René Mouille : du génie à l’excellence

Publication : 30/03/2011 Auteur(s) : Daniel

Cet ingénieur français né en 1924 dans le Nord, est directement issu de l’ICAM (Institut Catholique des Arts et Métiers de Lille, et de l’ESTAé (Ecole Supérieure de Travaux Aéronautiques de Paris). René Mouille à son bureau en mars 2011 - Photo © Daniel Liron En 1945, il en sort ingénieur, et un an plus tard il effectuera un stage de fin d’études à l’usine SNCASO d’Argenteuil où il va se passionner pour une technologie nouvelle qui fait ses premiers pas : l’hélicoptère. Elle commence à peine à évoluer et peut encore offrir de nombreuses possibilités d’amélioration, ce qui permet à René Mouille de s’investir totalement dans cette voie grâce à son esprit créatif et son intérêt pour cette formule toute nouvelle.

DÉBUT DE CARRIÈRE
Dès 1945 il rejoint la SNCASE et travaille avec l’ingénieur Renoux sur le programme de l’autogire SE 700 et notamment au problème de refroidissement de son moteur Béarn à pistons. Ensuite, dès 1947, c’est sur le SE 3000 et le SE 3101 qu’il œuvrera sur la partie « rotors » et ensembles mécaniques des deux machines (notamment le gyro-stabilisateur du 3101). René Mouille, Charles Marchetti et Jean Boulet aux commandes du SE 3130 en mars 1955 - Photo collection D. LironOn lui doit notamment – entre autres – la naissance des Alouette 1 et 2, l’Alouette 2 étant comme on le sait le premier hélicoptère français doté d’une turbine. Il participera activement à la préparation du record en circuit fermé de Jean Boulet sur l’Alouette 1 en tant qu’ingénieur d’essais et d’études. En 1954, il devient responsable des programmes d’essais et d’études des Alouette 2 et 3, puis du fameux Frelon sur lequel il a essuyé tous les « plâtres » possibles, tant la machine était capricieuse. C’est d’ailleurs grâce à tous les ennuis subis par le Frelon que le Super-Frelon a été réussi car on avait appris avec son prédécesseur tout ce qui ne fallait pas faire sur un hélicoptère de gros tonnage. Rene Mouille avec l'équipe du record d'altitude du Lama F-BPXS, 12442 m le 21 juin 1972 - Photo © Aerospatiale René Mouille a imaginé pour le Frelon 02 un rotor de queue à 5 pales (de type Sikorsky) adapté ensuite sur le Super-Frelon et le Puma. En 1963, il est nommé responsable du programme Puma dont il va suivre le développement jusqu’à la certification.

LES INNOVATIONS
A partir de la Gazelle, il commence à déposer des brevets dont notamment celui du fameux moyeu NAT (Non Articulé en Traînée) avec amortisseurs visco-élastiques.
Et c’est en 1966 qu’il créée le célèbre « © Fenestron », qui fera le succès d’une partie de la gamme de la société. – NOTA : Ce procédé maintenant passé dans le domaine public a été maintes fois imité par les constructeurs concurrents, mais jamais égalé – Cette invention révolutionnaire va sécuriser les appareils tout en gagnant en simplicité mécanique. René Mouille et Jean Boulet à Marignane en 1995 - Photo © Eurocopter De ce fait, les révisions ne sont plus systématiques au nombre d’heures de vol mais selon leur état visuel.
Pour abréger, on doit à René Mouille plusieurs brevets de rotors actuels dont le Starflex qui diminue le nombre de pièces du moyeu rotor principal à 70, au lieu de 377 que comportait un moyeu de type Alouette (simplification et maintenance allégée). Il a inventé aussi le système de suspension SARIB (Suspension Antivibratoire à Résonateur Intégré et à Barres) qui entraîne la l’élimination des résonances et des vibrations intempestives inhérentes à ce type d’aéronef.

Il a été l’instigateur de l’utilisation de matériaux composites même pour les rotors (Starflex) ce qui a permis un allègement conséquent des appareils. Le devis de masse a toujours été pour René Mouille un cheval de bataille. Le Dauphin DGV du record de vitesse doté d'un rotor Sphériflex (372 km/h le 19 novembre 1991) - Photo collection D. LironComme on le sait, le poids sur un hélicoptère est un obstacle à ses performances, plus difficile à réduire que sur un avion.
Il a été aussi le premier à étudier et à réaliser des pales en stratifié verre/résine qui leur ont donné une résistance à toute épreuve tout en étant plus légères. Cela a également permis de diminuer l’épaisseur relative tout en augmentant d’une part la souplesse et d’autre part la rigidité. D’autre part, les avantages liés à la rigidité sur les axes relatifs ont permis une augmentation de la vitesse de 10%, argument non négligeable tant sur le plan technologique que commercial.

