Guerre d’Indochine : Valérie André, pionnière des EVASAN héliportées

mercredi 29 novembre 2023

21 septembre 1951, en Corée, les Américains réalisent une première mondiale lors de l’opération Summit : l’héliportage tactique d’une unité de combat. Ce jour-là, la 1re division de marines doit relever la 8e division sud-coréenne et tenir un front plus étendu de 9 km. Comme en Indochine, le terrain est extrêmement difficile, très accidenté, et il se trouve constamment sous le feu de l’ennemi. La cote 884, un pic rocheux hérissé d’énormes blocs aux arêtes vives, n’a pu être atteinte par les Sud-Coréens qu’au haut bout de neuf jours de marche harassante. Pour gagner du temps, l’état-major américain décide de déposer ses hommes directement sur le sommet au moyen des hélicoptères arrivés à Fusan vingt jours plus tôt, les quinze Sikorsky HRS de l’escadrille HMR GI du colonel Herring. Après reconnaissance du Sommet, deux points de poser possibles sont identifiés. Deux équipes y sont déposées et les aménagent en moins de deux heures pour permettre aux hélicoptères de s’y poser.

L’hélitransport débute aussitôt. En quatre heures seulement, 224 marines sont transportés sur la cote 884, avec 8 tonnes de vivres, d’armes et de munitions, tandis que les Coréens qui tenaient la position sont évacués lors des voyages retour. Ces quatre heures viennent de remplacer neuf jours d’efforts surhumains fournis par des montagnards coréens entraînés ! Le général Thomas, commandant la 1re division de marines, déclare avec enthousiasme : « Summit , la première opération tactique de l’histoire d’une unité transportée par hélicoptère, s’est déroulée avec un succès qui dépasse toutes nos espérances. À tous ceux qui y ont pris part, je dis bien joué ! »

De son côté, le général Sheperd, de l’USMC, télégraphie à Washington : « Aucun effort ne doit être épargné pour avoir tout de suite des hélicoptères, des hélicoptères de n’importe quelle conception, sur le théâtre d’opérations et avec une priorité absolue. »

La voie est désormais tracée. Malheureusement, les Français ne pourront jamais la suivre en Indochine, par manque flagrant de matériel : une seule opération similaire d’hélitransport sera réalisée à la fin de la guerre par le commandant du Puy-Montbrun, de l’armée de Terre.

Que possède en effet le corps expéditionnaire français pour mener en Extrême-Orient son interminable guerre ? Dans son-livre Aviation Indochine, le général Chassin écrivit : « L’armée de l’air se trouvait dans l’impossibilité de consacrer le moindre sou à leur achat ! »

Au début, les rares appareils en service ont été offert aux « soldats de la boue » grâce à des souscriptions. Avec ces précieux engins, les premiers pilotes font des prodiges, en particulier le capitaine Santini, de l’armée de l’Air, et le médecin Valérie André.

Le contre-amiral Jubelin interrogera un jour le capitaine Santini sur les nombreux exploits qui ont fait sa réputation, notamment ses EVASAN (évacuation sanitaire) audacieuses :

— Avez-vous rencontré des conditions atmosphériques qui vous interdisaient de voler ?

— Je ne m’en souviens pas.

Pour qui connaît un peu le Sud-Est asiatique, ses moussons et ses typhons, ces mots reflètent tout le courage qui permit à ces hommes de réussir des missions humanitaires au visage nouveau : l’évacuation rapide de blessés par voie aérienne.

Au combat, le ramassage des blessés n’est pas un problème primordial, les brancardiers ne manquent jamais. Mais que vont devenir les abdomens perforés, les thorax ouverts, les membres fracassés ? En Indochine, parmi tous les problèmes sanitaires, celui des évacuations s’est toujours montré un des plus difficiles à résoudre.

Jusqu’en 1950, le brancardage restera la seule manière de transporter des blessés vers le poste de secours de l’unité ou le point d’embarquement des véhicules sanitaires ou des engins fluviaux. Cependant, la manœuvre est exténuante pour des porteurs qui marchent péniblement à travers la jungle ou dans des rizières inondées. Le hamac et le filet de pêcheur attaché sur un bambou seront souvent adoptés. Mission difficile, longue et parfois périlleuse : l’évacuation d’un seul blessé, à Tach Gia, en août 1948, causera la perte de 56 hommes et de 4 officiers.

