Défilé du 14 juillet : portrait du colonel « DRY », le pilote de la gendarmerie qui a volé sous la Tour Eiffel

vendredi 12 juillet 2024

Le 29 mai 2024, pour la première fois dans l’histoire de l’aéronautique, un hélicoptère vole sous la Tour Eiffel. Aux commandes de l’EC145 des Forces aériennes de la gendarmerie nationale (FAGN) ce jour-là, le colonel Henri, call sign « DRY ». Celui-là même qui pilotera l’hélicoptère leader du box de la gendarmerie nationale pour le défilé aérien du 14 juillet. Portrait.

Ses premières amours ne le destinaient pas aux airs, et c’est pourtant là qu’il a choisi de servir. Officier navigant depuis 1999, le colonel Henri fait ses premiers pas dans les armées comme officier de réserve de la cavalerie, à Saumur, avant d’intégrer ensuite l’École spéciale militaire de Saint-Cyr.

L’exaltation que lui procure son premier vol en hélicoptère et la découverte des potentialités, tant stratégiques que tactiques de l’aérocombat dans la manœuvre militaire, poussent le jeune lieutenant à s’engager dans l’ALAT (Aviation légère de l’armée de Terre) à l’issue de sa scolarité à Coëtquidan.

C’est à Bückeburg, en Allemagne, qu’il reçoit son brevet de pilote, espérant prendre les commandes d’un Tigre, futur hélicoptère d’attaque… mais les aléas de l’industrie aéronautique en décident autrement.

Un parcours riche en expériences
Après un premier poste comme chef de patrouille sur hélicoptères de combat, il choisit en 2005 de rejoindre la gendarmerie, motivé par la diversité des missions et l’engagement opérationnel soutenu.

À sa sortie de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), il prend en 2006 le commandement de la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Cazaux. L’action de l’État en mer constitue alors l’une de ses principales missions, avec l’appui aérien aux opérations judiciaires et au maintien de l’ordre. L’occasion se présente rapidement de mettre à profit son expérience d’aérocombattant dans la conception de manœuvre aérienne de la gendarmerie.

« J’obtiens alors, en 2008, la qualification de pilote de haute montagne, explique l’officier. Le vol en montagne est un pôle d’excellence des gendarmes navigants. Je prends ensuite la tête de la SAG d’Ajaccio, pendant 5 ans. L’intérêt géographique de la Corse réside dans ce double aspect mer et montagne, sur lequel vient se greffer une activité judiciaire très soutenue. Parfois secours et judiciaire se mêlent, et il m’est arrivé de faire du secours en montagne impliquant des aspects judiciaires en raison des défaillances de certains accompagnants, notamment dans les accidents de canyoning. »

En tant que soldat de la loi, il est aussi confronté à une période de fortes tensions sur l’île, avec de graves troubles à l’ordre public, impliquant un engagement soutenu de la SAG d’Ajaccio.

Après ces cinq années denses, le pilote poursuit son parcours d’officier de gendarmerie classique alternant commandements d’unités aériennes et terrestres (SAG de Villacoublay, compagnie de gendarmerie départementale d’Angers...) et scolarité à l’École de guerre. « En compagnie, j’ai essayé de démultiplier l’utilité de l’hélicoptère depuis le sol. J’en étais persuadé depuis les airs, et cela m’a permis de réaliser avec mes gendarmes des missions pour lesquelles l’appui aérien pouvait être déterminant. J’ai en tête l’arrestation d’un multirécidiviste qui nous avait échappé après des vols avec violence au préjudice des personnes âgées. On a réussi à l’avoir, la fois où l’hélico était là pour appuyer le bouclage de la zone où le malfaiteur était supposé se trouver. »

Retour aux commandes aériennes pour l’officier, en 2007, qui prend la tête de la Force aérienne de gendarmerie Ouest (FAGO), à Rennes. « J’ai été engagé dans la manœuvre d’ordre public à Notre-Dame-des-Landes plusieurs mois, et j’ai vraiment apprécié la puissance de l’appui aérien au maintien de l’ordre lors de cette mission ». Depuis cet engagement, qui reste dans la mémoire collective une démonstration forte des capacités interopérables de gestion de crise par la gendarmerie nationale, le colonel Henri intègre systématiquement, dans ses manœuvres aéroterrestres de maintien de l’ordre (Gilets Jaunes, Sainte-Soline…) les spectaculaires, mais non moins efficaces, posés d’assaut et vol de « show of force », en formation.

