Une histoire de « DAUPHIN »

Publication : 2/11/2009 Auteur(s) : Papycoptere

Il est de bonne guerre de ne pas divulguer trop tôt un matériel destiné à en remplacer un autre dont le succès commercial est affirmé et constant. Le 001 F-WSQL en vol - Photo Collection JMPC’est pourquoi il a fallu attendre quatre années avant de savoir qu’il existait, à l’Aérospatiale, l’étude d’un nouvel appareil. En effet, suivant l’exemple pour l’Alouette 2 Astazou cachée longtemps tant que les ventes des Alouette 2 Artouste connaissaient le succès, le SA 360 fut préparé dans l’ombre.
Un îlot particulier travailla sur le développement de cette machine. L’avant-projet, prit naissance en 1968/69. Début 1970 vit le démarrage des travaux. Le 1er juin, tout était en place tant en ce qui concerne les ateliers affectés au travail que les accords avec les sous-traitants ou coopérants.
Le SA 360 N°1001 immatriculé F-WVKJ équipé de skis - Photo collection JMP Le 31 décembre 1971, le rotor principal du SA 360 et son fenestron, soit la chaîne mécanique complète, commençaient les 100 heures d’essais d’endurance à Marignane.
Le projet était prévu pour le remplacement de l’Alouette 3 dont la carrière était loin d’être terminée. Des différences allaient voir le jour. Tout d’abord, le réservoir métallique situé sous le rotor principal était remplacé par deux outres souples montées sous le plancher de la cabine, d’où un volume utilisable supplémentaire. Ceci afin d’abandonner les trois sièges avant de façon à laisser les deux pilotes et la place pour de futurs équipements IFR. La solution fut 2+4+4. De plus le dessin de la cabine a été modifié en élargissant la partie arrière avant la jonction avec la poutre supportant les empennages et le fenestron. Cette solution apportait un avantage aérodynamique dans le domaine de la traînée par diminution de la convergence des parois, source de turbulence, et un autre avantage : Le SA360 N°1001 immatriculé F-WVKJ équipé du kit de flottabilité déployé - Photo Collection JMP le logement d’une soute à bagages importante. En résumé, le SA 360 est à l’Alouette 3 ce qu’est la Gazelle à l’Alouette 2. C’était dans les années 1970, ne l’oublions pas...
Si l’appareil est nouveau, il a bénéficié de nombreux héritages de la Gazelle. On a retenu le mât-moyeu et le rotor semi-rigide ainsi que le fenestron. Le rotor est également muni des adaptateurs de fréquence du SA 341 mais un revêtement, sous couche en fibres de carbone, associé à la présence d’une masse intérieure, apporte une nette séparation des fréquences de torsion, battement et traînée.
Quant au bruit, si l’on ne peut grand-chose du côté du rotor, un silencieux spécial a été développé à l’entrée d’air de façon  Le 22 octobre 1991, le DGV F-WDEK a atteint 371 km/h - Photo collection JMP à diminuer celui provenant du turbomoteur qui est le plus irritant. Le moyeu rotor était un « NAT » (Non Articulé en Traînée), les pales (4) étaient en fibres de verre, recouvertes de fibres de carbone, permettant une réduction de masse et une bonne raideur en torsion, le Fenestron était équipé de treize pales. Quant au moteur, il s’agissait d’un Turboméca Astazou XVI de 980 cv qui sera remplacé par un Astazou XVIII de 1045 cv.
Le 1er juin 1972, le N°001, F-WSQL effectuait son premier vol aux mains de Roland Coffignot accompagné de René Stevens, Ingénieur Navigant et André Ricaud, mécanicien.
Le N°002, F-WSQX lui, vola pour la première fois le 4 mai 1973 avec le même équipage.
Le SA 365 N° 5043 chez Hélifrance - Photo collection JMPTrois records du monde seront battus dans la foulée (voir ci-dessous).
Par rapport aux premiers SA 360 qui présentaient une verrière du style Alouette 3, les suivants présentèrent un léger décrochage du nez pour des raisons d’aérodynamisme et d’esthétique. Le train d’atterrissage (ERAM) présentait deux roues situées de chaque côté de l’appareil et non carénées au départ et une roulette arrière qui est équipée d’un dispositif anti-shimmy pouvant être verrouillable dans l’axe par une commande manuelle. Un train à patins était utilisable.