L’hélicoptère incarne l’espérance de la survie pour les blessés du corps expéditionnaire français
Les perfectionnements constants des moyens, et principalement l’apparition des premiers hélicoptères, vont cependant permettre de gagner cette véritable course contre la montre que constitue toute évacuation dans une guerre de brousse.

Dès le début de l’année 1947, le service de santé en Indochine se préoccupe vivement de l’acquisition d’hélicoptères. Cependant, le 21 janvier 1949, le ministre de la Défense nationale fait connaître que la réduction des crédits de l’armée de l’Air ne permet pas l’achat d’hélicoptères sanitaires. On suggère alors que le haut-commissariat de France achète aux États-Unis un ou deux de ses appareils. Deux Hiller 360 sont ainsi payés sur le budget extraordinaire de la santé publique. Ils arrivent le 7 avril 1950 à Saigon. Le lieutenant Santini et le sergent-chef Bellouard, de l’armée de l’Air, commencent aussitôt le rodage.

La première évacuation sanitaire par hélicoptère est effectuée le 16 mai 1950. Alerté à 18 heures, et malgré le mauvais temps, le pilote accomplit sa mission en deux heures. Les deux blessés de l’opération Joachim arrivent à 20 heures à l’aérodrome de Saigon.

Tous les rapports des commandants d’unité font état du retentissement considérable qu’aura sur le moral des combattants l’apparition de l’hélicoptère dans le ciel d’Indochine. Chacun croira que cette nouvelle ambulance volante sera présente partout pour sauver chaque vie. Hélas ! Par note n° 4939 FAEO/4/D du 16 juin 1950, il est malheureusement précisé que les deux Hiller 360 ne seront employés qu’en Cochinchine, dans le Sud-Annam et au Cambodge. En raison de leur prix de revient élevé, de leur fonctionnement délicat et de leur usure rapide, ils devront être considérés « uniquement comme moyen de sauvetage » de certains blessés graves et non comme un moyen d’évacuation courant. En France, pendant ce temps-là, des hélicoptères voient chaque jour pour vanter dans le ciel une célèbre marque de chaussettes, mais ce n’est pas la mobilisation générale. On mourra donc encore beaucoup jusqu’à la fin de la guerre d’Indochine.

Jusqu’à la fin de l’année 1952, l’équipement du théâtre d’opérations en hélicoptères ne fait l’objet d’aucun plan, Alors, la solidarité joue : au début de 1953, par exemple, un appareil, le Ville de Bordeaux, est offert par la section de Gironde des anciens du corps expéditionnaire.

Enfin, à Noël 1952, une mission française part de Saigon pour la Corée. Elle est composée du commandant Brillaut, chef de la base aérienne de Vientiane, du capitaine Tarride, membre de l’ALAT et parachutiste d’essai, du capitaine Mayer et d’un autre officier, le capitaine Martin, dit Mimile, officier mécanicien de l’armée de l’Air. Cette délégation devra observer les possibilités des matériels américains sur le terrain en vue d’achats pour l’Indochine. Il n’est jamais trop tard.

Après un séjour à Séoul et à Panmunjom, c’est la visite du front, puis une démonstration des marines, qui effectuent un hélitransport de matériels divers et de commandos par H-19. À la suite de cette mission, l’armée de l’Air achètera 12 appareils dont les derniers modèles arriveront en caisse à Saigon.

Deux H-19 sont affectés au GATAC Nord (groupement aérien tactique), à Gia Lam, et entrent aussitôt en service. Premier crash, l’appareil du capitaine Pillivuyt, victime d’une panne hydraulique, s’écrase sur des bambous géants. Un peu plus tard, le capitaine Martin reçoit un coup de téléphone :

— Martin, vous allez louer un éléphant et ramener les pièces de ce piège afin de savoir ce qui s’est passé !

Mimile débarque à Lao Bao avec 2 000 piastres, mais il ne trouve pas un seul éléphant à louer. Il part à pied dans la brousse avec une quinzaine de Méos. La première nuit, un courrier arrive. Le message est clair : si les hommes continuent leur chemin, les « macouis » les tueront. Comme il n’est pas question de jouer avec les mauvais esprits, la plupart des Méos rebroussent chemin. En réalité, le plus grand danger vient du fait qu’ils vont devoir traverser la fameuse piste Hô Chi Minh. Pourtant, Mimile continue, retrouve l’épave du H-19 et ramène à dos d’homme la tête du rotor et la boîte de transmission.

