L’Alouette Sécurité civile en missions de recherche

Publication : 14/11/2013 Auteur(s) : Francis

Départ pour recherche enfant à LACANAU - Photo extraite d'une carte postaleTrop souvent encore, on peut lire ou entendre dans les médias : « Un hélicoptère a survolé la zone sans succès ». Mais, en matière de recherche, le simple survol ne suffit pas. C’est tout un comportement bien précis qui se doit d’être adopté par l’équipage en charge de ce type d’opération.
Tout se jouera en fonction de la géographie du lieu, des renseignements obtenus, des circonstances et des conditions dans lesquelles l’hélicoptère pourra évoluer.
Alouette III Dragon 74 de retour d'une mission de recherche dans le Massif du Mont-Blanc - Photo Christophe GothiéEn effet, il existe plusieurs types de mission de recherche :
• Les recherches en mer, sur plans d’eau et bandes côtières.
• Les recherches en zones montagneuses, accidentées ou après avalanches.
• Les recherches en zones boisées ou désertiques.
• Les recherches en plaine et zones urbanisées.

Pour cela l’hélicoptère est l’aéronef le plus efficace, le plus performant, et le mieux adapté. Il est capable d’évoluer en toute zone, de pouvoir intervenir à basse altitude même par mauvaises conditions météorologiques ; ses capacités de vol stationnaire pour observer, hélitreuiller ou déposer des sauveteurs sur les zones de recherche, sont à la fois très appréciées et souvent indispensables. Sa rapidité d’intervention et de récupération offre un maximum de chances de survie aux personnes secourues.

Les recherches en mer comportent, les recherches côtières et les recherches au large.
Sur nos côtes métropolitaines les baigneurs sont le plus souvent des personnes victimes de malaise ou emportées par des courants. Leurs luttes face aux éléments les conduisent rapidement vers l’épuisement. S’ils ne sont pas signalés et récupérés à temps, leurs corps peuvent, soit couler immédiatement soit rester immergés un certain temps dans la position dite « en araignée ».
L'Alouette III F-ZBDG Dragon 50 en mission de recherche dans le baie du Mont-Saint-Michel en 1982 - Photo DRLes embarcations pneumatiques légères (canots, matelas) sont susceptibles d’être entraînées au large par un courant ou un vent défavorable. Leur localisation est souvent rapide, mais par hélicoptère, la récupération par hélitreuillage de leurs occupants demeure délicate à cause du souffle violent provoqué par le rotor. Certains se sont retrouvés à l’eau après le chavirage de leur embarcation provoqué par une arrivée précipitée de l’hélicoptère à trop basse altitude et sous un angle d’approche inapproprié.

A la demande des postes de secours, des recherches aériennes sont également effectuées à la suite de disparitions d’enfants dans les dunes et l’immensité des plages ; ceux-ci marchant habituellement le dos au soleil. Ils peuvent accomplir en peu de temps un parcours très long, même par forte chaleur et n’ont pas conscience d’être recherchés, surtout par un hélicoptère. Leur résistance est souvent très surprenante.

La recherche au large concerne généralement la découverte ou la localisation d’embarcations plus imposantes (plaisanciers, chalutiers, voiliers). La survie de leurs occupants tombés à la mer dépendra de leur habillement, de leur morphologie et surtout de la température de l’eau. La monotonie de la surface de l’océan, de la mer ou des lacs, rend l’observation lassante et le phénomène du « J’ai cru voir » plus souvent présent qu’au cours des recherches terrestres.

Les recherches en montagne concernent les alpinistes et randonneurs égarés, victimes de chute en crevasse ou accidentés après avalanches, chutes de pierres ou de séracs.

Recherche avec ARVA - Photo DR collection Francis DelafosseQuelle que soit l’information reçue sur les conditions d’une détresse, l’expérience démontre qu’en montagne, l’urgence doit toujours rester présente à l’esprit. Après une avalanche, l’hélicoptère pourra prendre à bord un sauveteur spécialisé muni d’un détecteur manuel d’ARVA (Appareil de Recherche de Victimes d’Avalanches), celui-ci peut également être suspendu sous l’appareil. A très basse altitude, un balayage de la zone concernée sera ainsi effectué rapidement, malgré son étendue. Ces appareils de détection équipent de plus en plus les skieurs hors-piste. Certes, ils permettent éventuellement de localiser toute personne ensevelie… mais sans certitude de les retrouver vivantes.
Ce sont le plus souvent les bâtons et les skis découverts sur place qui permettent de confirmer la présence de personnes partiellement ou totalement enfouies sous la neige. Sans prendre de risques supplémentaires, la récupération de tout ce matériel doit être effectuée. Ceci, pour ne pas qu’il y ait confusion au cours d’une recherche ultérieure dans le même secteur.

