Le travail à l’élingue : une affaire de spécialistes

Publication : 17/09/2011 Auteur(s) : Papycoptere

Aujourd’hui, l’hélicoptère est un appareil dont on ne peut plus se passer et en particulier en montagne pour un bon nombre de missions et principalement pour le levage.
Volant à la verticale, c’est une grue ; volant à l’horizontale, il permet de se mettre en place ou d’aller chercher des charges dans des endroits peu accessibles par des moyens terrestres. Récupération de l'Alouette 3 F-ZBFM (Dragon 74) Sécurité Civile par le Caracal AA ; notez le morceau de contreplaqué à l'arrière pour éviter que la machine ne tourne - Photo collection JMP Seule limitation : la masse à transporter en fonction de l’appareil utilisé.
Les pilotes doivent posséder une grande maîtrise de leur art ; calmes, précis et connaissant impérativement les limites à ne pas franchir. Qui ne connaît pas Christian Blugeon, Pascal Brun, Justin Mattia ou Georges Moulin ? Des noms qui sont dans toutes les têtes lorsque l’on parle de travail à l’élingue. Par contre, l’esprit d’équipe est bien là car la confiance totale n’existe pas ; un pilote ne travaille jamais seul. Ce dernier doit avoir une certaine réserve pour les gens qui sont en dessous ; de même les ouvriers du chantier ne doivent pas avoir une totale confiance dans le pilote et sa machine.
Les principales difficultés rencontrées, la météo en premier lieu, elle peut changer très rapidement, la charge qui peut tourner ou se balancer, ce qui peut amener celle-ci à toucher une partie vitale de la machine. Les charges les plus stables sont celles qui sont concentrées (peu de volume par rapport à la masse) ou celles qui sont perméables à l’air.
Dans le cas de charges volumineuses, il est possible de mettre un parachute de queue ou une dérive en bois.

Le guidage
Le pilote étant pratiquement aveugle pendant toute l’opération plusieurs systèmes sont employés.
Le guidage vocal : l’assistant se trouve à l’extérieur ou à l’intérieur de la cabine et à l’aide d’une radio guide la personne aux commandes avec des termes courts qui permettent une grande précision.

Les rétroviseurs : positionnés devant les pieds du pilote, ils permettent de voir la charge et le crochet d’arrimage. C’est une gymnastique cérébrale supplémentaire car l’image est inversée. Un sérieux entraînement est nécessaire.

Travail à la porte bulle - Photo © David GasnierLa porte bulle : elle présente un bulbe à la place de la fenêtre côté pilote ce qui permet à celui-ci de visionner la charge. Ce système était très utilisé sur les appareils destinés au débardage de bois, maintenant presque tous les appareils en sont pourvus. Attention à la colonne vertébrale !

La surface vitrée dans le plancher cabine : situé à la droite du siège pilote, ce rectangle de plexiglas permet au pilote de visualiser la charge d’un simple coup d’œil sans avoir à se pencher à l’extérieur.

Pour certains gros porteurs, une cabine est située à l’arrière du poste de pilotage orientée vers la poutre de queue ce qui permet au pilote assis dans celle-ci d’avoir une vue directe sur la charge, et avec les commandes dont il dispose, d’amener cette dernière avec une grande précision.

Les diverses opérations
Celles dites « ponctuelles » : pour apporter un élément au sommet d’un édifice, antenne, climatiseur, tuyauteries etc…
Celles de chantiers : constructions ou entretiens de remontées mécaniques, de refuges, de barrages ou de lignes électriques où l’hélicoptère reste plusieurs jours sur place.
Les opérations longues durées : débardage, déchargement de bateaux dans les endroits non structurés pour les accueillir.
L’hélicoptère à première vue coûte cher, mais le temps gagné est bien là et son utilisation fait que le commanditaire s’y retrouve largement.

Le Matériel

Les Hélicoptères
Claude Aubé aux commandes de son BELL 47 G2 transportait 225 kg au refuge Albert 1er à 2700 m - Photo collection JMP Les choses ont bien changé lorsque l’on pense qu’en 1957, Claude Aubé transportait avec un Bell 47 225 kg au refuge Albert 1er à 2700 m. Aujourd’hui avec un B3, on monte 750 kg à la même altitude. Pascal Brun montait des charges de 450 kg au refuge Vallot à 4362 m.

Appareils Masse Max Motorisation Elingue niveau mer
Lama 1950 kg Turboméca 870 Hp 1100 kg
Écureuil B » 2250 kg Turboméca 847 Hp 1400 kg
K Max 1200 5443 kg Allied Signal 1500 Hp 3110 kg
Bell 214 6260 kg Lycoming 2930 Hp 3650 kg
AS 332 C 1 9300 kg 2 Turboméca 1841 Hp 4500 kg
Kamov 32 11 000 kg 2 Zaporozhye 2200 Hp 5000 kg
Sikorsky S 64 19 068 kg 2 Pratt & Whitney 4500 Hp 9900 kg
MI 26 56 000 kg 2 Lotarev 11400 Hp 20 000 kg

Pour information : le MI 12 à une masse maximum de 105 000 kg motorisé par 4 Soloviev de 6500 Hp ; il a soulevé une charge de 40 204 kg à 2255 m.