Malheureusement, l’avertissement des Viêt sera mis à exécution. Le Phu ban (maire) de Ban Calin, un petit village sur pilotis, sera crucifié huit jours plus tard sur le bord de la piste pour avoir demandé un peu d’essence et parlé aux gens de l’équipe Martin.

Si, en Indochine, la mission des hélicoptères n’a jamais débouché sur une utilisation tactique, le parc des appareils sanitaires a cependant augmenté chaque année jusqu’à la fin de la guerre. Hiller et Sikorsky voient leur nombre s’élever à 21 en 1954, avec un pourcentage d’appareils disponibles de 52 %. À la fin de la campagne, ils auront effectué la 10 290 heures de vol et évacué 11 193 blessés.

Grâce à l’hélicoptère et à l’avion léger, les évacuations pourront être réalisées dans les meilleures conditions, même au cours des opérations du Tonkin, où d’importants effectifs seront engagés. Lors de la prise du village et de la plaine de Diên Biên Phu par les troupes aéroportées, des blessés seront enlevés par des hélicoptères basés à Lai Chau, d’où ils seront ensuite dirigés par avion sur Hanoi. Inversement, peu de temps après, lors de l’évacuation de Lai Chau, les hélicoptères de Diên Biên Phu ramèneront les blessés sur le camp retranché.

Néanmoins, l’avion ou l’hélicoptère, c’est toujours du temps de gagné, parfois une semaine entière. C’est souvent une vie sauvée, malgré les pistes d’atterrissage de fortune et des conditions atmosphériques défavorables. La ténacité et le courage des pilotes remédient à cela. Le soldat des rizières sait qu’ils sont capables de toutes les audaces pour le sauver. Et, très vite, le bruit se répand que l’un d’eux a un visage de femme…

— Êtes-vous volontaire pour être parachutée sur un poste du haut Laos ? demande le médecin-général Robert. Il y a un malade grave qui ne peut être évacué.

— Naturellement, répond vivement Valérie André. Vous savez bien, mon général, que je suis toujours volontaire pour ce genre de mission.

Il n’y a aucune suffisance dans cette réplique, mais simplement un ton qui veut balayer d’un coup tous les doutes. La jeune femme, revenue en Indochine pour un second séjour, se sent plus disponible que jamais. Médecin-capitaine, parachutiste, chirurgien, pilote d’avion, voilà maintenant qu’elle se passionne pour l’hélicoptère ! Le docteur Carayon, qui l’a initiée à la neurochirurgie traumatique à l’hôpital Coste, lui a demandé un jour avec un peu d’ironie :

— Ferez-vous de l’hélicoptère ou de la chirurgie ?

L’aviation et la médecine menées de front sont difficilement compatibles !

Valérie André veut l’ignorer, mais elle sait tout de même que ces deux disciplines demandent un travail intensif et un entraînement permanent. Mais elle tiendra. Malgré les opérations éprouvantes du service sanitaire en campagne, elle fera le poids.

— Go !

Valérie André atterrit en plein centre de la DZ du petit poste de Muong Ngat. À quelques mètres d’elle, un sergent blond la regarde, immobile, les bras ballants. Le lieutenant Faivre, juché sur un maigre poney de montagne, se présente et lance :

— Alors, sergent, qu’est-ce que tu attends pour aider le docteur ?

— Mais, mon lieutenant, j’attendais un type… Mince, c’est une femme…

C’est ce que diront plus d’une fois les soldats des rizières et des pitons, des pistes et des postes isolés, lorsqu’elle se posera auprès d’eux aux commandes de son hélicoptère, malgré les rafales d’armes automatiques ou les obus de mortier.

Thai Binh, 1952. L’opération MERCURE, sous les ordres du général de Linarès, mobilise huit groupements mobiles pour contrecarrer l’action des divisions viets 316 et 320, qui s’infiltrent dans le delta tonkinois.