René Mouille, le « Monsieur Hélicoptère » français, a toujours été très sollicité pour ses conseils avisés dans le monde de la giraviation, et c’est bien grâce à lui et à son équipe que les hélicoptères actuels ont atteint un tel degré de sécurité et de confort tant envié par nos concurrents étrangers. En juin 1995 à Marignane avec de gauche à droite : Jean Boulet, Michel Drucker et René Mouille - Photo © Eurocopter Ses inventions sont souvent copiées et imitées, mais n’est-ce pas là la rançon d’une évidente réussite ?
René Mouille est impliqué dans le succès et les records des nombreux appareils dont il s’est occupé à partir de la première Alouette, ainsi que de la réussite totale du trimoteur Super-Frelon, du succès incontesté du Puma, de la Gazelle, du Dauphin pour en terminer avec les Écureuil et le Super-Puma.

SES PRINCIPAUX BREVETS
Détail STARFLEX Ecureuil - Document © Aerospatiale(durant son activité)
• Rotor de queue caréné « Fenestron » (Mouille,Tresch, Mao) 1966
• BTP Super Frelon (Mouille,Tresch) 1966
• Fenestron-Hélice pour combiné (Mouille, Bouquardez) 1966
• Moyeu MIR (Moyeu Intégré Rigide) (Mouille) 1968 - tiré du Bolkow 105 -
• Moyeu NAT (Non Articulé en Trainée) (Mouille) 1969 Gazelle
• Moyeux BIFLEX et TRIFLEX (Mouille) 1977 essayé sur Gazelle
• Moyeu STARFLEX composite 1973 (Mouille, Coffy, Hancart et Mao) Écureuil, Dauphin, EC130
• Moyeu SPHERIFLEX (principal & anticouple) (Mouille) 1978 Dauphin, Super-Puma, EC120, NH-90
• Rotor de queue à lame articulée (Mouille) 1975 Écureuil
Détail du Fenestron - Document © Aerospatiale• Moyeu BMR sans articulation (Mouille) 1977 EC-135/635
• Suspension SARIB 1 (Mouille, Genoux, Hagé) 1980 Tigre
• Suspension SARIB 2 à diaphragme (Mouille) 1981 Tigre, NH-90
• Moyeu Rotor de queue Sphériflex (Mouille) 1985 Tigre

Pour ne citer que les principaux sur la quarantaine qu’il a réalisée …

En retraite depuis 1988, René Mouille n’a pas abandonné son métier et sa passion puisqu’il a continué à déposer une dizaine de brevets d’invention bien après sa cessation officielle d’activité.

(Après sa retraite)
Nouveaux brevets de moyeux SPHERIFLEX et suspensions diverses, déposés de 1990 à 1997.

SES DISTINCTIONS

France
Jacqueline et Rene Mouille, le 19 mars 2011 avant la médaille d'Or des Vieilles Tiges - Photo © Daniel Liron• 1964 Médaille de l’Aéronautique
• 1978 Chevalier de l’Ordre Nationale du Mérite
• 1982 Médaille d’argent de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale
• 1987 Grand prix de l’AAAF (Association Aéronautique et Astronautique de France)
• 1989 Chevalier de la Légion d’Honneur
• 2011 Médaille d’Or des Vieilles Tiges

Grande-Bretagne
• 1977 Trophée Bréguet « Sir Richard Fairey » remis par le prince Charles d’Angleterre au Royal Aéro-club de Londres.

Etats-Unis
• 1975 Honorary Fellowship (pour l’invention du Fenestron)
• 1977 Ingénieur de l’année décerné par Aviation-Week
• 1978 Alexander Klemin Award par l’HAS (American Helicopter Society)
• 1984 Ingénieur de l’année décerné par Aviation-Week
• 1987 Nikolsky Lecture Certificate (AHS)

René Mouille et l'auteur Daniel Liron, récemment - Photo collection D. LironRené Mouille est aussi Membre émérite de l’AAAF, Membre d’honneur de l’AHS et Membre correspondant de l’ANAE (Académie Nationale de l’Air et de l’Espace)

En conclusion, on peut dire que toutes les inventions de René Mouille et ses collaborateurs ont été innovantes et efficientes. La preuve en est de constater qu’elles équipent toujours les hélicoptères d’aujourd’hui dernière génération et que les constructeurs étrangers qui les ont adoptés sur leurs appareils ne peuvent que se louer de la France qui a su, en son temps, être à l’avant-garde de l’essor technologique complexe que requiert le vol vertical.

Je remercie René Mouille et son épouse ainsi que Sébastien Mouille et Gérard Henry pour leur aide.

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