L'Alouette III de la Sécurité civile en mission de recherche - Photo Christophe Gothié

Ces diverses missions de recherche nous font vivre des situations étonnantes et parfois dramatiques comme ces deux alpinistes retrouvés morts sous quelques centimètres de neige seulement, au pied des escaliers d’un refuge de haute montagne.

Ce cycliste sexagénaire que l’on a découvert sans vie, le corps allongé sur l’autel d’une petite chapelle en bordure de route, alors qu’on pensait qu’il Crevasses en Vallée Blanche - Photo collection Francis Delafosseavait basculé dans un ravin.

Ce touriste anglais retrouvé bien vivant au fond d’une crevasse alors que nous l’avons survolé tout à fait par hasard à la recherche d’un avion porté disparu.

Le courage de nos deux sauveteurs pris de vomissements en trouvant cette jeune fille littéralement coupée en deux sous une cascade de glace.

Alain Franjou et Francis Delafosse en mission de recherche avec l'Alouette III Dragon 38 - Photo DRCe moine d’un monastère de Haute-Savoie, perdu en cherchant des champignons et s’agenouillant à sa descente de l’hélicoptère devant le Père Supérieur pour lui demander pardon d’avoir été la cause de tant de désagréments.

Cette désespérée près de Chambéry qui saute du haut d’une falaise pour se retrouver par miracle, accrochée dans un arbre et appelant à l’aide, n’ayant plus l’envie de se suicider.

Cette dame âgée atteinte de la maladie d’Alzheimer, repérée en plein Recherche après une avalanche - Photo Francis Delafossemilieu d’un troupeau de moutons, que nous aurions pu, le pilote Alain Franjou et moi-même, confondre avec une bergère attentionnée.

Cet alpiniste retrouvé, car en survolant la zone à très basse altitude, seule la couleur rouge de la petite étiquette de son sac à dos apparaissait parmi la masse de neige impressionnante d’une coulée d’avalanche.

Tout équipage hélicoptère, s’il se trouve parfaitement aguerri pour ce type de mission, le doit d’abord à sa propre expérience car la formation spécialisée est purement technique. Il est encore trop souvent considéré comme un simple transporteur par les organismes de secours au sol qui dirigent les opérations. Les résultats obtenus en matière de recherche et d’observation aériennes exigent un certain « savoir-faire » et une accoutumance parfaite aux conditions particulières de ce type de mission (évolutions incessantes, stationnaire, demi-tours, marche arrière). Dès lors, le rôle joué par le binôme Pilote-Mécanicien s’avère déterminant.

Hélicoptère Sea King en mission de recherche - Photo DRAprès la création de la Base Sécurité civile de Lille, nous sommes régulièrement invités à participer à l’exercice international de recherche en mer du Nord, prévu par le plan SAMAR (Plan de Secours Aéro-MARitime). En ce jour de mai 1982, nous décollons en direction de la Base aérienne Belge de Koksijde, spécialement dévolue aux missions de secours en mer SAR (Search And Rescue). A notre arrivée, posée au côté des hélicoptères lourds « SEA KING » Belges et Britanniques superbement équipés avec leurs cinq membres d’équipage, notre petite Alouette III de la Sécurité civile Française, faisait « profil bas » suscitant quelques sourires en coin de la part de nos homologues étrangers.

Tous les appareils présents participent à cet exercice consistant à rechercher et à récupérer en mer deux personnes placées volontairement dans un canot à la dérive. Le hasard ou la chance aidant, il se trouve qu’à bord de notre Alouette, nous parvenons assez rapidement à les retrouver.

Recherche en mer avec l'Alouette III- Photo collection Francis DelafosseAprès hélitreuillages, le retour de nos deux naufragés volontaires met fin plus tôt que prévu à l’exercice. Nous sommes presque confus de notre réussite, malgré tout l’ambiance du « débriefing » est quelque peu tendue. Nous rejoignons l’ensemble des équipages présents pour le pot de l’amitié, non sans payer nos consommations et notre proposition d’échanger traditionnellement notre écusson n’a semblé intéresser personne...

Moralité : Si on a parfois besoin d’un plus petit que soit... cela ne fait pas toujours plaisir aux plus grands.

