Sécurité civile : dans le ventre du Dragon 06

dimanche 22 mars 2015

La Sécurité civile, basée à Cannes, est sur le qui-vive 24 h/24, 365 jours par an. Par équipes de huit, ils assurent le secours par hélicoptère sur tous les fronts, souvent les plus périlleux.
Immersion Code sécurisé à l’entrée, empreintes palmaires pour pénétrer dans le hangar… Ça sent un peu le film d’espionnage. Et le croissant ! Parce qu’au cœur de la base de la Sécurité civile 06, à Cannes-La Bocca, la journée commence comme partout ailleurs. Café et viennoiseries.
L’équipe du jour tchatche autour du comptoir de la cafétéria dès 8h30 -9 heures. Se raconte les derniers événements. Ça chambre pas mal. Le médecin d’astreinte commence invariablement sa journée par une vérification complète du matériel. Sandra Lantelme, en poste ce jour-là, vérifie le sac d’abordage et celui de réanimation. Deux beaux bébés, d’environ 70 kilos.

Comment ça marche
✓ La Sécurité civile dépend du ministère de l’Intérieur.
✓ Les astreintes : minuit à minuit.
✓ 8 personnes par équipe.
✓ Entre 600 à 900 heures de vol effectuées chaque année. Dont environ 100 heures de vol de nuit.
✓ Entre 470 et 760 personnes secourues tous les ans.
✓ 1400 treuillages réalisés, 80%en mission, le reste en entraînement.
✓ 2h30 : durée moyenne d’une mission, entre le départ et le retour à la base.
✓ 7,8 millions d’euros, le coût de l’hélico EC145.

La Sécurité civile intervient dans les Alpes-Maritimes, mais aussi dans le Var, les Bouches-du-Rhône, les Alpes-de-Haute-Provence et la Corse. Départ en douze minutes Les deux secouristes pompiers, l’infirmier et les deux gendarmes ou CRS spécialisés dans le secours en montagne – en alternance chaque semaine – font de même. Entre-temps, le mécanicien opérateur de bord, Hervé Stephan, a sorti la bête. Une machine rutilante, vérifiée, entretenue, bichonnée même. L’impeccable et imposant bimoteur EC 145 squatte le tarmac.
Dans le hangar, Sandra a déployé son équipement sur le sol. Harnais, mousquetons, chaussures de rando… En cas d’alerte, le médecin n’aura plus qu’à sauter dans son matos. « En moyenne, il nous faut douze minutes pour décoller dès lors que l’alerte est reçue, explique Denis Bernard, pilote et chef de la base. La nuit, c’est quarante-trois minutes, entre l’alerte, le ralliement de l’équipage [ils habitent tous à environ vingt minutes de la base, ndlr] et le décollage.

Et l’alarme retentit…
Fin de semaine. Vacances scolaires. L’équipe est sur le qui-vive. Avec la fréquentation des stations de skis, tout le monde attend le gong. En attendant, chacun s’affaire à ses activités. Paperasse, séances de sport dans l’espace gym, et même partie de badminton… Vers 16 heures, le calme est rompu. L’alerte donnée. Quelques secondes plus tard, les huit personnes d’astreinte sont réunies autour du chef de base. La mission est définie : Sarah, une petite fille de 9 ans, a perdu connaissance après un choc avec un surfeur sur les pistes d’Auron. L’équipe se prépare – un médecin et deux secouristes pompiers –, rejoint Denis et son mécanicien à bord de l’hélicoptère. L’équipement est chargé. Décollage. Pendant le vol, Sandra, le médecin, étudie la carte. Silencieuse. Concentrée.
Une vingtaine de minutes plus tard, l’hélico se pose à même la piste, en bas du stade de Sauma Longue. Sarah est calme. Elle ne se souvient pas de l’accident, mais du nom de son doudou. Elle souffre d’un traumatisme crânien. Le médecin et les deux pompiers interviennent. Les gestes sont sûrs, rodés. Une « simple surveillance » pour Sandra, « tout en sachant que l’état d’un enfant peut se dégrader très vite ». Le brancard est ensuite hissé dans la machine, sous l’œil attentif du pilote et de son mécanicien. La mère de la petite fille lui fait un bisou avant le décollage. Quelques minutes plus tard, sur le toit de Lenval à Nice, Sarah est prise en charge par l’équipe hospitalière. La mission de la Sécurité civile s’achève. Retour à la base de Cannes. Jusqu’à la prochaine alerte. Dans dix minutes, cinq heures, en pleine nuit…