L’équipement
L’hélicoptère a besoin d’un équipement bien spécifique. Un système de crochet est placé sous la machine, au centre de gravité, grâce à un cadre sling afin de pouvoir attacher la charge. Les crochets utilisés sont dimensionnés au poids des charges à lever. Ceux-ci peuvent être commandés depuis la cabine par le pilote. Un bouton de largage étant placé sur le pas cyclique.

Les élingues, outils indispensables, sont en textile et leur longueur varie en fonction de la charge transportée et des obstacles naturels sur le lieu de travail. Cela peut aller de 5 à 10 m pour le béton jusqu’à 80 m pour le débardage. Christian Blugeon a déjà travaillé avec une élingue de 120 m ; quant à Justin Mattia, il a sorti un hélicoptère de la Sécurité Civile dans les Pyrénées avec une élingue de 200 m.
La longueur est calculée aussi pour que n’interfère pas le souffle du rotor sur la charge ou si la zone de travail est poussiéreuse.

Le Shockers : c’est un câble relié à l’élingue qui est utilisé pour le débardage du bois.

Préparation d’un chantier
Des données sont à respecter, emplacement de départ et d’arrivée du transport, nature, volume et poids exact des charges à transporter. Les appareils sont équipés d’un peson permettant de savoir le poids des charges. Le lieu de posé devra être le plus près des charges possible pour réduire les temps de vol. Les accès des véhicules transportant le matériel ainsi que le kérosène pour le ravitaillement en carburant de l’hélico doivent être prévus. Le terrain sera le plus plat possible et libre de tout obstacle pour l’approche et le décollage. Pour les hélicoptères, les obstacles les plus dangereux sont les câbles et les fils électriques.
Un briefing sera fait au personnel au sol pour que chacun ait son rôle bien en tête. Un assistant de vol, en contact radio permanent avec le pilote, accrochera les charges et se préparera sur demande de celui-ci à ravitailler l’appareil.
Par temps de pluie, il sera nécessaire d’avoir des gants et un tube ou un câble en acier pour libérer l’électricité statique cumulée dans le crochet. L’ordre de montée des charges devra être défini avant le démarrage du chantier.
Dans tous les cas, un plan de prévention est soumis au bureau Véritas ou celui de Norisko, deux organismes veillant au respect des consignes de sécurité sur les chantiers

Le pilotage
Justin Mattia aux commandes de son Super-Puma fait des merveilles avec le transport et le positionnement de charges lourdes dans l'installations des remontées mécaniques - Photo collection JMPLe pilote est l’élément essentiel dans une opération de levage mais il a toujours au sol un assistant de vol qui assure la sécurité et la liaison avec les éléments terrestres. L’homme aux commandes se doit d’être bien dans sa tête, calme et connaître ses limites et celles de la machine. Chaque minute compte pour le client qui demande de plus en plus de rapidité, de précision. Se prendre au jeu est dangereux, certains en ont fait l’expérience. Même s’il paraît calme, son cœur dans certains cas doit battre à une vitesse anormale. Pas question de vol académique dans ces cas là, surtout dans la descente pour aller chercher la charge suivante. Un pilote me disait qu’il commençait ses redescentes en 4 mn 30 et terminait en 4 mn. Le levage demande un maîtrise parfaite du stationnaire, du travail au rétroviseur et de la référence verticale, car le pilote regardant en dessous de lui ne balaye plus l’horizon et lorsque l’on sait que souvent il travaille près de la cime des arbres ou à flanc de montagne, c’est stressant. Enfin pour soulever des charges quelles qu’elles soient, l’économie de poids est nécessaire et le pilote travaille avec peu de carburant et donc il faut régulièrement faire le complément, la pompe n’est jamais très loin.
Une vache héliportée par l'AS350 B3 HB-ZCZ - Photo collection JMP Outre l’aspect carburant, le pilote est aussi confronté à la météo ainsi qu’au relief qui est hostile. Tous ces éléments font que le pilotage est d’une haute technicité. Il n’y a pas d’école pour être formé au levage mais les heures de vol font que l’on s’améliore chaque jour car il n’y a pas une mission qui ressemble à une autre. Les éléments changent et déjà il y a une chose, on ne s’improvise pas pilote de montagne. La routine n’existe pas.

Les principales missions du levage
• Alevinage
• Débardage de bois
• Ravitaillement de refuges

• Travaux de génie civil
• Transport de béton, agrégat, ciment

• Transports spéciaux
• Animaux blessés
• Véhicules
• Pylônes
• Pompes
• Climatiseurs
• Piscines

Je suis personnellement très fier d’avoir pu voler avec Christian, Pascal, Justin et Georges qui sont des artistes de haut vol et qui m’ont beaucoup appris.

Cet article est en hommage au pilote Jacques Fouque, à Sébastien Brun et aux deux accompagnateurs Régis et Jean-Marc...

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