« Allô Alain, on a besoin de toi… »

Publication : 23/04/2009 Auteur(s) : Alain

Alain Franjou aux commandes de l'Alouette 3Un soir de décembre, 22h15, le téléphone sonne : un sauveteur du secours en montagne me demande d’intervenir pour un surfeur de quinze ans. Blessé, il vient d’être localisé sur le glacier de la Lauze, vers 3 300 mètres, par les pisteurs des Deux Alpes. Ce secteur est inaccessible à pied. Sur place, il fait -10°C. Si nous n’intervenons pas ses chances de survie sont minces. Malgré un ciel peu engageant, j’appelle le mécanicien de permanence et lui donne rendez-vous à la base avec un sauveteur. Sur la route qui me conduit au Versoud, je revois les années passées. Je suis né loin des montagnes, dans un pays où les nuages font des manteaux aux pointes des cathédrales et où le bleu brille plus souvent dans les yeux des enfants que sur l’horizon.

Attiré par l’aviation, je m’engage dans l’Aviation Légère de l’Armée de Terre en 1972, à l’âge de 21 ans. Affecté à la base ALAT du Versoud, je découvre avec passion le secours en montagne.
Dès 1977, je quitte L’ALAT pour la Gendarmerie afin de rester en montagne. Après trois ans de « purgatoire » à Villacoublay, je rejoins enfin Briançon. Pendant neuf ans, je vais sillonner les cimes et les glaces des Écrins. Je ne compte plus les alpinistes et les randonneurs que j’ai arrachés à leurs froides emprises.
La vénérable Alouette 3 - Photo © Christophe GothiéEn 1989, j’inaugure et je prends la tête de la nouvelle base Gendarmerie de Modane.
1991 : la Sécurité civile cherche des pilotes montagne. Je ne peux manquer cette occasion de revenir aux Écrins. Depuis, je poursuis ma carrière à la base hélicoptère Sécurité Civile de Grenoble. Aujourd’hui, j’ai 51 ans, trente ans de pilotage derrière moi, plus de 7 000 heures de vol à mon actif pour à peu près autant de secourus et la passion ne s’est toujours pas émoussée.

22h54 : nous décollons du Versoud, direction : Les Deux Alpes.
Sur place, deux dameuses de la station nous désignent, à l’aide du faisceau de leurs phares, la direction des appels au secours. Dans cette zone enclavée entre deux parois rocheuses, le glacier est très sombre. Dans le faisceau du phare de l’Alouette III, nous trouvons la trace du surfeur. Les arabesques de ce mince fil d’Ariane nous conduisent vers une barre rocheuse ; au pied : un impact, puis des traces de pas. La piste nous mène vers les rochers où le blessé s’est réfugié. Impossible de se poser à cause de la poudreuse que nous soulevons en nuages denses. Quelques treuillages plus tard, la victime est à bord. Déjà en hypothermie, l’adolescent souffre d’un pneumothorax, d’un bras cassé et de contusions multiples.
La relève avec l'EC145 - Photo © Christophe GothiéNous l’évacuons rapidement vers l’hôpital de Grenoble où des mains habiles lui prodigueront les meilleurs soins.

A minuit, nous nous posons à la base, dans le silence brusquement retrouvé. La mission accomplie, je me sens le cœur léger.

Cliquez ici pour lire "Retraite professionnelle" par Marc Lafond.

Vos commentaires

  • Le 23 avril 2009 à 08:19, par Chris En réponse à : « Allo Alain, on a besoin de toi… »

    Merci, Alain d’avoir partagé avec nous une de tes nombreuses missions.

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    • Le 13 juillet 2012 à 11:37, par Chris En réponse à : « Allo Alain, on a besoin de toi… »

      On est passé dans les mêmes maîtres qui nous ont montré comment se servir d’un hélico en montagne : l’Empereur, Berthier, Bill Chalard,…
      Merci à eux !
      Salut à toi Alain.
      Un vieux « con » de bleu…

      Edit :
      On a tous fait le même circuit ou presque : DAX et puis les unités et puis à chercher à se recaser dans le civil qui à la Sécu, qui en samu, qui dans l’off-shore, levage, etc... Le principal, c’était de faire ce que l’on avait appris pendant des années à faire : piloter des hélicos ! Personnellement, le hasard a fait que j’ai eu a exercer dans les hélicos blancs Samu et j’ai été surpris par l’attitude de gens et la bassesse dans l’attitude de bons nombres... Pour être reconnu par les petits patrons, certains auraient crucifiés père et mère… J’ai découvert une mentalité que je ne connaissais pas dans l’Armée…
      La bassesse à l’état pur !

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  • Le 10 avril 2013 à 22:16, par Chris En réponse à : Salut "Polo" ....

    Tu te souviens, on a bossé dans ces montagnes, j’ai conservé des photos de moments partagés dans le boulot... entre autre la machine posée sur la route du Lautaret pendant que tu attendais de charger et de partir sur le CH... et tous les autres moments que je n’aurais pas le temps d’énumérer. Tu es parti sur le Versoud, on ne s’est plus revus mais je conserve un formidable souvenir.
    Je suis heureux de t’avoir connu... je n’ai pas oublié et ne suis pas le seul...
    Je te souhaite bonne chance par ce moyen n’ayant pas la possibilité de te rencontrer.

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  • Le 6 novembre 2013 à 20:50, par Chris En réponse à : « Allô Alain, on a besoin de toi… »

    Salut Alain,
    Quelle surprise, heureuse surprise, je ne maitrise pas bien cet engin, mais là, je m’applique !
    Que de souvenirs avec ta gentillesse, ta disponibilité, et tout et tout, je ne sais pas quoi dire, il y en aurait tellement,
    Briançon a été pour moi quelque chose d’énorme, et en plus je t’ai connu ! la cerise sur le gâteau.
    J’ai quitté le Détachement secours Crs de Briançon pour aller au Cneas à Chamonix, près de chez moi, 10 ans sympa. J’ai toujours le cul sur la moto, bien que l’arthrose me rappelle à l’ordre, et puis la retraite se passe pas trop mal, j’ai des chevaux qui m’occupent bien mais je ne monte plus, place aux jeunes.
    Encore merci pour ces beaux secours que tu as nous permis de réaliser !
    René le Guen dit " le coin"

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