Henri BODET, mon ami

Publication : 13/11/2012 Auteur(s) : Papycoptere

Qui n’a pas connu Henri Bodet, homme simple, d’une rare compétence et toujours disponible ? Son histoire mérite d’être racontée.
Henri est né le 6 décembre 1942 à Khouribga au Maroc où son père était contremaître aux mines de phosphate.
Henri Bodet devant le Nord 3202 - Photo collection P. BodetIl a commencé à voler sur avion à l’âge de seize ans et demi à Perpignan où s’étaient installés ses parents à leur retour du Maroc. D’une famille modeste, après l’école il travaillait dans une imprimerie pour payer ses heures de vol et parcourait une dizaine de kilomètres à vélo pour rejoindre l’aérodrome qui était situé à la sortie de la ville. A l’époque c’était une performance car il n’était pas très sportif. Mais l’appel du ciel y était pour quelque chose.
A 18 ans, il s’engage dans l’armée et intègre l’ALAT le 1er mars 1961. Il a alors 19 ans lorsqu’il obtient son brevet de pilote militaire n°1442.
Les machines sur lesquelles il volait s’appelaient pour les avions L18, L19, Nord 3202, Broussard et sur hélicoptères Bell 47, Djinn, Alouette 2 et 3. Il se fait remarquer par son sérieux et deviendra instruteur.
Henri Bodet à bord du Hughes 300 d'Héli Picardie - Photo collection P. BodetSes différentes affectations furent Dax, Sidi bel abès, Méchéria, La Reghaïa, Nancy, Compiègne Dax et Saumur. Un beau parcours où à chaque fois il a fait preuve de compétence.
Il quitte l’armée après seize années de bons et loyaux services avec le grade d’Adjudant Chef, Instructeur et Chef d’Opérations.
Dans le civil, il va d’abord travailler chez HEP installé à Lognes en tant qu’Instructeur testeur. Il va rencontrer Marc Blondé, un de ses élèves, agriculteur en Picardie. L’entente des deux est immédiate et ils fondent HELI PICARDIE le 1er janvier 1978. La Société fait l’acquisition d’un Hughes 300 avec lequel HENRI fait de l’école, de l’épandage, des baptêmes de l’air et du travail aérien.

Une fine équipe pour des baptêmes pour HeliFrance - Photo collection P. BodetAu début des années 80, il intègre Hélifrance dirigée par Joël Bastien comme Chef Pilote. Il y restera quelques années basé à Issy-les-Moulineaux, mais aussi à Montdidier en Picardie où il a installé une antenne.
Certains élèves parisiens préfèrent apprendre à piloter à la campagne car moins stressant et plus discret.
Henri se partage donc entre l’héliport d’Issy et Mondidier. Il aura l’occasion de participer à quelques émissions dont « Incroyable mais vrai » animée par Jacques Martin. Henri était gonflé car un jour un cascadeur lui demanda, pour l’émission, d’être suspendu sous l’Écureuil et de passer entre deux voitures lancées en sens inverse à 100 km/h. Henri Bodet devant l'Enström F 280 SHARK F-GDAF - Photo collection P. Bodet Les deux véhicules étaient côte à côte à moins d’un mètre d’écart. L’émission fut un succès mais quelles sueurs froides pour les deux !
Après de gros ennuis de santé et être cloué au sol de nombreux mois, Henri reprend les rênes chez Héli Picardie. Il vole sur Enström F 280 SHARK immatriculé F-GDAF sur lequel il me fera ma qualification. Ses clients sont nombreux dont la Société Air Liquide. Puis il se spécialise dans le remplacement de coqs de clochers. A savoir, un couvreur casse cou est assis à la porte de l’hélico solidement harnaché, le pied sur le patin. Henri s’approche au plus près puis se stabilise en stationnaire, le couvreur alors arrache le coq malade. Le coq enlevé à l'aide de l'Enström F 280 - Photo collection P. Bodet Le plus dur vient après car il faut remettre le nouveau ; ça demande un certain temps. Un concurrent a tenté la même opération, s’est pris le patin dans le clocher et s’est écrasé ; plus de peur que de mal heureusement.
Après un passage chez HELI HORIZON, à 45 ans, il devient l’un des neuf pilotes EDF. Basé à Issy-les-Moulineaux, il a comme coéquipier Michel Blossier avec qui l’entente est admirable. 80 à 100 heures de vol sont effectuées chaque mois sur Ecureuil pour la surveillance de réseau, le transport de matériel ou d’autorités. Henri adorait ces missions.
Il en profitera pour passer un certain nombre de qualifications, Jet Ranger, Gazelle, Dauphin, Lama, Hughes 500 et j’en oublie.