Il est primordial qu’avant tout décollage, l’équipage soit mis au courant de toutes les circonstances d’une disparition en restant bien informé sur les personnes recherchées. Il est quelquefois judicieux de prendre à bord toute personne susceptible d’apporter des éléments sur la configuration du lieu (possibilités de refuge, secteurs accidentogènes, accès possibles, lignes EDF ou autres câbles). Ces personnes, transportées pour les besoins de la recherche, ont souvent des difficultés à reconnaître à bord de l’hélicoptère ce qu’elles localisaient aisément au sol.

Francis Delafosse en mission de recherche dans le Massif du Mont-Blanc avec l'Alouette III Dragon 74 - Photo collection Francis DelafosseCe fut le cas de ce jeune garçon qui a vu disparaître son père dans une crevasse de la Vallée Blanche de Chamonix. Survolant le glacier à nos côtés dans l’hélicoptère et plutôt très confiant au départ, il se désespérait de ne pas retrouver la fameuse crevasse concernée. Quand les sauveteurs localisèrent enfin l’endroit grâce à ses indications, fou de joie, il ne s’imaginait pas un instant que son père ait pu, dans cette chute, perdre la vie… Il fut très difficile de calmer son enthousiasme et lui annoncer la triste nouvelle ; son chagrin en fut d’autant plus poignant.

Au cours de la mission, plusieurs cas peuvent se présenter :
• La victime sera facilement repérable en vol.
• La personne recherchée est en contact radio ou téléphonique et peut guider l’équipage.
• La victime n’est pas visible d’en haut et ne sera retrouvée qu’après la découverte de matériel ou d’effets personnels.
• Là où les personnes recherchées tentent de se signaler gestuellement ou matériellement.

Hélitreuillage du Sauveteur Jean-Luc Yvon avec son chien - Photo André FatrasAprès de fortes présomptions ou de découverte d’indices, des sauveteurs peuvent être déposés sur un secteur déterminé pour faire aboutir une recherche. C’est le cas des sondeurs en avalanches, des spéléologues et autres enquêteurs spécialisés. A noter l’irremplaçable rôle joué par les maîtres-chiens, en particulier dans le domaine du pistage et des avalanches. Ces chiens de races différentes, biens dressés, s’empressent de grimper à bord de l’appareil et restent parfaitement immobiles lors de l’hélitreuillage.

Dans l’hélicoptère, l’équipage se partage les tâches. Le pilote, plus spécialement concentré sur ses commandes, le tableau de bord et les obstacles éventuels, délègue quasiment toute la fonction de recherche au mécanicien de bord chargé de le guider ou de l’interpeller après découverte d’éléments pouvant aboutir à une piste. Celui-ci se doit d’exploiter, de dénicher, de repérer le moindre indice (voiture isolée, vêtements, sac, fumée, arbres cassés, etc...) tout cela en fonction de ce que l’on recherche (personnes, aéronefs, parapentes, embarcations). Le tout avec la conviction profonde d’aboutir positivement, ce qui n’est pas sans provoquer une fatigue visuelle et psychologique rapide et intense.
L’attention et la concentration doivent être extrêmes. Avec l’expérience, on constate que la première heure de vol se révèle la plus efficace. Ensuite, la fatigue aidant, l’intérêt diminue, la recherche se transforme vite en simple observation puis en survol quasiment inopérant.
Il est parfois judicieux de renouveler le vol dans d’autres conditions d’ensoleillement ou conditions météorologiques plus favorables. Après un temps de pause, l’équipage n’en sera que plus performant.

Un "posé roue" avec l'Alouette III de la Sécurité civile - Photo DRDans le Massif des Ecrins, informés de la disparition d’une randonneuse dans un secteur bien précis et n’ayant rien trouvé après une première reconnaissance, nous décidons de déposer nos sauveteurs au sol un peu au hasard. Mais à peine avons-nous redécollé que ceux-ci trouvent la personne recherchée juste devant eux. Parfaitement consciente, elle était étonnamment restée immobile et prostrée en boule dès notre arrivée. Cachant dans ses vêtements amples et sombres un embonpoint, somme toute assez conséquent, nous l’avions tous confondue… avec les rochers environnants.

Quelle joie immense d’avoir pu rendre un enfant en pleine santé à ses parents désespérés, surtout après des heures de recherche et après avoir persévéré Survol de la Côte Atlantique - Photo collection Francis Delafosse dans une toute dernière reconnaissance en cette fin de journée d’été 1976 sur les plages immenses de la côte atlantique.