Quelques chiffres

Diamètre rotor 11,50 m (4 pales) vitesse de rotation 348 tr/mn
Fenestron 0,90 m (13 pales) vitesse de rotation 4700 tr/mn
Longueur fuselage 11,07 m
Largeur fuselage 3,09 m
Hauteur 3,40 m
Masse à vide 1350 kg
Masse max 2700 kg
Vitesse de croisière recommandée 260 km/h
Vitesse ascensionnelle 7,50 m/s
Autonomie avec 750 kg de charge payante 540 km/h

Tableau de bord du SA 365 - Photo Claude Cluchier - collection JMPLe SA 360 lors d’une démonstration a atteint la vitesse de 371 km/h. Les pilotes d’essai avaient pensé à l’appeler « Le Cigalon » mais ce fut le nom de « Dauphin » qui fut retenu. Une version militaire 361 H fut également présentée mais sans intérêt. Le monomoteur n’eut pas un succès énorme et la décision fut prise d’en faire une version bimoteurs, le SA 365 C équipé de moteurs ARRIEL.
Par rapport à son prédécesseur dont il a gardé les grandes lignes, cabine, atterrisseur, rotor principal et arrière, le 365 offre quelques modifications techniques, plan fixe doté d’un profil creux inversé, donc déporteur. Les dérives fixes sont orientées de façon telle qu’elles fournissent une composante latérale venant assister la dérive dissymétrique dans sa fonction anti-couple en vol de croisière. Ecorché du SA 365 N - Photo collection JMP Adaptation également du Starflex. Quant aux moteurs à turbine libre, ils ont permis la suppression de l’embrayage. Tout ce qui touche à la motorisation, contrôles, sécurité, lubrification a été pratiquement doublé. Le dessin de la partie supérieure affiné et une cloison pare-feu existe entre les moteurs. Comme pour le 360, un train à patins existe.
Le premier vol eut lieu le 24 février 1975. D’autres versions existeront à partir de 1978 avec des moteurs revalorisés permettant une augmentation de masse. Une version équipée de Lycoming LTS 101 de 595 cv sera essayée en vue du marché américain et appelé SA 366. Viendra alors le 365 N qui présentera une nouvelle ligne et un train avec atterrisseur avant rétractable, fini la roulette arrière.
Bien sûr son aérodynamique va augmenter aussi bien vitesse que distance franchissable. Il volera pour la première fois le 31 mars 1979 aux mains de Max Jot. La version qui sera commandée par les COAST GUARD sera équipée de Lycoming (96 exemplaires) et sera appelée SA 366 G ou HH 65 Dolphin. Premier vol le 23 juillet 1980.
Une version militaire verra aussi le jour, équipé de deux TM 333 de 900 cv. Son premier décollage aura lieu le 29 février 1984. Le Brésil en commandera ainsi que la Marine Française. Son nom : le « Panther ».
Comme pour les autres appareils, de nouveaux moteurs seront montés permettant au Dauphin N de pouvoir décoller à la masse de 4300 kg. Sous désignation de N.
La dernière version que l’on aurait pu appeler N4, l’EC 155, a été agrandie et rehaussée à l’intérieur. Le DGV F-WDEK a atteint 371 km/h - Photo collection JMPIl peut emmener jusqu’à treize passagers en plus des deux pilotes à la vitesse de croisière de 280 km/h sur 785 km. Le décollage peut s’effectuer à la masse de 4920 kg.

Deux autres versions ont également participé à l’amélioration des futurs aéronefs. Le CDVE (commandes de Vol Electriques) destiné au NH 90 et le DGV (Dauphin Grande Vitesse) ou AS 365 X qui sera équipé d’une nouvelle tête rotor Sphériflex à cinq pales et d’un mât moyeu en carbone. Ce système sera repris sur l’EC 155. Le DGV atteindra la vitesse de 371 km/h.

Les différents modèles

(Moteur, vitesse max, version, masse max, 1er vol)
• SA 360 : 1 Astazou XVIII 1045 cv 270 km/h N°001/002 2600 kg 01/06/1972
• SA 360 C1/C2 : 1 Astazou XVIII 1045 cv 275 km/h Série civile 3400 kg 04/05/1973
• SA 361 H : 1 Astazou XX 1400cv 270 km/h Militaire 3400 kg
• SA 365 : 2 Arriel 1A1 678 cv Prototype 3400 kg 24/02/1975
• SA 365 C1/C2/C3 : 2 Arriel 1A 650 cv Série civile 3500 kg 1978
• SA 365 F/F1/K : 2 Arriel 1MN 632 cv 255 km/h Marine 3900 kg
• SA 365 N/N1/N2 2 Arriel E1C 710 cv 280 km/h Série civile 4300 kg 31/03/1979
• AS 565 AB/MB/UB/SB 2 Arriel 2C 977 cv 287 km/h Panther 4300 kg 28/10/1996
• AS 365 N2 : 2 Arriel 1 C2 763 cv 287 km/h Série civile 4300 kg
• AS 365 N 3 2 Arriel 2C 977 cv 287 km/h Série civile 4300 kg
• EC 155 2 Arriel 2C1 977 cv 270 km/h Série civile 4800 kg 16/06/1997

