Biographie professionnelle d’Alain FREBAULT

Publication : 4/10/2010 Auteur(s) : Marc

Né en 1931, très jeune se dessine chez Alain une véritable vocation. Fréquentant les terrains d’aviation devenus ses terrains de jeux, il passe rapidement son brevet de Pilote de planeurs, puis son brevet de Pilote Avion.

A 28 ans, il est déjà moniteur au sein de l’Aéroclub de Perpignan, nous sommes en 1959. Un jour, arrive alors un hélicoptère BELL 47G2 de la Protection civile, il appartient au Groupement Aérien du Ministère de l’Intérieur créé en 1957 suite à la regrettable tragédie du Mont-Blanc qui engendra polémique après l’abandon et le décès de deux alpinistes de 20 ans (VINCENDON et HENRY). Pour Alain, le premier contact avec ces visiteurs est plutôt rude. En effet, désirant occuper la moitié de son hangar pour y installer leur hélicoptère, Alain se demande comment il fera lui-même pour abriter les quatre avions dont il a la charge. Finalement la sagesse l’emportera et tout s’arrangera.

Quelques temps plus tard, sympathie et regrets mutuels aidant, le Lieutenant Gérard FROMMWEILER Chef du détachement Protection Civile, constatant les qualités et les compétences d’Alain, l’incite à postuler dans son administration. Pour cela il disposera de trois options, un recrutement possible chez les Sapeurs Pompiers de Paris, la Police Parisienne ou les C.R.S.

N’hésitant pas très longtemps, c’est après un concours d’entrée dans la Police qu’il se retrouve à l’Ecole de formation des C.R.S. de Sens, en compagnie de 750 autres élèves-policiers. Au bout de cinq mois de formation et un bon écrémage, il rejoint aussitôt la Base d’Issy-les-Moulineaux siège du groupement aérien. Dévolu tout d’abord à des tâches d’ordre administratif, il se présentera quelques mois plus tard à l’Ecole de Pilotage ALAT (1) de Dax.

Marc Lafond en compagnie de Alain Frébault (2009) - Photo collection Marc LafondDéjà titulaire du Brevet de Moniteur Avion, il passe directement à la formation de pilotage sur hélicoptères. Il assure avec succès chaque étape de l’instruction en compagnie de deux autres policiers et deux élèves de l’Armée Marocaine. L’Ecole est réputée difficile et les instructeurs « Anciens des Bananes », ces fameux birotors horizontaux utilisés pendant la guerre d’Algérie, ne lui font pas de cadeaux. Pour les apprentis-pilotes, ça passe ou ça casse…

En 1961, Alain est breveté Pilote Hélico et sa carrière à la Protection Civile commence avec l’alternance de remplacements « bouche trous ». Il n’est pas question de sédentarité, marié, son épouse doit s’adapter à sa nouvelle situation malgré les quatorze déplacements qu’il subira avant d’espérer une affectation durable sur Grenoble en 1964.

Pierre WATTEBLED à droite au côté de Alfred LEPLUS posent devant l'Alouette IIC’est au sein de cette Base qu’il remplace en effectif le Lieutenant Pierre WATTEBLED victime d’un crash à bord de son Alouette II dans le Massif des Ecrins. Le voilà aux côtés de pilotes prestigieux qui ont créé ce groupement tels que LE GAC, FEREC, LUMPERT, RIERA, GRAVIOU, LEPLUS (formé aux US avec quelques autres comme BEQUET) sans oublier les mécaniciens pour la plupart d’anciens militaires BONNELI, MONTINI, MEZUREUX, BERARD, ROUET, MONTMASSON, COUVERT et MARET.

Peu à peu, le G.H. de la Protection civile se développe avec l’ouverture de détachements à BRIANCON et CHAMONIX, la création d’ANNECY et sa répartition sur les côtes de France pour le secours en mer.

Pour Alain, l’occasion lui sera donnée de piloter plusieurs types d’Alouette II (à patins, à roues, Artouste et Astazou), en tous lieux et sur tous les sites pour se retrouver en 1966 à bord de la « Reine des montagnes » la fameuse ALOUETTE III.