En août 1994, un parapentiste est signalé en perdition sur la paroi rocheuse du Salève dominant Genève. Rapidement localisé, nous l’hélitreuillons pour le ramener en lieu sûr. Malgré tout, la demande de secours reste toujours plus insistante du côté de nos voisins Suisses. Plutôt que de s’embarrasser dans une discussion stérile pour obtenir des explications avec les uns ou les autres, nous repartons aussitôt vers la falaise et cette fois, en effet, nous apercevons une jeune fille à proximité d’une voile de parapente, s’accrochant des deux mains au rocher avec grande difficulté. Hélitreuillée de justesse, elle déclarera par la suite que, totalement épuisée, elle était sur le point de s’abandonner au vide, juste avant notre arrivée.

Il ne faut jamais rester entièrement axé sur le signalement vestimentaire reçu, avec le temps, les choses ont pu évoluer et il est parfois surprenant de constater le comportement de certaines personnes ayant vécu plusieurs heures dans la solitude et le désespoir. Étonnant également de s’apercevoir qu’il faut en fait, très peu de temps pour qu’une personne habituée à un certain confort quotidien, se retrouve physiquement et psychologiquement totalement délabrée.

L’expression « il s’est cassé le nez » ou « il s’est cassé la figure » à tel ou tel endroit, a failli nous jouer un mauvais tour à la DZ des bois de Chamonix car elle fut interprétée par notre jeune médecin comme une simple fracture du nez sans caractère d’urgence. Hors, il s’agissait en fait, d’une personne gravement accidentée après une chute en ravin.

Toute demande de secours peut avoir été mal retransmise ou mal interprétée. Chaque mot peut avoir un double sens ou ne pas vouloir dire la même chose pour les uns comme pour les autres en fonction des régions concernées, sans parler des problèmes de traduction avec les personnes étrangères.

Mission de recherche en Alouette III avec René Romet et Christian Lafouge - Photo André Fatras En septembre 1990, toujours dans le Massif du Mont-Blanc, en équipage avec le Pilote René Romet, nous sommes informés qu’un alpiniste a perdu ses crampons à hauteur de la voie normale. Conscient que ce type de demande nous laisse le temps de terminer notre travail administratif en cours et après avoir pris le temps d’un petit complément de kérosène, nous décollons tranquillement dans cette direction.

Contrairement à cette information erronée, il s’agit en fait d’un alpiniste d’origine Bulgare, égaré dans le secteur depuis trois jours et amorçant sa progression sur un plan de glace vertigineux. Ce qui change tout le caractère d’urgence, car il est agrippé à ses deux piolets et ses crampons sont hors de portée. Il se retrouve vite à bout de forces et... lâche les mains une seconde avant que notre sauveteur ait pu le saisir ; il disparaît alors en glissant en contrebas dans la neige profonde. Spectateurs de sa chute impressionnante, nous entamons dès lors sa recherche, Retour avec un miraculé du Mont-Blanc avec de G à D : Francis Delafosse, Christian Lafouge, le secouru bulgare et Romet Romet, en septembre 1990 - Photo collection Francis Delafosse persuadés de ne retrouver qu’un corps disloqué. Très choqués, nous ne pensons pas pouvoir le retrouver, quand soudain, j’aperçois une tête et m’écrie « Je le vois, il est là, la tête bouge encore ! ». Il était retenu par les coudes, le reste du corps dans une crevasse. Nous l’avons très rapidement récupéré, puis soutenu pour descendre de notre Alouette. L’hôpital nous confirmera qu’il s’en sort miraculeusement bien, malgré ses quelques gelures et surtout trois vertèbres fracturées.

Le bruit occasionné par l’hélicoptère est très souvent le premier signe d’espoir pour les personnes recherchées. Très caractéristique et reconnu facilement, ce véritable mélange de claquement de pales et de sifflement de turbines est si intense qu’il pourrait, du niveau mer au fin fond des vallées, « ranimer un mort », ou réveiller les moribonds. Mieux encore, leur donner l’idée de se manifester en dévoilant ainsi leur position.
Par contre, il est parfois nécessaire de déposer un ou plusieurs sauveteurs sur place et de nous éloigner au plus loin pour qu’ils puissent demeurer dans le calme, à l’écoute d’un appel de détresse éventuel.

En automne 2002, près de Grenoble, une épouse contacte les services de secours car son mari, qui se rend régulièrement au même endroit pour pêcher la truite, n’est pas rentré malgré l’heure tardive. A la demande du Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne, nous décollons pour effectuer une reconnaissance avec deux sauveteurs à bord.