Le 30 mars, avec son Hiller H-23-1, Valérie André reçoit la mission d’aller chercher des blessés près de la côte. Elle décolle sous un ciel gris. À une dizaine de kilomètres de Thai Binh, des villages flambent. Après vingt minutes de vol, le point marqué sur la carte est atteint. Elle vire, aperçoit une petite fumée, descend. Deux hommes disposent les panneaux de signalisation. Elle se pose. Non loin de là, des mortiers tirent. Des légionnaires rampent vers l’appareil, traînant deux brancards. Le premier blessé présente un gros fracas de la jambe, le second a été touché au ventre. Comme ils n’ont été blessés qu’une heure et demie plus tôt, les délais opératoires seront excellents grâce à cette évacuation rapide.

L’embarquement s’effectue en vitesse, des tirs d’armes diverses crépitent de toute part :

— Les Vièt sont à 800 m au nord-est, lui dit-on.

— Merci.

Valérie André indiquant l'impact de balle - Photo DR collection Valérie AndréValérie André décolle face au vent. Elle n’a pas atteint l’altitude de 100 m que son appareil est touché. S’apprêtant à tout instant à mettre l’hélicoptère en autorotation, elle surveille avec anxiété le tableau de bord. Ses blessés sont calmes.

Plutôt que de pousser jusqu’à l’hôpital de Nam Dinh en prenant des risques supplémentaires, Valérie André décide de déposer ses blessés à l’antenne chirurgicale de Thai Binh. Mais l’appareil tiendra-t-il jusque-là ? Il faudra qu’il tienne. Il tiendra. Il tient. Aussitôt l’appareil posé près de l’antenne, le médecin-commandant Malaspina et le médecin-capitaine Matei s’occupent des deux légionnaires.

Le sergent-chef mécanicien Tessier découvre l’impact d’une balle qui a transpercé la partie droite du fuselage, frôlant le blessé qui se trouvait couché de ce côté-là.

— Il n’y aura pas de problème pour décoller, annonce le mécano.

Elle doit déjà repartir pour retourner sur le lieu même où elle s’est fait toucher…

Tétanisée sur les commandes, elle sait que tout est en train de se jouer
Valérie André décolle. La luminosité diminue : même avec de la chance, elle ne pourra rentrer qu’à la nuit tombante. Le plafond se fait bas. Elle arrive à la verticale du poste. Tout semble calme au sol. Soudain, des explosions de mortier. Elle vire, perçoit des rafales de mitrailleuses. Les Viêt auraient-ils pris la DZ ? Une aire d’atterrissage de remplacement est prévue à 3 km au nord. Comme par hasard, deux Bearcat, guidés par un Morane d’observation, straffent dans cette zone. Un village est en flammes.

Contact pris avec le Morane, l’observateur indique à Valérie André son aire d’atterrissage. C’est un mouchoir de poche. Descente. Vue d’en haut, la DZ ressemble à un entonnoir légèrement évasé vers l’ouest. Le Hiller se faufile par ce goulet. La DZ n’excède pas 3 m sur 3 ! Les panneaux de signalisation n’ont pas été fixés au sol : aspirés par les pales, ils voltigent, et la catastrophe est évitée de justesse. Valérie André saute à terre sans couper le moteur. Une trentaine d’hommes s’abritent derrière un mur. Les Viêt ne doivent pas être loin. Trois jeunes officiers s’approchent.

— Où sont vos blessés ?

— De l’autre côté de la digue. Malheureusement, le tir de l’ennemi la prend en enfilade…

— Bon. Ce n’est pas la peine de risquer encore de la casse avec vos gens. Je passerai par-dessus avec mon ventilateur !

Par radio, un lieutenant demande aux gars qui sont de l’autre côté d’allumer un feu.

— Et surtout qu’ils fixent bien leurs panneaux !

Valérie André décolle. Elle saute une rangée d’arbres et franchit la digue d’un bond. Les tirs viets redoublent d’intensité. La nouvelle DZ offre un dégagement plus large, mais le vent, qui souffle assez fort, n’est pas favorable à un départ sur le côté ouvert. Elle devra faire avec. Sans hésiter, elle se pose vent arrière, avec l’intention de décoller quand même face à la trouée. Un commandant accourt :

— Nous sommes cernés, emportez vite ces blessés !