René DESMAISONC’est à bord de l’une d’elles qu’il s’illustrera un jour de février 1971 dans le Massif du Mont-Blanc (Cliquez ici pour lire le récit de Alain Frébault). Accompagné du mécanicien Roland PIN dit « Pinuche », il se posera au Col des Hirondelles par le versant Italien seule approche possible compte tenu de la présence d’un vent fort et turbulent l’ayant rejeté à plusieurs reprises. Cette intervention permettra de secourir la cordée GOUSSEAULT-DESMAISON en perdition depuis plusieurs jours. Il avait été appelé de GRENOBLE et se dirigea directement vers les Grandes Jorasses. C’est Gérard DEVOUASSOUX et son équipe de la Société de Secours Chamoniarde qui descendra de l’Alouette III rouge pour rejoindre et hisser par le sommet les deux hommes en perdition.

L'Alouette III avec aux commandes Alain Frébault se pose avec René Desmaison à son bord - Photo © France 3Malheureusement l’aspirant-guide Serge GOUSSEAULT avait déjà trouvé la mort. Très affaibli depuis quelques temps déjà, il attendait désespérément les secours. S’adressant à René son compagnon de cordée, il lui disait : « Mon hélicoptère… il vient mon hélicoptère ? »
« Oui Serge, il vient ton hélicoptère. Il vient ! Je le vois ! Il arrive ! Une grosse boule de cristal avec de grandes pales d’or ». Serge se redresse davantage, il se tend en arrière, puis lentement s’immobilise les yeux grands ouverts… nous quittant pour toujours vers une toute autre ascension.
L'Alouette III de la Protection civile : "l'Alouette, cette machine bénie des dieux" dira René Desmaison - Photo © France 3 René DESMAISON survivra à cette aventure et sera reconnaissant toute sa vie envers son pilote sauveteur désormais appelé « le Pilote des Grandes Jorasses ». Il l’invitera à ses cotés dans ses conférences et ses exposés, pour relater ensemble ce miraculeux sauvetage à bord de c’elle qu’il appelait déjà « l’Alouette III, cet engin béni des dieux ». Très médiatisé, ce sauvetage sera grandement relaté dans la Presse Française et Etrangère faisant connaître au grand public l’existence de notre organisme entièrement dévolu au secours.

Auréolé de sa gloire médiatique qui rejaillit longtemps sur l’ensemble du groupement hélicoptère, Alain restera cet homme simple et droit, apprécié de tous, surtout de ses équipiers Mécaniciens avec qui il partageait régulièrement la conduite de l’appareil comme le faisaient tant d’autres à cette époque LALIQUE, POISSENOT, LUMPERT, COLIN, ROMET, LECHAT.
C’est ainsi que j’ai beaucoup appris et progressé en pilotage, grâce à de tels camarades. Alouette III de la Sécurité civile posée sur la DZ du refuge du Promontoire - Photo collection ML Ma plus grande fierté, c’est mon posé sur la DZ du Promontoire, une plateforme métallique à treillis branlante sur laquelle nous n’osions pas stationner. Il fallait arriver tout en puissance sans compter sur le moindre effet de sol, tout cela à près de 3000 mètres, le rotor à environ 1 mètre de la paroi. Il n’était pas question de couper la turbine ni de décélérer le rotor pour l’arrêter craignant à tout moment que cette plateforme ne rentre en résonnance, se disloque nous entrainant avec elle dans sa chute. Fort heureusement elle fut plus tard correctement rénovée.
Quel ne fut pas notre plaisir de quitter cette dernière en glissade latérale et de plonger vers la vallée avec la satisfaction d’une mission réussie. Je n’oublierai pas non plus mes posés sur la DZ du refuge du « Soreiller », sur ce rocher aplani qui permettait à peine le posé des trois roues sans parler de notre mythique sommet du Mont-Blanc, toit de l’Europe.

