Même si l’idée de rentrer une civière hélitreuillage à bord des hélicoptères de grand modèle de la
marine nationale ou de l’armée de l’air était déjà réalisée depuis plusieurs années, rien n’existait pour les Alouette III.
En matière de secours héliporté, on peut établir plusieurs degrés d’importance en fonction des missions. Certaines, sont classées en sauvetage ou en secours, en mission d’assistance ou en simple transport. Il est possible de démontrer leurs différences, même si certaines d’entre elles peuvent parfois présenter quelques nuances ou similitudes.
La survie de chaque personne secourue est primordiale. Les conditions dans lesquelles les victimes sont secourues apparaissent dès les premières années de secours par hélicoptère, avec le souci d’une constante amélioration, car elles ont une incidence pour que leur rétablissement soit complet.
Suite à l’arrivée des Alouette III au sein des Bases dévolues au secours en montagne, et dès l’approche des années 70,
l’un des responsables de la formation des équipes de secours en montagne des CRS prend conscience de cela.
Il sait qu’entre l’action des sauveteurs au sol et celui de l’hélicoptère, il manque encore un maillon indispensable à la rapidité d’une évacuation convenable des victimes. Raison pour laquelle, il s’attelle à inventer une civière susceptible de pouvoir être hélitreuillée et installée dans la foulée, en plein vol, à bord de l’Alouette III. Le premier à réaliser cette innovation fut Sauveur PIGUILLEM qui, après toute une carrière au service du secours en montagne, puis âgé de 83 ans, nous quitta il y a un an, le 22 janvier 2018.
Au tout début de l’étude de son projet, il souhaite concevoir une civière métallique la plus légère possible, capable de se replier,
portable à dos d’homme, pouvant glisser sur la neige tout en possédant les avantages d’un brancard classique. Sa longueur sera limitée à la largeur du plancher de la cabine de l’Alouette III et elle devra être équipée de câbles adaptés à son basculement horizontal pour être ensuite glissée à bord après hélitreuillage. Elle sera munie d’un revêtement de protection en tissu imperméable et d’un arceau de sécurité au niveau de la tête.
Entouré d’une excellente équipe de conseillers du CNEAS à Val d’Isère, qui se penche à ses cotés sur ce projet (Les sauveteurs guides Decognac, Bordet, Gouzon et Hastey), il utilisera, faute de budget, l’acier plutôt que l’aluminium pour confectionner la structure du premier prototype. C’est l’un de ses amis passionné de montagne et artisan en ferronnerie installé à Saint-Egrève en Isère (Barnaud) qui se charge de la réalisation, suivant le plan initial.
La mise au point du système de câbles fut effectuée avec la complicité de Michel Lamousse, responsable mécanicien-treuilliste de la Base de Grenoble et les premières expérimentations en vol sont effectuées avec Alfred Leplus, Alain Frébault et Michel Aubert le Chef de la Base dans les années 71-72.
Comme toute nouveauté, et même à cette époque, il n’est pas évident de proposer et de faire adopter son invention au-delà de sa propre administration. Le brevet est officiellement accepté le 24 avril 1972, mais les unités de secours dépendantes de la gendarmerie exigent davantage d’homologation. Ce sont les équipages des hélicoptères de la Marine nationale qui, très intéressés pour leurs secours en mer, facilitent l’acceptation de cette nouveauté auprès des autorités militaires.
Toujours confectionnée artisanalement à Saint-Egrève, cette toute première civière hélitreuillable fut fabriquée ensuite en série aux Etablissements EMERY de Grenoble.
Appelée désormais et familièrement la "pigui" mais aussi la "perche" par ses utilisateurs, ce modèle de base donnera lieu à plusieurs améliorations plus légères et confortables fabriquées à l’initiative d’autres innovateurs.
Après de nombreuses utilisations, il a été constaté par les médecins de bord que la position semi-verticale en montée
hissée au treuil puis basculée à l’horizontale pour être positionnée dans la cabine de l’hélico, causait des problèmes physiologiques sur certaines victimes à pathologie cardiaque. Dès lors, quand le cas se présente et à la demande du médecin, le treuilliste s’efforce de remonter la civière en position horizontale jusqu’au niveau de la cabine de l’hélico, ce qui l’oblige à maintenir tout l’ensemble avec le pied jusqu’à l’atterrissage.
Les treuillistes ont parfois des difficultés à maîtriser les rotations de la civière au cours de sa montée. Ce phénomène pouvait être modéré grâce au rajout d’une dérive anti-rotation disposée dessous.
