Pascal Brun, l’aigle du Mont-Blanc

samedi 20 février 2016

Entre sécurisation des pistes et chantiers du vertige, il sillonne le ciel de la capitale mondiale de la montagne depuis 30 ans, touché par la même grâce d’une nature en mutation. Sous ses yeux elle opère un drôle de décalage, entre piliers qui s’effondrent et glaces qui reculent. En l’air, l’homme aux 23 000 heures de vol, a connu ses joies les plus intenses. Et ses plus grandes peines.

Ce jeudi à la base de Chamonix Mont-Blanc hélicoptère, de retour d'une mission sur la coupe du monde de ski - Photo DR ledauphine.comPour chasser les démons de la route, certains ont une vierge accrochée au rétroviseur ou Saint-Christophe dans la boîte à gants. Lui a une Pin’up des années 50 sur la carlingue de sa machine qui fend les airs. « Un côté vintage qui me rappelle les bombardiers des années 50 ». Comme un trait de fantaisie pour conjurer les mauvais esprits d’une existence qui oscille entre heurs, bonheurs et malheurs. La frontière est si ténue quand on fréquente ce relief de près. C’est le lot de cette vallée où le loisir côtoie la tragédie. Qui mieux que Pascal Brun, qui a dédié sa vie au vol en altitude, pour en témoigner ?

Il a douze ans lorsque René Romet, héros de la Sécurité civile lui offre un drôle de baptême de l’air. « C’était sur une avalanche à la sortie de la vallée Blanche. Quel souvenir ! » Une révélation. Le virus de l’air ne l’a plus lâché. Il arrivait même que l’hélicoptère rouge le déposât à Annecy pour qu’il se rende au lycée. Aujourd’hui la voie des airs est déterminante - souvent la seule - pour assurer la vie de ce must touristique international qu’est Chamonix. De cette monumentale vallée, il a souvent les clés. Son service est un viatique pour approvisionner les refuges dont il a participé à la construction depuis celui des Cosmiques en 1991 ou pour assurer la sécurité sur les pistes. Sous le ventre de son B3, Pascal Brun promène de drôles d’engins, dont la forme rappelle invariablement une capsule spatiale où une cloche de Pâques. Ils ont pour noms O’Bellx ou DaisyBell. Manipulables à distance, ils épargnent aux pisteurs des risques pris lorsqu’auparavant il fallait jeter un bâton de dynamite dans une pente pour faire partir les avalanches. Qu’il faille démêler les câbles du téléphérique du Brévent, sans pylône, et Brun suspend un technicien dans une nacelle, 500 m de vide sous les pieds pour remettre la benne sur de bons rails. Qu’on lui demande de rapatrier la carcasse d’un avion de tourisme prisonnier des crevasses, et le pilote rallonge l’élingue. C’est en vol, au refuge du Couvercle sur le tournage du film Premier de cordée qu’il apprend la naissance imminente de son sixième enfant. « En dix minutes, j’étais à la maternité ».

Convoyeur du Père Noël
Comme beaucoup de gamins du pays, il aurait pu être guide. « Sauf que j’ai le vertige. En hélico, c’est différent, il n’y a pas de ligne de fuite ». Ce qui ne l’a pas empêché de gravir l’aiguille Verte (4122 m), juge de paix de tout montagnard, avec Bruno Gouvy, surfeur extrême qui quelque temps plus tard devait se tuer sous ses yeux, après une dépose au sommet de cette même pyramide de glace. C’était ces années euphoriques où Brun trimballait photographes ou cameramen d’une face nord l’autre, pour suivre les gladiateurs de parois, Profit ou Boivin. Chamonix versant flashy, Chamonix versant noir. « Dans cette vallée on a un rapport particulier à la mort. Des sentiments exacerbés par la douleur ».

On embarque avec lui, direction la piste de coupe du monde où il assure une permanence sécurité en cas d’accident. « Je suis le seul maître à bord après Dieu », ironise le capitaine, agacé par les atermoiements de la course. Le bon Dieu, il n’y croit plus guère. Les meilleurs descendeurs mondiaux défilent et au virage du Rocher Blanc Henri Cazemajor, vieille gloire du PGHM, raconte ses missions avec Pascal. « Avec lui c’était la pêche à la ligne. En appui patin, il en avait récupéré un qui avait dévissé à 4000, au mont Maudit, le fémur fracturé, dans la bourrasque. Il fallait faire fissa. Sans Pascal, il était mort ». Avant que les gendarmes ne soient dotés de leurs EC 145, l’expert était réquisitionné avec son Lama en cas d’aérologie difficile.

Le drame l’a d’abord frôlé. Miraculé par deux fois. À la deuxième, victime d’une panne moteur, sa dextérité lui permet d’atterrir en catastrophe sous les séracs d’Argentière et sauver sa peau. « J’ai vu le glacier me foncer dessus. Si on avait été 4 dans la machine ont était morts ». Pascal a revolé dès sa sortie d’hôpital. « La trouille au ventre. Mais il fallait que j’exorcise ». Puis, le destin lui a pris ses proches, deux pilotes de sa société CMBH et un fils. Il y a quatre ans à la frontière Suisse, l’ami Jacques s’écrase avec, à bord, Sébastien, la chair de sa chair qui, comme ses deux frères voulait embrasser la carrière. Sous le choc, le père volera sur les lieux du drame et videra l’extincteur sur le funeste brasier. « Pour moi Sébastien est encore là, j’attends qu’il m’appelle un jour ». Comme un déni salvateur, il ne lâche pas les commandes. « Si j’ai continué à voler tout de suite c’est par devoir de mémoire. Et puis je ne sais rien faire d’autre ». (...) Lire la suite sur ledauphine.com

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