Caractéristiques

Caract./Modèles SA 365 C AS 365 N 3 EC 155 B 1
Diamètre rotor : 11, 68 m 11,93 m 12,60 m 5 pales
Fenestron : 0,90 m 0,90 m 0, 90 m
Longueur totale : 13,29 m 13,73 m 14,30 m
Masse à vide : 1850 kg 2271 kg  ?
Masse maximale : 3400 kg 4250 kg 4920 kg
Vitesse de croisière recommandée : 253 km/h 254 km/h 252 km/h
Vitesse ascensionnelle : 10,2 m/s 10,5 m/s 10,5 m/s
Distance franchissable : 450 km 861 km 831 km

Les records du monde

Exemplaire unique d'une inclusion d'un DAUPHIN 2 SA365n - Photo collection JMPSA 360 - 001 F-WSQL : Record de vitesse classe E1 d (giravions de 1750 kg à 3000 kg)
• 15/05/1973 circuit fermé 298,700 km/h masse 2355 kg
• 16/05/1973 sur base 313 km/h masse 2185 kg
• 17/05/1973 sur base 303 km/h masse 2120 kg
Équipage : R. Coffignot, pilote, R. Stevens, Ingénieur navigant, A. Ricaud , mécanicien, J. Rostaing, ingénieur.

SA 365 N° 6001 F-WZJJ : Record de vitesse classe E1e (giravions de 3000 à 4500 kg)
• 06/02/1980 : Paris/Londres/Paris 294,26 km/h
• 08/02/1980 : Paris/Londres 321,91 km/h
• 08/02/1980 : Londres/Paris 281,05 km/h
Équipage : B. Pasquet, M. Jot, pilotes accompagnés de C. Marchetti, Brémond, Ingénieur CEV, M. Sudre, mécanicien navigant , Vidal, mécanicien piste.

SA 365 M Panther N° 6234 F-ZVLP : record de vitesse de montée classe 1Ed (1750 à 3000 kg)
• 15/09/1987 : 3000 m en 2 mn 54 s masse 2774 kg
• 15/09/1987 : 6000 m en 6 mn 14 s masse 2774 kg
Équipage : M. Jot, pilote, P. Rougier, ingénieur navigant, J-P Meunier, mécanicien navigant.

AS 365X DGV 200 N° 6015 F-WDFK : Record de vitesse E1e (3000 à 4500 kg)
• 19/11/1991 : vitesse sur base de 3 km, 372 km/h masse 3590 kg
Equipage : G. Dabadie, pilote, B. Fouques, Directeur des essais en vol, M. Sudre, mécanicien navigant.

Ventes des Dauphin au 30/10/2009

• SA 360 : 60
• AS 365/565 : 673
• AS 366 G : 101
• EC 155 : 101

Vos commentaires

  • Le 12 mai 2019 à 21:06, par Thomas Ernst En réponse à : Une histoire de « DAUPHIN »

    Bonjour,

    Très bel article sur cette hélicoptère légendaire et dont les innovations sont encore présentes aujourd’hui et participent à l’héritage de l’industrie hélicoptère française.
    J’ai noté toutefois, un mot, utilisé dans le récit, "à prendre avec des pincettes" et qui pourrait généré des mauvaises compréhensions. Il me semble qu’il existe 4 familles de tête rotor possibles : rigide, semi rigide, articulée, semi articulée :
     RIGIDE est la tête en titane du Bo-105 inventée par L.Bölkow dans les années 60, elle a été utilisée par la suite par de nombreux concepts d’hélicoptère pour ses hautes performances
     ARTICULÉE est la tête rotor classique héritage du concept de Juan de la Cierva permettant mécaniquement les 2 axes libres (battement, avance retard)
     SEMI-ARTICULÉE est la tête rotor StarFlex de l’écureuil inventée par René Mouille qui permet les 2 axes de mouvement par la flexibilité des matériaux (moins de maintenance)
     SEMI-RIGIDE est la tête rotor à bascule des Bell Hélicoptères (principalement) et autres hélicoptères bipâles (pas d’avance retard c’est le mat qui encaisse et le battement est autorisé par la rotule faisant une simple bascule des 2 pales)
    Le rotor semi rigide décrit dans le récit est, je pense, la frontière entre l’articulé de Cierva et le StarFlex de Mouille puisque on a supprimé l’articulation d’avance retard mais celle du battement reste classique. Je pense que dans ce cas là on ne peut pas parler d’un articulé ni d’un semi articulé mais surtout pas d’un semi rigide qui se doit d’avoir 2 pales je pense que le plus simple et de préserver l’appellation NAT dont l’héritage sera le futur Starflex.
    En espérant que ces informations ont pu être utiles, n’hésitez pas à m’apporter une information différente qui expliquerait l’expression semi rigide, je suis toujours à la recherche de connaissances dans le domaine.

    Merci,

    Thomas Ernst (alias StarFlex)

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