Arrivés à la verticale du cours d’eau concerné, nous explorons attentivement les berges mais sans résultat. Certain que c’est l’endroit où notre pêcheur amateur doit se trouver, nous déposons l’un de nos gendarmes par hélitreuillage et nous nous éloignons le laissant seul effectuer ses appels. Très vite, une voix lui répond s’agissant bien du pêcheur recherché. Mission de recherche suite à une disparition - Photo © Fabrice Anterion Nous n’avions pas pu le repérer en vol car victime d’une mauvaise chute, il est resté conscient sans être repéré, ayant eu l’idée de se recouvrir de feuilles mortes pour se protéger du froid.

Installé dans notre civière hélitreuillable, je remonte le blessé et le transfère dans la cabine de l’hélicoptère. Celui-ci me regarde avec étonnement et insistance, semblant vouloir me dire quelque chose ; arrivant en vue de la DZ de l’hôpital, nous allons voir cela plus au calme. Son visage tuméfié et ensanglanté ne m’avait pas permis de le reconnaître car il s’agit en fait de l’instituteur de mon fils. Quelle fierté pour ce dernier de pouvoir annoncer le lendemain en arrivant à l’école que le « Maître » avait été secouru par l’hélicoptère de son père…

Ce doit être terriblement frustrant de se savoir recherché, d’apercevoir ou d’entendre l’hélicoptère des sauveteurs sans pouvoir être repéré.
Contrairement aux « gens de la mer », les « montagnards » n’ont pas pour tradition de se localiser par l’utilisation de fusées de détresse. Cela nous faciliterait beaucoup les recherches en économisant un grand nombre d’heures de vol. Il est toujours très difficile de faire modifier les habitudes surtout si un tel équipement n’est pas accessible dans les commerces locaux.

Victime secourue à la descente de l'Alouette III F-ZBAV à la DZ des Bois de Chamonix - Photo collection Francis DelafosseEn 1983, mes collègues de la Base d’Annecy me racontaient l’une de leurs dernières missions de recherche effectuée sur le plateau des Glières. Il s’agissait de rechercher l’épave d’un avion de tourisme. L’un des passagers avait survécu à l’accident et avait pu noter sur papier le passage incessant d’hélicoptères qui ne le repéreront jamais. Plus tard, on retrouvera les écrits auprès de son corps en décomposition.


Je pense également à cette randonneuse de la région de Grenoble qui au fond d’un ravin, la jambe brisée, écrivait « Au secours » sur plusieurs feuilles d’un carnet qu’elle jetait au vent, en précisant que, vu l’endroit, seul un hélicoptère pourrait la retrouver… ce qui fut fait à temps, grâce à la découverte de sa voiture dans le même secteur.

Appelés par le centre de recherche d’aéronefs suite au crash d’un hélicoptère privé, nous nous rendons dans les Hautes-Alpes pour effectuer une reconnaissance. Mais, pratiquement sur zone, il nous est demandé de faire demi-tour prétextant que l’intervention serait assurée par un hélicoptère PUMA de l’armée de l’air déjà sur place.

Francis Delafosse en équipage avec Vincent Saffioti - Photo André FatrasCependant, le lendemain, nous sommes appelés à nouveau car l’appareil crashé a en effet été localisé, mais aucun corps ne se trouvait à proximité. Par conséquent, notre équipe de sauveteurs spécialisés en montagne est demandée pour intervenir dans ce secteur enneigé. Arrivés sur place et observant l’épave avec un certain recul, le Pilote Vincent Saffioti et moi-même échangeons nos avis sur la conduite que nous aurions adoptée dans un tel accident. Un seul trajet nous paraît envisageable pour un éventuel rescapé, mais la chute de neige récente empêche tout suivi de traces. Nous décidons de déposer nos sauveteurs dans un secteur judicieux, le souffle du rotor dégage la neige et, à notre stupéfaction, le corps du pilote de l’hélicoptère accidenté apparaît là, juste devant nous.

Avec l’arrivée du téléphone portable, beaucoup se sentent davantage en sécurité et évitent de prendre les dispositions sécuritaires habituelles. C’est une grosse erreur, car l’appareil peut, ne pas être suffisamment performant en fonction de son lieu d’utilisation, il peut se briser ou se perdre dans une chute, mais bien évidemment, quand il demeure fonctionnel, cela facilite au maximum le travail des secouristes.