Contrairement aux déclarations de certains, cette complicité d’équipage ne pouvait que renforcer la sécurité, permettant également de stimuler ou freiner les ardeurs surtout dans le domaine délicat et très particulier de nos missions de Secours en montagne.
De nos jours, pareilles connivences semblent plus difficiles à établir. Les « sacro-saintes » normes de sécurité, le « chacun à sa place », l’abondance de réglementation ne facilitent pas l’ambiance et la foi indescriptible qui animaient l’engagement des équipages et leurs sauveteurs. Un peu comme si la modernité et le « tout technologique », n’était pas compatible avec la chaleur des relations humaines. Cependant, les personnels de ces nouvelles vagues ne sont-ils pas amenés à suivre tout naturellement le courant de ce qui se passe aujourd’hui dans notre société toute entière…même si, beaucoup d’entre eux, s’efforcent encore à entretenir au minimum l’héritage de leurs anciens.

Un autre évènement a particulièrement marqué la carrière d’Alain FREBAULT.
Le 28 juillet 1974, au cours d'une mission de sauvetage sur le glacier de « La Muzelle », le rotor de queue de l'Alouette III est touché par des pierresLe 28 juillet 1974, au cours d’une mission de sauvetage sur le glacier de « La Muzelle », des pierres parties du sommet, rebondissent sur le glacier et atteignent le rotor de queue de l’Alouette III qui explose ; la machine part alors en rotation et devient incontrôlable, touche le sol une deuxième fois avant que l’une des pales ne se plante dans un sérac tel un piolet salutaire bloquant aussitôt la chute de l’appareil. A bord, Alain est accompagné du Chef Mécanicien de la Base Michel LAMOUSSE et des sauveteurs. Tous échappent ainsi à une mort certaine.
Pour Michel, ce crash était sans doute prémonitoire. En effet, quelques années plus tard, en 1984, au côté du pilote François SCHMIDT, leur Alouette III rouge, accroche une ligne électrique de haute tension. Le Chef Mécanicien de la Base de Grenoble Michel LAMOUSSE - Photo collection Marc Lafond Ils effectuaient une première reconnaissance avec trois techniciens d’EDF chargés de remettre en service l’installation pour réalimenter le village de VILLARD-RAYMOND prés de Bourg-d’Oisans. Malgré une manœuvre de cabrage désespérée, le pilote ne peut éviter la collision sur les fils métalliques. La queue de l’appareil est littéralement sectionnée est celui-ci chute verticalement vers le sol 100 mètres plus bas. Placé à l’avant l’équipage trouve la mort, à l’arrière, les deux hommes d’EDF sont éjectés. Le troisième d’entre eux restera incarcéré jusqu’à l’arrivée des secours.
L’appareil était basé à « l’Alpe d’Huez » pour la saison.
Alain et moi-même étions tous deux de permanence sur l’Alouette du « Versoud ». Par téléphone, nous apprenons avec stupeur le drame qui vient de frapper nos collègues. Très vite nous décollons et approchons le lieu du drame avec grande émotion. Alain ne semble pas apercevoir droit devant l’un des fils métalliques rompu pendouillant à la verticale, je lui en fais part aussitôt, notre vigilance de mécanicien en place copilote est nécessaire pour apporter une « deuxième vue » aux pilotes. Cette complémentarité visuelle peut être salutaire.

Trois pionniers du G.H. aujourd'hui disparus : Michel Lamousse, Paul Rouet et Alfred Leplus - Photo collection Marc LafondC’est à nous qu’incombera la charge de récupérer les dépouilles de nos deux camarades pour les redescendre sur Grenoble malgré une législation contraignante imposant normalement la dépose des corps sur les lieux mêmes de la commune concernée.
Il a bien fallut prévenir les familles avant que cela ne se fasse par médias interposés et afin de ménager les ennuis administratifs et les peines engendrées.
C’est la gorge nouée que nous avons joué notre rôle d’annonciateur de mauvaise augure en soutenant le mieux possible les familles de nos deux camarades dans cette épreuve.

Malgré ce type de drame, nous avons vécu aussi tous les deux de grands moments de franche rigolade. En effet, Alain était un camarade taquin est facétieux, ce qui ne l’empêchait pas d’être noté « Esprit critique » dans sa notation administrative. Cela nous faisait souvent bien sourire !
Ce qu’il aimait beaucoup, à l’occasion du baptême de l’air de nos nouvelles recrues du secours (Médecins, Sauveteurs, Pompiers), c’était de manœuvrer brusquement la commande de « Pas Général » pour faire connaître un bref instant l’effet d’apesanteur. Cela n’est en fait qu’une avant-première de ce que l’on peut connaître dans le vol en montagne. Plus encore, à l’issue d’un tout premier treuillage qui généralement marque les esprits, il aimait en rajouter un peu en terminant le vol par un « renversement », opération qui consiste à monter en vitesse verticalement pour pivoter à 180 degrés et redescendre aussitôt levant le cœur des non-initiés.