La limitation en charge imposée aux treuils des Alouette III (pneumatique de 25 m et électrique de 40 m), n’autorise pas l’hélitreuillage simultané du médecin ou sauveteur au côté de la victime.
Une prise au vent non négligeable
Après avoir effectué personnellement un nombre incalculable de manœuvres d’hélitreuillage de civière de ce type, rares furent les problèmes rencontrés.
Cependant, plusieurs précautions s’imposent, ainsi qu’un certain savoir-faire afin que toutes ces manipulations puissent se terminer dans les meilleurs conditions. En effet, très vite, au cours des treuillages, on s’aperçoit que la légèreté de cette invention entraîne une maîtrise difficile en bout de câble, surtout quand elle est en position pliée prête à être déposée au sol auprès des sauveteurs. La version « enfant » n’existant pas, une charge supplémentaire (sac, cordage) devient nécessaire au lestage avant d’installer une personne trop légère. Inutile également de tenter de la descendre en position dépliée et à vide, trop livrée au souffle du rotor, elle évolue dangereusement.
Des verrouillages de sécurité indispensables
En version dépliée, la mise en place des deux verrous de sécurité mécanique placés de chaque coté est absolument nécessaire. L’oubli de cette manœuvre de verrouillage de la part des sauveteurs, peut-être causé par le stress de l’intervention, peut engendrer de graves conséquences, car la civière non rigidifiée par cette sécurité se repliera automatique au moment ou le treuilliste effectuera sa manœuvre de rentrée à bord.
Pour être ainsi basculée à l’horizontale puis glissée à bord de l’appareil, la trappe du plancher de l’hélico nécessaire à l’hélitreuillage doit être relevée et automatiquement verrouillée.
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Premier décrochage accidentel en plein vol
Il est arrivé également qu’une civière se décroche du câble quelques mètres après sa remontée vers l’hélicoptère.
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Une expérience unique
Nous avons recherché les causes de ce tout premier type d’accident. Ayant très rapidement ciblé et démontré l’anomalie, j’étais persuadé que plus jamais ce drame pouvait arriver. Et c’est en toute confiance que je me portais volontaire au cours d’un exercice d’entraînement avec de jeunes personnels, pour être installé puis hélitreuillé dans l’une de ces civières, prouvant ainsi ma confiance et par la même occasion, découvrir par moi-même les conditions d’un tel transport.
Allongé « confortablement », l’anxiété apparaît dès que l’on effectue le serrage des sangles de sécurité et que l’on referme l’enveloppe de tissu. Quasiment momifié, je n’ai qu’une envie, celle de pouvoir au moins conserver mes bras en dehors du brancard. Mais ne me faut-il pas vivre l’expérience dans les conditions de la réalité ? Encapuchonné ainsi de la tête aux pieds, je ne vois que l’ensemble métallique qui protège un peu la tête, ainsi que les sourires narquois de mes collègues sauveteurs. |
Qui a dit plus jamais ?
Quant au souvenir de ce fameux décrochage vécu en 1987, je constatais qu’il fut trop vite oublié. En effet seize années plus tard, il devait se reproduire avec une Alouette III du secours en montagne de la Gendarmerie. Ce nouvel incident eut cette fois des conséquences plus graves. Réglementairement signalé au Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA), les enquêteurs ont pu, à leur tour, en cerner les causes et les consigner dans un rapport officiel (nota : erreur dans l’orthographe de Piguillem). A noter également que ce document primordial semble n’avoir jamais été porté à l’attention des personnels des Bases de la Sécurité civile pourtant placés eux aussi au cœur du problème.
Néanmoins, les défaillances techniques ou les maladresses humaines vécues au cours de l’utilisation de cette civière demeurent insignifiantes au regard des milliers de personnes dont l’intégrité physique fut ainsi assurée, grâce à l’ingéniosité de son
concepteur au prénom prédestiné « Sauveur PIGUILLEM ».
De nos jours, après avoir été largement répandue dans tous les services de secours de montagne, en milieu urbain et même en spéléo, sa version d’origine demeure encore régulièrement utilisée sur les appareils actuels, notamment ceux de la Gendarmerie, de la Sécurité civile et d’autres acteurs du secours héliporté.
Vidéo Hélitreuillage civière Piguillem avec Alouette III F-ZBDG Dragon 38 à l’Alpe d’Huez
Vidéo Hélitreuillage civière Piguillem avec Alouette III F-MJBL de la SAG de Chamonix
Vidéo Hélitreuillage civière Piguillem depuis l’intérieur de l’Alouette III de la SAG de l’Île de la Réunion