Il est à noter qu’en France les hélicoptères de l’Etat (Sécurité civile et Gendarmerie) ne facturent pas les heures de vol, quelquefois nombreuses en fonction des recherches. On comprend aisément que le déclenchement d’une alerte ne peut se faire qu’après un minimum d’enquête par les services compétents. Malgré tout, des déclenchements intempestifs ou infondés sont toujours possibles.

Mission de recherche du côté de l'Île Chausey depuis l'Alouette II - Photo collection Francis DelafosseEn 1975, à Granville, nous sommes appelés pour une recherche en haute mer. A peine avions-nous décollé que nous apercevons ce bateau soi-disant disparu à l’entrée du port.

Il n’est pas rare qu’alertés, nous sommes prévenus peu après que la personne recherchée est déjà rentrée à son hôtel ou a été aperçue… au bistrot du coin.

Décollant de Grenoble à la demande du Maire d’une petite commune de Savoie nous signalant des signaux lumineux dans la montagne. Il s’est avéré que ceux-ci étaient provoqués par un morceau de miroir scellé sur un rocher, où était gravé le nom d’une personne décédée plusieurs années auparavant.

Dans une ferme isolée de la région du Pas-de-Calais, un enfant de trois ans porté disparu depuis plusieurs heures était en fait… juste sous nos pieds ! Nous venons de terminer la reconnaissance aérienne tout autour de la propriété de ses parents, mais sans succès. En faisant le point avec le responsable local des Sapeurs-pompiers dans la cour de la ferme, celui-ci demande au père de l’enfant à quoi correspond la plaque de tôle près de laquelle nous étions. Il nous répond qu’il vient justement de la remettre en place par soucis de sécurité car il s’agit de la citerne, réserve d’eau de pluie qu’il a utilisée dans le courant de la matinée.

Retour après recherche cynophile - Photo DRRelevée par acquit de conscience, nous apercevons aussitôt les cheveux de l’enfant affleurer la surface... La grand-mère, ayant entendu que celui-ci venait d’être retrouvé, accourt joyeusement, récupère le corps de l’enfant et l’emmène dans la maison en nous promettant d’en prendre bien soin et en nous remerciant chaleureusement. Décontenancés, nous avons lâchement laissé au jeune médecin présent, le soin de lui annoncer, que si elle s’imaginait le voir endormi paisiblement, c’était dorénavant son tout dernier sommeil.

Bien évidemment, il arrive très souvent de retrouver les personnes disparues décédées. En montagne, il n’est pas rare de décoller sachant que c’est précisément dans cet état que nous allons retrouver nos victimes. Cependant devant l’importance que représente le fait de ramener aux familles de quoi faciliter leur travail de deuil, nous faisons notre maximum pour répondre aux demandes, ce qui leur permettra d’entamer les démarches administratives, comme la reconnaissance officielle du décès au regard des assurances et les problèmes de succession.

Dans les années 90, à Chamonix, le corps d’un alpiniste, coincé au niveau des jambes par une chute de pierres, fut, faute de pouvoir être dégagé, découpé chirurgicalement au niveau du tronc à la demande de la famille.

Suite à un accident, mais pour diverses raisons, le corps redescendu dans la vallée n’était pas celui qu’attendaient les proches.

En survolant les glaciers, il arrive parfois de découvrir sans le vouloir des corps ou des parties de corps, plus ou moins bien conservés, obligeant les autorités à effectuer des recherches pour retrouver les identités, même après de très nombreuses années.

Recherche dans le massif des Ecrins - Photo DRToujours dans la Vallée Blanche du Massif Chamoniard, après trois jours de neige et de mauvais temps, nous pouvons enfin décoller pour porter secours à un jeune alpiniste tombé dans une crevasse. Mais, vu les circonstances, rien ne presse et nous décollons tranquillement avec une équipe de sauveteurs munie de pelles. Persuadés de retrouver son corps sous l’épaisse couche de neige, les sauveteurs entendent une voix sortir des profondeurs. C’est la stupéfaction, le jeune garçon avait survécu dans une cavité naturelle de la crevasse. Quelle ne fut pas sa joie de téléphoner dans son pays natal, la Hollande, et d’annoncer la bonne nouvelle à ses parents restés là-bas dans l’attente et le désespoir. Cependant, nous apprendrons qu’il trouvera la mort six mois plus tard dans une avalanche.

