Interview Philippe SEBAH, pilote d’hélicoptère

samedi 3 août 2013

Derrière le grillage de la DZ des Bois à Chamonix, les grosses machines volantes le fascinaient. « Je veux être pilote d’hélicoptère » s’était-il dit. Philippe Sebah a réussi son rêve de gamin. Il nous entraîne ici avec passion dans les coulisses de son métier de pilote d’hélico de secours en montagne…
Philippe SEBAH, pilote d'hélicoptère - Photo ITVUne interview exclusive pour Montagnes Reportages
Crédit photos : Philippe Sebah / (Bruno Magnien), PGHM (Mathieu Robin) et Yannick Michelat (Remerciements particuliers à Fred Souchon)

Montagnes Reportages : Tu es originaire d’où ?
Philippe Sebah : Je suis savoyard, originaire de Chambéry mais j’ai ensuite beaucoup vécu à Paris.

Tu as une formation de guide ?
Non je ne suis pas guide. Je faisais un tout petit peu de montagne quand j’étais gamin. Ensuite j’en ai fait un peu personnellement avant de venir dans les hélicos. Quand j’étais en escadron de gendarmerie mobile à Chambéry, j’ai suivi les premiers stages pour être secouriste en montagne, j’ai fait deux fois cinq semaines, ce qu’on appelait à l’époque une qualification été hiver au CNISAG [Centre national d’instruction ski et alpinisme de la gendarmerie]. Ensuite j’ai fait mon chef de détachement hiver été, mais je ne l’ai fait que l’hiver car j’avais réussi mes exams pour partir en école de pilotage, j’ai donc interrompu ma formation. Maintenant je me remets à la montagne à titre perso après donc plus d’une dizaine d’années d’interruption. Je fais du ski, de la randonnée et beaucoup de VTT.

Comment devient-on pilote d’hélicoptère de secours en montagne dans la gendarmerie ?
Ce sont des gens qu’on récupère des trois armées : l’armée de terre, la marine, l’armée de l’air très rarement. Ils sont déjà pilotes militaires et font donc un concours à la gendarmerie. On les récupère donc directement dans les formations aériennes de la gendarmerie. Je fais partie de ces formations. A partir de là, on fait rentrer ces militaires dans un cursus de qualification montagne assez rapidement s’ils sont volontaires et s’ils ont les disponibilités pour le faire. Ensuite il y a un deuxième type de recrutement qui est mon cas, celui des purs gendarmes – je suis vraiment un pur gendarme, j’ai quitté mes études parce que je voulais être pilote et je suis rentré en école de gendarmerie à Berlin – ensuite tu es affecté en gendarmerie, ça peut être en brigade, en escadron de gendarmerie mobile. Tu passes un examen pour partir en école de pilotage. Il n’y a qu’une école de pilote inter-armée en France qui se trouve à Dax [un an à un an et demi de formation]. Je suis donc parti là-bas passer mon brevet de pilote et à l’issue je suis devenu pilote à l’instar de tous les pilotes dont je viens de parler avant et qui sortent de l’armée de terre, de l’armée de l’air, etc. Tous les pilotes d’hélicoptères militaires sortent de cette école. Ensuite, tu es affecté dans des unités, plaine ou bord de mer, pour apprendre le boulot – moi, je voulais très rapidement être pilote montagne – Tous les pilotes de gendarmerie passent tous les 18, 24 mois, dans notre centre de vol en montagne qui est à Briançon. Ça leur permet de s’aguerrir, d’affiner leur pilotage et d’avoir des notions un peu plus précises sur l’aérologie. C’est là que les instructeurs essaient de les détecter, de voir ce qu’ils valent, etc. En gros donc, on demande aux gens d’avoir 1000h de vol, ce qui correspond à peu près à quatre ans – un pilote de gendarmerie fait 250h de vol par an en plaine ou en mer – Ensuite, la personne rentre dans un cursus montagne à Briançon. Avec la détection, ça dure deux ans. A cette issue elle est qualifiée montagne, elle est alors affectée dans une unité montagne, mais de moyenne montagne, moins difficile qu’à Chamonix ou Briançon, comme Digne, Ajaccio, Tarbes,... elle y reste minimum trois ans. Ensuite, si elle est fana, elle peut venir sur des unités en plus haute montagne comme Briançon et Chamonix.

Qu’est-ce qui t’a vraiment décidé à devenir pilote d’hélico en montagne ?
J’ai toujours voulu être pilote et j’ai toujours adoré la montagne. Quand j’étais gamin, j’ai toujours été très impressionné par les pilotes de chasse qui posaient sur les porte-avions, c’est vraiment extraordinaire. Quand j’étais en DEUG de Sciences, j’ai quand même fait ce petit concours, ça a plus ou moins marché puisque je suis parti à Rochefort mais je n’y suis resté que très peu de temps parce que ça n’avait pas marché pour x raisons. J’ai recontinué mes études, la montagne était quand même bien ancrée en moi et puis je trouvais ça extraordinaire d’aller sauver des gens avec un appareil tel que l’hélicoptère. Quand j’allais en vacances aux sports d’hiver ou à Chamonix, j’étais au bord du grillage de la DZ des Bois, ça me faisait rêver. J’avais été très déçu de ne pas avoir été pris à cette école de chasse, et là je me suis dit, je veux être pilote d’hélicoptère en montagne.

Je suppose que les places sont chères… ça représente combien de pilotes ?
Oui, les places sont chères mais en même temps on n’a pas beaucoup de volontaires et c’est un gros problème actuellement. Je suis pilote instructeur, ça fait quinze ans que je m’occupe de la formation des pilotes montagne, on travaille à détecter les gens et on a vraiment du mal à trouver des pilotes qui soient déjà volontaires, et après ce n’est pas parce que tu les as fait rentrer dans un cursus montagne qu’ils vont obligatoirement sortir et ça, on essaie d’y remédier parce que tu investis sur une personne, ça coûte cher car ce sont des heures de vol, des frais de déplacement, etc. Pour répondre à la deuxième question, Il y a trois pilotes pour l’unité montagne normalement, sauf à Chamonix où nous sommes deux pour l’instant. Il doit y avoir huit bases, ça représente environ vingt-cinq pilotes montagne dans l’hexagone.

Comment se fait-il qu’il y ait si peu de volontaires ?
C’est vraiment un fait de société et on a du mal à y répondre. Premièrement, il faut être volontaire (rires). Deuxièmement, c’est quand même un engagement qui est différent par rapport à un pilote travaillant en plaine ou en bord de mer. C’est un engagement au niveau du pilotage, un engagement missionnel où tu as une prise de risques beaucoup plus importante et tu as un salaire qui est exactement identique à grade égal. C’est bassement matériel ce que je dis mais c’est quand même néanmoins le cas. Un pilote à grade égal qu’il soit à Paris, à Bordeaux, à Arcachon, en Corse ou à Chamonix touche le même salaire. Troisièmement, et là c’est plutôt un problème de société, c’est par rapport aux épouses et aux enfants. Quand tu travailles en montagne, tu vis en fond de vallée, que ce soit Chamonix, Modane ou Briançon, etc. et les familles, les épouses, sont de plus en plus réticentes à suivre leur mari parce qu’elles ont de très bons boulots dans le privé ou autre... et quand le mari est affecté à ce type d’unité, elles perdent tout ça. C’est un gros problème. Sauf pour les gars dont leurs épouses sont fonctionnaires ou en l’occurrence, infirmières à l’hôpital ou dans l’enseignement. Là elles peuvent trouver du boulot très facilement. (...) Lire la suite

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