Depuis 2021, à la tête de la Force aérienne de gendarmerie d’Île-de-France (FAGIF), il s’applique, entre ses missions opérationnelles quotidiennes, à tenir les deux objectifs qui lui sont assignés pour ce commandement par le général Emmanuel Josse, Commandant des Forces aériennes de la gendarmerie nationale (COMFAG) : la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024 et l’accueil du futur H160 Pégase, premier hélicoptère omnirôle des FAGN. L’entrée en service de cet appareil, le plus lourd jamais exploité en gendarmerie, doté des dernières technologies, implique une transformation profonde des habitudes de nos aérogendarmes et un agrandissement des infrastructures.

« Pour cette mission, on a assuré la montée en puissance en préparant les équipages, la doctrine d’emploi et le soutien technique. On a également orienté les missions vers les opérations aéroportées d’envergure qui seront plus adaptées aux défis sécuritaires à venir  », explique l’officier.
S’agissant de la préparation des JOP, les gendarmes navigants de la FAGIF s’entraînent presque quotidiennement avec toutes les unités engagées dans cette manœuvre de sécurisation d’ampleur inédite : le GIH (Groupe interarmées d’hélicoptères), le GIGN, le RAID, la Brigade de recherche et d’intervention de la Préfecture de police (BRIPP), la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), la brigade fluviale de la PP…

« Même si nous avions déjà considérablement renforcé notre interopérabilité avec ces unités et services ces 3 dernières années, nous nous exerçons ensemble depuis plusieurs mois sur tous les scénarii possibles de déstabilisation de cet évènement. Parallèlement, notre mission est aussi de fournir les éléments de cartographie et d’imagerie aérienne qui seront centraux pour les échelons opératifs et tactiques. » C’est à l’occasion d’une de ces missions de cartographie aérienne que « DRY » entre dans la légende…

Voler sous la Tour Eiffel, l’exceptionnel dans la mission
Le 29 mai 2024, les Parisiens et touristes présents aux abords de la Tour Eiffel assistent les premiers à un évènement inédit. Rapidement, les images font le tour des réseaux sociaux.
Un hélicoptère bleu vient de voler sous les arcades de la Dame de Fer, symbole de Paris et de la France aux yeux du monde. Pourtant ce qui s’apparente à un exploit n’en est pas un. Dans le cadre des nombreux travaux préparatoires qui précèdent la tenue de ces Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, il s’agit seulement d’une mission de routine, un des nombreux vols de cartographie de Paris réalisés par la FAGIF à… 40 mètres du sol !

« Ce dont je reste fier, c’est non seulement d’avoir fait connaître cette capacité réalisable uniquement par le biais de l’hélicoptère, et non par les drones ni les avions, et surtout d’avoir réalisé cette mission à bord d’un hélicoptère de la gendarmerie et d’avoir ainsi fait rayonner les FAGN. »

Le colonel Henri entre dans l’histoire de l’aéronautique comme deuxième pilote à voler sous la Tour Eiffel dans un cadre missionnel et le premier pilote d’hélicoptère. Le premier c’était un pilote de Mustang qui poursuivait un chasseur allemand Messerschmitt en 1944. D’autres pilotes d’avion ont réalisé l’expérience, mais de façon illégale, aussi nous ne les citerons pas !

Le défilé, une allégorie de la confiance
Dimanche 14 juillet, le colonel DRY sera dans la machine de tête, un EC 135, le leader de quatre hélicoptères ambassadeurs des trois flottes actuellement en service en gendarmerie (l’Écureuil qui fait office de vétéran, 2 EC145 et 1 EC135). « C’est mon troisième défilé militaire du 14 juillet. J’en ai fait un à pied en 1999 à la fin de ma scolarité, un en quittant l’ALAT en 2004, en hélico. C’est donc mon deuxième défilé aérien, et le premier comme gendarme ! », se réjouit-il.