Les astreintes se calquent sur le coucher du soleil : « L’été, nous sommes présents sur la base de 8h30 environ jusqu’à 22h30. Les amplitudes horaires varient selon les saisons. » C’est le Codis qui délivre la mission et définit ceux qui doivent y participer (pompiers secouristes, gendarmes ou CRS). À bord, de toute façon, ils ne seront que cinq : le pilote, le mécanicien, le médecin et deux secouristes.

86% des interventions
L’hélico jaune et rouge apporte son secours dans les Alpes-Maritimes, le Var, les Bouches-du-Rhône, les Alpes-de-Haute-Provence et la Corse. « Nous intervenons surtout en montagne l’hiver et dans les canyons l’été. Nous assurons aussi des secours routiers et maritimes », ajoute le chef de base.
Le Dragon 06 est également sollicité pour des transferts hospitaliers, la prévention des feux de forêt et lors d’inondations. « En fait, nous assurons 86% des interventions en milieu périlleux. »
Vacances scolaires oblige, ce jour-là, vers 16 heures, finalement l’alarme a sonné. Quelques minutes plus tard, l’hélico jaune et rouge fendait le ciel azuréen. Avec, à son bord, les hommes en orange, toujours prêts, et prêts à tout pour sauver une vie.

Denis et Sandra : un couple à la ville comme dans les airs
Le ton est affectueux. Et taquin. Sandra se fait charrier à longueur de journée par ses collègues. À commencer par son mari – et chef de base – Denis, qui ne la rate jamais. Un humour – amour – vache qui ne déplaît pas à cette ancienne skieuse de haut niveau au caractère bien trempé. L’ex-militaire, pilote chevronné, spécialiste du combat de nuit, et le médecin urgentiste, sapeur-pompier professionnel, se sont donc dit « oui » en mai, l’année dernière.

« Je suis le médecin le moins épargné »
En couple depuis plusieurs années, c’est sous les pales du Dragon 06 que Denis Bernard (49 ans) et Sandra Lantelme (48 ans) se sont rencontrés. « Même si c’était une évidence, nous avons beaucoup réfléchi. Et surtout beaucoup

Le chiffre 300000
C’est le nombre de pièces qui constituent l’hélicoptère qu’utilise la Sécurité civile 06 depuis 2002. Un assemblage qui fait son poids : plus de deux tonnes à vide.

Verbatim
Sandra, médecin sapeur-pompier professionnel
● « Gérer une victime en mille morceaux ne me pose aucun problème. C’est le contexte autour, familial et émotionnel, qui est difficile. Je le supporte beaucoup moins. »
● « Le plus compliqué, c’est la victime qui me parle et… que je perds. » ● « J’arrêterai le jour où je ne me remettrai plus en question. Le jour où j’aurai peur, la boule au ventre. »

Denis Bernard, pilote, chef de base.
● « Dès qu’on fait décoller quelque chose qui, de par son poids, devrait rester au sol, il y a toujours un risque. La météo, la mécanique, ou le risque humain… nous sommes notre propre fossoyeur. »
● « Si tu es trop impacté, tu changes de métier et tu files chez le psy. »
● « Notre équation est simple : on part à cinq, on rentre à six.  »
● « En matière de secours, la Sécurité civile, c’est un peu un couteau suisse. » ● « Le plus dur, c’est de dire « non ». Mais on n’est pas là pour faire du suraccident ou gaufrer une machine à 8 millions d’euros. »
● « Les missions où la situation est très tendue, où on se fait peur… sont les meilleures pour un pilote.  »