Dans le Massif de Belledonne, un garçon d’une dizaine d’années demande à un homme dont l’épouse décédée vient d’être retrouvée après une mauvaise chute au cours d’une randonnée familiale. « Papa, qu’est ce qu’on fait de son sac ? ». « Son sac ?, et ben tiens, voilà ce que j’en fais de ses affaires » répond le père en les jetant avec colère, « elle n’en aura plus besoin… ». Puis s’adressant sèchement à l’enfant au regard stupéfait, « Tu n’avais plus de parents ? Nous t’avions adopté ? Et bien voilà, maintenant, une fois encore, tu n’as plus de mère… ».

Recherche d'un marin-pêcheur avec l'Alouette II de la base de Granville - Photo Francis DelafosseAprès avoir recherché longuement un marin-pêcheur tombé de son chalutier au large des Îles Chausey, son corps fut enfin retrouvé mais coincé au fond de l’eau depuis des heures… dans son propre filet.

En décembre 1995, toute une classe de jeunes enfants en sortie scolaire au bord de la rivière du Drac près de Grenoble, s’éparpille çà et là pour observer les ébats de quelques castors.
Quelques temps plus tard, un promeneur passant sur le pont s’étonne d’apercevoir au loin un groupe d’enfants agglutinés sur un banc de sable, au milieu de la rivière et donne l’alerte. Nous décollons immédiatement de la Base et prenons à bord un jeune plongeur-sauveteur des Sapeurs-pompiers.
Arrivés à la verticale du groupe, le sauveteur est déposé au sol par treuillage et je me prépare à réceptionner de la sorte tout d’abord les enfants accrochés un par un à la sangle. Mais c’est une grande personne qu’il attache en premier, l’institutrice semble-t-il. Elle demeurait accroupie, immobile au milieu de ses élèves blottis autour d’elle. Je remonte mon câble et je lui fais prendre place à bord. Elle semble complètement absente, incapable de prononcer le moindre mot. La peur, l’émotion peut-être, cela me semble quand même un peu bizarre.

L'Alouette III F-ZBAH en mission de recherche lors du drame du Drac en décembre 1995 - Photo France 3Tous les enfants sont ainsi récupérés et déposés auprès des nombreux véhicules de secours arrivés sur les lieux.

Notre mission terminée, nous discutons encore un peu avec les sauveteurs présents, dans le but d’analyser les circonstances de l’évènement, avant de redécoller en voyant la nuit tomber. Soudain l’une des fillettes secourues m’interpelle timidement : « Monsieur… Vous n’allez pas chercher ceux qui sont dans l’eau ? ». Abasourdi par cette déclaration, j’en informe aussitôt mon collègue Thomas Schaller et les autorités présentes, en courant droit en direction de notre Alouette. Aucune personne n’ayant pu nous renseigner, nous ignorons toujours le nombre exact d’élèves présents dans la classe ce jour-là, mais qu’importe, il faut fouiller cette rivière et ses abords le plus rapidement possible, il y a peut-être encore des survivants.

Notre espoir est vite anéanti, un corps d’enfant flottant est retrouvé, puis un deuxième puis un autre que le courant retire peu à peu des bras de l’adulte accompagnatrice, elle aussi en état de mort apparente... La situation est ahurissante, mais combien y en a-t-il encore ? Nous fouillons partout et nous apercevons in extremis la ligne à haute tension juste devant nous. Il ne manquerait que nous rajoutions un drame à celui qui se vit déjà.

Les moyens de secours au sol - Photo France 3Dans les ambulances, pompiers et médecins tentent de ranimer les victimes que nous leur amenons, mais aucune ne survira... Le lendemain, trois autres enfants seront retrouvés au fond de l’eau par les plongeurs.

Ce drame a été provoqué par un lâcher d’eau en provenance de l’usine EDF placée en amont. Il fut vécu très difficilement par tous, jetant le malheur dans beaucoup de foyers et de l’indignation dans toute la région.

De nos jours, à bord d’hélicoptères plus modernes dont l’EC 145, toutes les missions de recherche peuvent se trouver facilitées par l’arrivée de certaines technologies nouvelles (radars, caméras, lunettes infrarouge, téléphone portable, ordinateur de bord) et, en désespoir de cause, les services officiels acceptent toujours l’assistance de radiesthésistes quand les familles en font la demande.
Francis devant l'EC 145 Dragon 38 de la Sécurité civile base du Versoud (38) - Photo collection F. DelafosseNéanmoins, l’observation purement visuelle effectuée par les équipages héliportés restera toujours prépondérante, à condition que cela soit effectué en bonne intelligence. Ils doivent rester convaincus du bien-fondé de leur mission, grâce à leur détermination et leur professionnalisme. Ceci pour assurer au mieux la sauvegarde des personnes portées disparues pendant ces courtes périodes de survie où tout est encore possible…

« Il n’y a que la foi qui sauve ».