Ce défilé aérien est, pour ce passionné d’histoire militaire, un moment fort dans le parcours de tout serviteur des Armes de la France. « Pour moi, le 14 juillet c’est l’allégorie de la confiance. De la confiance de l’État envers ses gendarmes, de celle de la population française qui se fait survoler par ses gendarmes. Et c’est aussi et surtout la confiance du leader dans ceux qui le suivent, et des ailiers dans leur leader. »

L’une des spécificités de la préparation de ce défilé aérien, c’est qu’elle réside à la fois dans l’entraînement ordinaire des pilotes, notamment à la complexité du vol en formation, en étant agrémentée d’une autre forme d’entraînement, propre à la cérémonie. « L’entraînement, dans les forces aériennes, est quotidien, puisque chaque mission réalisée est une forme d’exercice pour les engagements les plus durs. Quand on recherche une personne disparue, c’est le même acte technique que quand on poursuit un forcené. De la même façon, quand on vole en patrouille pour faire un « show of force », ou faire des bascules de force (posé d’assaut de forces spéciales ou de forces d’intervention), on utilise le même mode opératoire », explique le chef de la FAGIF.

Après une reconnaissance de l’itinéraire réel le 17 juin, un premier entraînement de l’ensemble du défilé aérien avec les autres forces armées a eu lieu le 3 juillet à partir de la Base aérienne 123 d’Orléans-Bricy, les appareils évoluant selon une ligne fictive figurant l’axe parisien. Le 10 juillet, l’ultime exercice a été réalisé in situ, suivant une trajectoire différente de celle des autres années. « En raison des JOP, la particularité cette année c’est que l’axe traditionnel qui est la Défense-Arc de triomphe, est transformé en Arc de triomphe-Porte dauphine, via l’avenue Foch », décrit le colonel DRY.

Un métier d’engagement et une passion intacte
« Je totalise 4400 heures de vol hélico, 140 heures de vol avion, et des centaines de vols en parapente. Cela reste un métier passion, et on garde le même émerveillement qu’au premier vol. Je me souviens encore de l’émotion que j’ai ressentie la première fois que j’ai embarqué dans un hélico, à la fin d’une longue marche de nuit près de Montlouis, et aujourd’hui je regarde encore avec la même tendresse, le même intérêt, chaque appareil qui part, que je sois dedans ou pas. Je vole quasiment tous les jours où je travaille, et je ne connais pas d’équivalent en terme de métier, pour moi, où je puisse avoir une vie opérationnelle aussi riche et servir avec une intensité aussi forte », confie l’officier.

Il témoigne aussi du rôle de pilote de gendarmerie qui est principalement, mais pas seulement, d’apporter un appui aux unités au sol. « S’il est bien sûr toujours un passionné, le pilote ne vole pas pour lui mais pour les autres, étant au service de la population, que ce soit pour protéger, sauver des vies ou sauvegarder les espaces vitaux. Nous réalisons de plus en plus de missions aériennes de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la biodiversité et je m’en réjouis. »

Bien qu’étant l’un des pilotes les plus accomplis de sa génération (pilote de montagne, moniteur, pilote d’avion et d’hélicoptère, ancien aérocombattant…), DRY n’affiche qu’un seul diplôme dans les murs de son bureau, celui qu’il a obtenu au lycée agricole de Chartres. Même s’il passe un temps considérable dans les airs, l’officier plutôt terre à terre reste un modèle de chef proche de ses hommes. « C’est aussi pour cela que je me suis engagé dans le monitorat, pour transmettre... et pas seulement des techniques de pilotage ou les moyens de se soustraire aux situations difficiles. L’aéronautique militaire est porteuse de grandes valeurs d’engagement dont nous sommes tous les passeurs. Avant l’aventure, la ligne de mire c’est la mission. » Source : gendarmerie.interieur.gouv.fr

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