La discuté avec les équipes », se souvient la jeune mariée. Pas de secret, pas de malaise. Aujourd’hui, la situation est claire, autant pour le médecin que le pilote. « Qu’il s’agisse de Sandra ou de quelqu’un d’autre, il ne peut pas y avoir de différences. En cas de problème, on n’a pas le temps de changer le protocole parce que c’est ma femme. » Notamment lors des opérations de treuillage, les plus délicates. Denis tranche sans sourciller : « Si l’intégrité de l’appareil est en jeu, la décision de couper le treuil revient au mécanicien de bord. C’est lui qui appuie sur le bouton… pas moi. Ça règle le problème. Je dois respecter l’engagement professionnel de mon épouse. Si j’en arrivais à altérer la mission à cause de sa présence, ça se verrait et ça serait insupportable pour elle.  »
Leur tandem est parfaitement huilé. D’ailleurs, Sandra prend systématiquement ses gardes avec son chef et mari. Et peu importe si elle est « le médecin de la base le moins épargné. Il ne prend pas de gants avec moi. Mais il y a une vraie complicité. C’est un réel plaisir et surtout un grand privilège de travailler ensemble ».
Face à elle, dans sa combinaison orange flashy, Denis joue avec ses lunettes et sourit : « L’affinité qu’on a est sécurisante. Au ton de sa voix, je sais si ça va. »
Pilote et médecin restent chacun dans leur rôle, au boulot. On ne mélange pas. « À l’intérieur de la machine, j’ai la main. Ensuite, auprès de la victime, c’est le médecin qui donne ses ordres et impose ses choix. Je m’adapte. »

Le boulot… à la maison aussi
Sandra précise : « C’est quand même lui qui, en fonction des conditions, météo notamment, me dit « Tu as dix minutes », par exemple. Je dois gérer mon temps, même si après, avec la victime, c’est moi qui décide. Mais c’est du stress en plus. Il y a une importante partie de l’intervention, liée à la machine, que je ne maîtrise pas. Pour un médecin urgentiste, ce n’est pas agréable. Mais il faut apprendre à faire avec. »
Le soir, de retour à Montauroux, Sandra retrouve ses deux filles. Et, parfois, refait le match avec Denis – également papa de trois enfants.

« Le débrief me permet d’avancer. Je lui demande souvent son avis sur mes interventions. Du coup, on parle beaucoup travail à la maison, admet le médecin. On est très impliqués. »
La passion de Sandra pour son métier ne s’arrête pas aux portes de la base. C’est sa vie 24 h/24. De ses premières années consacrées à la médecine générale à Saint-Martin-Vésubie, Sandra se souvient surtout de… « l’ennui » ! Un confort qu’elle a lâché pour devenir médecin urgentiste. « Une fois que j’ai eu mon diplôme… je me suis éclatée !  » Accro à l’adrénaline, comme son mari. « J’aime cette sensation de ne jamais savoir sur quoi on part. J’aime la montagne, j’aime les gens… c’est ça mon moteur. Mon métier me passionne. » Idem pour Denis. Ce fan de Steve McQueen et Sinatra a quitté l’armée pour « (se) remettre en danger, réanimer (sa) carrière ». « C’était un vrai challenge. » Une nouvelle mission. Une nouvelle vie. À bord de son aigle jaune et rouge, c’est donc, aussi, un autre oiseau que Denis a trouvé… rare.

Insolite Les missions de Sandra ne sont, heureusement, pas toujours dramatiques : « J’étais intervenue sur une luxation d’épaule dans un camp naturiste à Puget-Théniers. J’étais donc avec la victime, à genoux et, autour, ils étaient tous… à poil. Vous imaginez la scène. Ça, c’était marrant. » Source

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