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MAJ 05-06-2021
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Vos commentaires

  • Le 19 novembre 2013 à 09:36, par Chris En réponse à : L’Alouette Sécurité civile en missions de recherche

    Superbe article, Francis !
    Que de souvenirs ; tu as une vie bien remplie. On sent que le livre n’est pas loin. Bravo à toi.
    Amitiés
    Jean-Marie

    Répondre à ce message

  • Le 23 novembre 2013 à 18:04, par Chris En réponse à : L’Alouette Sécurité civile en missions de recherche

    Encore un très bel article de souvenirs où l’émotion plane et particulièrement en regard de la réaction de ce randonneur dont l’épouse vient hélas de décéder et qui reporte son désespoir intense sur son fils adoptif, le rendant presque responsable de la tragédie, laissant le pauvre gamin stupéfait voir sidéré !

    Ce drame appelle une réaction de ma part, c’est qu’il faut essayer en toutes circonstances de garder sa dignité et si possible dans les heures moins tragiques, ne pas perdre la face en gardant constante sa joie de vivre, voir son humeur positive, affichant ainsi un pied de nez "Politesse faite dans la vie à la garce qu’est l’adversité".

    Répondre à ce message

    • Le 24 novembre 2013 à 11:52, par Chris En réponse à : L’Alouette Sécurité civile en missions de recherche

      Merci cher Marc pour ce témoignage.
      Dommage que nous ne soyons pas un peu plus nombreux pour témoigner de la sorte sur le vécu de cette profession qui, en ce qui nous concerne, nous a tant apporté.
      Et pourtant, quel bonheur que celui de pouvoir "partager".
      Te sachant pleinement investi aujourd’hui dans le "milieu humanitaire", ce n’est pas toi qui me contredira.
      Amicalement.
      Francis

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      • Le 9 décembre 2013 à 18:04, par Chris En réponse à : L’Alouette Sécurité civile en missions de recherche

        Bravo Francis, je reconnais en toi le compagnon de travail appliqué et consciencieux qui nous a permis de retrouver bien des égarés ou de rendre à leur famille des corps qui n’avaient de place qu’auprès des leurs...
        C’est bien cette symbiose d’équipage et cet entêtement qui nous a permis de réussir, même si parfois la fatigue nous gagnait... c’est toujours "la foi de la réussite" qui l’emportait.
        Vincent

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  • Le 21 janvier 2014 à 18:15, par Chris En réponse à : L’Alouette Sécurité civile en missions de recherche

    J’ai retrouvé dans mes archives, un exemplaire de ces petits billets écrits et jetés au vent par une jeune personne ayant chuté dans un ravin et se retrouvant gravement blessée puis complètement désespérée de pouvoir être secourue à temps.

    Elle était partie deux jours plus tôt en randonnée seule comme elle aimait le faire mais sans vraiment préciser son itinéraire. Alerté par ses proches, le PGHM de Grenoble nous demande d’effectuer la recherche sans aucune précision. Le secteur désigné est vaste et la forêt très dense ; nos chances de la retrouver nous paraissent bien minimes.

    En vol, la radio nous informe qu’une patrouille à pied a retrouvé sa voiture dans une clairière. Ce précieux renseignement nous redonne pleine confiance. Après plusieurs minutes de survol, le regard plongé en direction des endroits les plus dangereux, j’aperçois soudain une vague couleur bleue. Je demande au Pilote, Alain Franjou, de faire demi-tour espérant ne pas tomber sur l’un de ces fameux sacs-poubelle qui polluent la nature.
    Une mise en stationnaire de notre appareil au plus près ne nous donne aucune certitude. Il semblerait cependant que nous ayons à faire à un sac de couchage, mais rien ne bouge... Pour en avoir le cœur net, nous déposons par treuillage notre sauveteur, il pose les pieds au sol, se détache du câble et découvre à l’intérieur notre victime à demi-inconsciente, mais bien vivante.

    En hypothermie, une fracture ouverte à la jambe et l’épaule cassée, la jeune femme de 35 ans, médecin psychologue à Chambéry sera conditionnée dans la civière puis hélitreuillée pour être acheminée rapidement sur l’hôpital.

    Les petits papiers griffonnés sensés lui amener de l’aide par hélicoptère ne serviront pas, mais son souhait le plus cher au plus profond de son désespoir aura malgré tout été réalisé...

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