Alain, Pierre Carry et Raymond Gren de la CRS des Alpes - Photo collection Marc LafondEn tout cas, je regrette encore Alain et son chien « Pim » qui, espiègle et rusé, chapardait les rôtis du restaurant de l’Alpe d’Huez « chez CANON » là où nous étions installés pour l’hiver. Ce petit « Bigles » un peu déluré était un vrai goinfre. Je l’ai souvent maintenu sur mes genoux au cours des vols de mise en place et de relève. Il était devenu notre mascotte et contrastait vraiment au milieu des imposants « Malinois » et autres « Bergers Allemands » nos vaillants chiens d’avalanches.

J’ai eu ce bonheur de côtoyer au cours de ma carrière de tels hommes quelques heures, quelques jours ou plusieurs années. Certains d’entre eux on laissé leur vie dans ce métier, d’autres nous ont quitté de leur belle mort. Tous étaient animés de la même passion pour leur profession.
Avec Alain, ce fut onze années de partage de joie, d’émotion, et de tristesse. Le jour de son départ en 1986 nous avons fait « grosse fiesta ». Il est parti après 27 années passées au groupement hélicoptère, il nous a quitté en toute modestie, pour une retraite bien méritée, sans bruit et sans honneur particulier, mais arborant déjà et presque timidement le liseré rouge de sa Légion d’Honneur et c’était bien là sa seule coquetterie… avec bien sûr sa légendaire fine moustache qui ne le quittera jamais.
Si la communication est un terme de rigueur aujourd’hui, la « COM » d’Alain c’est Chasse, Olives et Miel qui désormais l’occupent à plein temps dans ce merveilleux site du Lubéron, là où il a construit sa maison.

A l’aube de son 80ème anniversaire, nous lui souhaitons encore de bien belles années.

Marc LAFOND, 20 ans de service à la Base hélicoptère de GRENOBLE, Chef Mécanicien de 1984 à 1995Je suis fier d’avoir appartenu à ce milieu aéronautique pendant 33 années dont 28 au Groupement hélicoptère de la Sécurité Civile et content de lui rendre hommage par ce texte établi de mémoire que les connaisseurs pourront rectifier éventuellement en notant oublis ou erreurs non intentionnelles.

Marc LAFOND, 20 ans de service à la Base hélicoptère de GRENOBLE, Chef Mécanicien de 1984 à 1995

(1) Aviation légère de l’Armée de Terre

Comment j’ai sauvé Desmaison...

 Cliquez ici pour lire le témoignage de Alain Frébault lors du sauvetage de René Desmaison en février 1971.

Les interviews lors de la JPO 2009 au Versoud


Alain Frébault devant l'Alouette 3 de la Sécurité civile lors de la JPO 2009 du Versoud (38) - Photo © France 3 Interviewés dans ce reportage tourné lors de la JPO 2009 du Versoud (38) : Vincent Saffioti : Pilote & Chef de Base du Versoud et Alain Frébault pilote retraité.
Reportage © France 3 Grenoble

JT France 3 Rhône Alpes

Alain Frébault en compagnie de Gérard Quinchon, ancien moniteur pilote.

Interviewés : Alain Frébault, Pilote retraité, André Michellond, victime secourue en 2001 et Francis Delafosse, MOB retraité.
Reportage © France 3 Grenoble

JT France 3 Rhône Alpes

Une bien triste nouvelle

Alain Frébault, le Pilote des Grandes Jorasses nous a quittés le 21 octobre 2011...

Vos commentaires

  • Le 5 novembre 2013 à 10:03, par Chris En réponse à : dernier Vol d’Alain

    Hier, 4 novembre 2013, c’est avec émotion que Marc Benoit-Lizon, ta famille et tes amis nous avons pu t’accompagner, Alain, à ta "DZ" de Mérindol.
    Bons vols Alain, tu resteras dans nos mémoires et dans nos coeurs.
    Esther

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