Récit du sauvetage vu par le Major Hugues Peuchot

vendredi 16 octobre 2009

12 octobre 2009 - " Je venais de terminer le déjeuner et nous allions prendre le café quand le téléphone d’alerte a sonné. Il est 13h56, c’est le CCS de Lyon. Ils me passent les détails de l’alerte. Un Cessna blanc, six personnes à bord et les coordonnées GPS : N 42°18’54 E 008°32’46. Je lance aussitôt les préparatifs de l’opération de sauvetage.

Le Major Hugues Peuchot, le dernier pilote sous-officier de l'armée de l'airEn tant que Commandant de bord, je dois faire rapidement mon calcul, il y a six personnes à récupérer, je dois donc constituer une équipe réduite. Maxence Schivre mon copilote, Jean-François Farda mon mécano, Nicolas Zimermann le treuilliste, Alain Gonzales et Laurent Legarff les plongeurs ainsi que Stephan Lucciani le docteur. Heureusement que je connais bien la Corse, je vole ici depuis 25 ans, je n’ai pas besoin de tracer la route. L’adrénaline monte un peu, c’est normal. C’est là que tous les entraînements que l’on fait à longueur d’année prennent sens. Il n’y a plus qu’une chose qui compte : les sauver. Il y a 35kt Nord-ouest de vent sur zone, ici a Solenzara on a 15/20kt plein Est. Comme souvent en Corse, les reliefs sont accrochés à 3000ft uniquement sur la partie Ouest.

14h25 on décolle, on part à 140 kt en basse altitude. A 14h58 on arrive sur zone. Il y a déjà l’hélico de la Sécurité Civile qui travaille. Mon "copi" affiche la fréquence de travail 123,10 et on veille 121,5.11 gère la radio et la nav, moi le pilotage.

Le Bréguet Atlantique arrive en même temps sur zone, il prend la direction des opérations. On sait que l’avion s’est écrasé à moins de 10 Nm des côtes. Le Cross Med calcule la dérive des courants. Le Bréguet nous affecte une zone de recherche au sud du parallèle 42°18N. La mer est démontée, beaucoup de vent, d’embruns et de déferlantes. L’hélico est instable. Je vole entre 200 et 300 ft à 40 kt. On n’arrive pas à les voir, c’est frustrant. Au bout de 2h30, on doit rentrer faire du carburant. L’hélico de la gendarmerie prend le relais.

Un "Cougar" Suisse qui était dans notre escadron en échange d’expérience, participe aussi aux recherches. Alors qu’on a "refuelé" et contrôlé la mécanique, le téléphone sonne. Les hélicos de la Sécurité Civile et de la gendarmerie les ont repérés grâce à leurs lunettes de vision nocturne. On décolle.

Le Super Puma de l'escadron d'hélicoptères 6/67 « Solenzara » de l'armée de l'airNous en avons 4 à récupérer. De nuit avec nos lunettes, on peut voir les petites lampes de leurs gilets de sauvetage à 15 Nm. On s’occupe de celui qui est isolé en premier. Un treuillage prend environ 15 minutes, On s’occupe des trois autres ensuite. A ce stade on ne ressent aucun sentiment, on est concentrés. On regarde l’alti, le vario, la radio sonde et l’indicateur de vol stationnaire. Il y a un vent de face de 35/40 kt. L’hélico bouge beaucoup. Quand le médecin nous dit que c’est Ok, on prend la direction de l’hôpital d’Ajaccio. Le CCS les a déjà prévenus. Une fois posé, je ne peux rester longtemps, l’hélico de la gendarmerie est derrière et il a besoin de la zone d’atterrissage. On rentre à la base.

C’est une fois posés qu’on ressent un sentiment d’accomplissement. On est content de bien avoir fait notre métier, de bien avoir appliqué ce que l’on avait appris à l’entraînement et de savoir que les rescapés s’en sont sortis ".

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