Malheureusement sa carrière s’achèvera le 17 septembre 1992, il n’avait pas cinquante ans. Il laisse derrière lui trois enfants, sa femme étant décédée il y a sept ans. Tous ont une situation plus qu’honorable mais pas un n’est pilote. L’aînée, Françoise, est Directrice au Conseil Régional du Loiret et ses deux frères ont des contacts avec l’aéronautique. Jean-François est parachutiste et saute d’appareils tels les Dakota et Transall ou Antonov. Quant à Philippe, reporter pour la télévision, il côtoie des pilotes tels ceux du SAMU, de la Sécurité Civile, de la Gendarmerie et bien d’autres. Mais je laisse continuer Philippe : Bodet et Blossier, une sacrée équipe - Photo collection P. Bodet "A chaque fois que j’embarque dans un hélicoptère, je ressens toujours la même sensation un mélange de joie, cette odeur qui a marqué mon enfance et mon adolescence, mélange de kérosène, d’odeur de métal, de cuir… mais surtout un manque terrible."
Henri Bodet a totalisé 12 000 heures de vol sur hélicoptère, 3 000 heures sur avion et fut décoré de la Médaille de l’Aéronautique à titre posthume.

Une anecdote arrivée à Henri : un de ses élèves dit s’appeler Eric Lambert. Il a 26 ans, est ancien Légionnaire Parachutiste reconverti en Chauffeur de Maître. Elève assidu et doué, une complicité s’instaure entre les deux. Il bégaie un peu quand il est confronté à une émotion forte. Ce fut le cas lorsqu’à la suite d’une panne, Henri reprend les commandes pour finir l’autorotation dans un champ. Accueilli par un brave paysan, Henri appelle les gendarmes pour venir constater puis ceux-ci ramènent les deux compères à Montdidier. Là, le dénommé Lambert leur offre un verre pour les remercier.
Surveillance de ligne pour EDF - Photo collection P. BodetQuelques temps plus tard, ce dernier réussi son Brevet de pilote privé. L’examen pratique se fait à Issy. Il offre alors le champagne à son instructeur et aux policiers de la PAF basés sur place.
Quelques temps plus tard, Henri est convoqué par la Police et apprend que le dénommé Lambert s’appelle Bruno SULAK et est en cavale car c’est un braqueur de bijouteries et possède le surnom d’Arsène Lupin des bijouteries car il n’utilise jamais la violence.
Savoir que le gendarmes et les policiers de la PAF ont bu le coup avec un des malfaiteurs les plus recherchés de France ont du faire rire Henri plus une fois.

Aujourd’hui tu n’es plus là mais grâce à Philippe, j’ai pu reconstituer ton parcours et saches que tu nous manques ainsi qu’à tous ceux qui t’ont côtoyé.

Vos commentaires

  • Le 17 novembre 2016 à 16:39, par Yves Helpiquet En réponse à : Henri BODET, mon ami

    Pour info F-GDAF vole toujours tres bien , et votre recit nous plonge dans l’emotion, nous rappelant qu’avec de la volonte du discernement et du savoir faire on entrepenait, jadis ...

    Répondre à ce message

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