoup moins simple qu’en l’air pour se repérer… Coup de chance ou sens de l’orientation pas trop mauvais, je l’attrape entre deux maisons, arrêté aux warning, pas le temps de se garer…
B3 en action - Photo © Patrick GisleViennent ensuite des poteaux béton en bord de vignes et d’une petite route. Ouf, suis juste au-dessus…Les rotations sont plus longues désormais, dépose au sommet oblige. La seconde est en limite de puissance : deux poteaux béton ensemble doivent être au-dessus des consignes de poids (normalement pas plus de 900kg). Elévation et prise de vitesse en douceur avec une grande boucle pour prendre la hauteur nécessaire et ça le fait : costaud ce B3, une vraie mule, mais pas têtue !

Ensuite départ vigoureux derrière le véhicule d’une équipe au sol pour monter à flanc de colline par des chemins de terre. Séparation en 2 groupes, un descend dans les près, l’autre monte en pleine pente boisée. J’hésite et attends : le choix est crucial. Sébastien opte d’abord pour le haut, je rejoins vite un site de poteaux béton très bien placé, ouf !...
J’arrive à bien l’attraper, y compris dans les bois au-dessus. Le personnel repart au camion.
- Photo © Patrick GisleJe compte les rotations dans ma tête et me remémore la reconnaissance : il en reste pas mal en fait. Je ne pars pas et rejoints les près en courant. Hop dans la boite… des beaux poteaux bois.
Ca chauffe dur au soleil vers midi. On n’est plus habitué. Retour en footing et spéciale de rallye pour essayer d’arriver en haut du col avant la dernière rotation ! Il doit en rester encore quelques unes ! Fenêtre ouverte, au détour d’une épingle, bruit de turbine pas loin ! Hop, arrêt net et une bonne prise de plus… Encore 2 km : les pneus sont bien chaud et j’arrive pile quinze secondes avant l’avant-dernière rotation à la DZ de dépose. Je me régale pour la dernière et ce reportage sportif est bouclé, enfin je crois.

Retour à la base. Je rencontre le responsable d’ERDF, M. Pascal Fauron, très cordial qui me donne des explications sur ce type d’opération.
L’enfouissement des lignes est entrepris depuis de nombreuses années en particulier pour améliorer de façon significative la fiabilité du réseau. Les considérations politiques et d’écologie visuelle ont aussi leur impact. Refuel pour le B3 - Photo © Patrick Gisle Sur les trois départements très alpins que sont les deux Savoie et l’Isère, une centaine de kilomètres de lignes sont enfouis par an pour environ 70 km de déposées. La société Battaglino, qui elle opère dans tout le sud-est, dépose 150 à 200 km de lignes par an. L’utilisation de l’hélicoptère intervient pour 15 à 20%. Les coûts important d’enfouissement associés à ceux de déconstruction font quand même limiter les programmes à des lignes difficiles d’accès et qui sont âgées. Un ratio de un à huit sépare le prix d’une ligne enterrée d’une ligne aérienne !

Je laisse les professionnels échanger ; Sébastien m’appelle : Une mission imprévue de reconnaissance vient de lui être demandée au pied levé : emmener Messieurs Fauron, Budin et Bouaissa, le chargé de travaux, voir deux lignes à déposer prochainement ; il y a une place à bord. J’aurais pu avoir n’importe quel rendez-vous, même avec un top modèle, rien n’aurait pu m’empêcher de répondre oui !

Sébastien Collomb-Gros à bord du B3 - Photo © Patrick GisleLa belle cerise sur le gâteau de la matinée : Envol pour le col du Frêne pour survoler une ligne jusqu’à 1250m au-dessus de la petite station de ski d’Aillon-le-Jeune, puis vol vers Courchevel, distante de 60 km à vol d’oi…d’hélico. Après le début de la vallée de la Maurienne, le passage d’un col vers 1900m nous fait basculer en Tarentaise, pour aller voir une ligne près de Saint-Bon, village d’origine de la station tant réputée. Peu de bavardage, tous les passagers dégustent le vol parfaitement calme. On remonte la ligne jusqu’à Le Praz où se situent les tremplins de saut et c’est le retour par La Tania avec une halte à l’altiport de Méribel pour refiouler. C’est désormais la nouvelle base permanente (avec La Clusaz) de JSHS et justement du F-GSEH et de Sébastien. Quelques instants dans le calme de la station fermée et c’est reparti pour une dizaine de minute de vol magique. Une arrivée dynamique avec un peu d’angle, je vous laisse voir la vidéo, et c’est posé de main de maître. A bord du B3 - Photo © Patrick Gisle Pas mauvais ce sympathique pilote…

Pas de beau reportage et de journée mémorable comme celle-ci sans de vrais et sincères remerciements : tout d’abord à Michel Moulin pour m’avoir invité à suivre cette mission et à Sébastien pour son accueil vraiment amical, sans oublier Alexandre. Egalement merci à toute l’équipe vraiment sympa de chez Battaglino Déconstruction et à M. Fauron d’ERDF pour leur gentillesse.

Photos & vidéos © Patrick Gisle.

Reconnaissance - Vidéo © Patrick Gisle
Levage 1 - Vidéo © Patrick Gisle
Levage 2 - Vidéo © Patrick Gisle
Reconnaissance 2 lignes - Vidéo © Patrick Gisle

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