La compagnie en compte d’autres, mais ils sont moins gravement atteints et pourront passer la nuit sur place. On embarque deux légionnaires touchés au ventre dans les paniers latéraux. Valérie André s’apprête à décoller. Soudain, elle hésite. Pourra-t-elle passer ? Avec un seul blessé, ce serait possible, mais avec deux… Si elle abandonne un homme, il sera perdu, car elle ne pourra venir le rechercher que le lendemain.

Enfin, elle décide de partir quand même avec les deux blessés. Après tout, ce n’est qu’un risque de plus… Le Hiller s’élève de quelques dizaines de centimètres et retombe. Elle tente un, second décollage, se cramponne et parvient à arracher, l’appareil. Mais ce qu’elle craignait arrive : à l’instant où il quitte l’abri des arbres, une bourrasque fouette le Hiller par l’arrière. À l’oreille, elle comprend que le régime baisse. Ses yeux fixent le compte-tours. L’appareil, trop chargé, se traîne au-dessus de la rizière. Malgré la manette des gaz au maximum, l’hélicoptère s’affaisse. Bientôt, il n’est plus qu’à quelques centimètres de l’eau…

« S’il touche, pense Valérie André, il s’alourdira encore et s’enfoncera dans la boue du delta !  »

D’un violent coup de palonnier, elle réussit à faire venir le Hiller dans le vent. Tétanisée sur les commandes, elle sait que tout est en train de se jouer… Et puis, le nombre de tours augmente, l’appareil s’élève lentement, lourdement, comme un gros oiseau fatigué. Le docteur Valérie André commence à respirer et regarde ses blessés : le légionnaire de gauche est tout à fait indifférent, celui de droite semble un peu anxieux. Bientôt, ils seront sur la table d’opération.

Vol entre chien et loup, cap sur l’hôpital de Nam Dinh. Une fois posée, Valérie André examine son appareil : une des pales du rotor présente deux déformations sensibles.

— Vous ne pouvez pas voler comme ça, fait le sergent-chef Tessier, qui lui demande de rendre compte à Hanoi.

Réparé le lendemain par les soins du mécanicien Le Goff, la pale endommagée n’aura pas immobilisé l’appareil plus de 24 heures. Le 1er avril, dès l’aube, Valérie André s’envole de nouveau : Thanh Ne demande une évacuation d’urgence.

La mission continue…

Entre sa première mission, le 16 mars 1952, et son départ d’Indochine en 1953, le capitaine Valérie André aura exécuté 129 vols opérationnels et assuré l’évacuation de 165 blessés vers les postes médicaux ou les hôpitaux les plus proches, souvent sous le feu ennemi.

Le 9 avril. Valérie André reçoit une nouvelle mission :

— Capitaine André, le poste de Hoa Mac demande une évacuation pour un officier vietnamien qui a sauté sur une mine.

— Il est dans le coma ?

— Non, il est mort.

— Mais…

Généralement, on n’évacue pas les cadavres. Mais les soldats de Hoa Mac ont supplié à la radio que l’on vienne chercher le corps de leur lieutenant, car la garnison risque de tomber la nuit prochaine.

— C’est une mesure exceptionnelle qu’on nous demande là, vous savez, capitaine. Mais si nous n’y allons pas, les Vietnamiens ne comprendront pas notre attitude. Ils aimaient beaucoup leur lieutenant.

Hoa Mac, c’est un petit poste comme des centaines d’autres dans le Delta. Des baraquements et des blockhaus d’angle, des zéribas faites de bambous aiguisés. Vues du ciel, ces défenses paraissent tout à fait dérisoires. Approche. Un faible fumigène donne la direction du vent. Et Valérie André perçoit les hommes qui l’attendent au garde-à-vous dans la cour du poste.

Les Vietnamiens ont coupé des feuillages et tressé des couronnes. Elle se pose. Le cadavre est placé dans l’un des paniers, puis les soldats arrivent avec leurs couronnes. Le capitaine Valérie André les fait déposer sur l’autre civière. Le Hiller s’élève lentement. La gorge nouée, le capitaine Valérie André ne regarde pas ses cadrans, elle ne voit que cette petite cour.

Toute la garnison de Hoa Mac est de nouveau figée au garde-à-vous, le nez au ciel, suivant l’hélicoptère des yeux. Valérie André devine qu’ils pleurent. Alors, elle décrit un large cercle pour un dernier adieu au poste qui va mourir. Source : theatrum-belli.com

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