De l’hélicoptère à la plume : les mots comme horizon pour Didier Bibard

vendredi 25 février 2011

Après 26 ans de carrière dans l’Armée de Terre, le lieutenant-colonel, Didier Bibard a entamé une seconde vie, à Lens, en devenant écrivain public. Le diplômé de Saint-Cyr revient à ses premières amours : les lettres, qu’elles deviennent des mots sous sa plume ou dans sa voix. Une reconversion peu banale, mais une évidence pour ce Charentais de souche.
L'écrivain cite sur son blog Simone de Beauvoir : « On ne peut rien écrire dans l'indifférence »Dans son appartement en plein coeur de Lens, rue René Lannoy, il y a certes cette revue militaire qui traîne négligemment parmi d’autres magazines sur la table du salon. Mais vêtu d’une veste et chemise noires, l’homme qui boite actuellement à cause d’une tendinite, ne laisse rien soupçonner. C’est en demandant à voir le bureau de l’écrivain public, que le visiteur remarque comme une confusion des genres, un univers littéro-militaire (ou militaro-littéraire). Le mur porte plusieurs photos de régiment et leurs figurants semblent étrangement lorgner sur le Bescherelle ou le dictionnaire posés près du clavier d’ordinateur où trônent ces cartes de visite « Bibard-écritures ». Accrochée elle aussi, une plaque du Jeanne d’Arc. Le Bibard en question a fait un demi-tour du monde, embarqué à bord de ce croiseur porte-hélicoptère... C’était il n’y a pas si longtemps, dans les années 1990. Le début d’une carrière de pilote de « Gazelle », cet hélicoptère de liaison et de reconnaissance. L’homme paisible de maintenant était encore tireur canon pour appuyer les troupes au sol engagées en Somalie, au Kosovo, en Côte d’Ivoire. Quelle place alors, pour les mots dans ce contexte ? Ils étaient comme en gestation, présents dans l’esprit de l’officier mais refoulés, quand ils ne servaient pas prosaïquement à rédiger des carnets de bord. Puis, le cyrard fut appelé plusieurs fois à quitter « les forces vives » pour les états-majors et faire usage non du canon mais de la belle plume. « J’ai été officier rédacteur au commandement des forces terrestres de Lille. Pendant sept ans, j’ai écrit des synthèses, des travaux d’analyse, des lettres officielles ou des discours. Je n’ai qu’un regret : être parti avant même d’avoir pu essayer les "Tigres". »

Deuxième tome
Sa passion pour le français date de l’enfance. « Je me souviens que j’avais des facilités à lire et à écrire. Mon premier livre, ce fut La fortune de Gaspard, de la Comtesse de Ségur », raconte-t-il. Bon élève, excellant en composition libre, le gamin dévorant aussi bien les bouquins de science-fiction que les Rougon-Macquart rêvait plus grand de devenir « pilote et écrivain ». Le quinqua semble sur le point d’y parvenir.

« C’est un autre livre de ma vie que je commence. Si je viens de me lancer comme écrivain public, c’est parce que je me suis rendu compte que beaucoup de gens autour de moi ne savaient pas, ne voulaient pas ou n’osaient pas écrire eux-mêmes alors que pour moi, c’est naturel. Tout s’est joué pendant l’enfance, très tôt j’ai compris combien la lecture ou l’écriture pouvaient représenter des prolongements de moi-même, en me permettant de lire ou d’écrire ce que j’avais envie. Tout le monde n’a pas eu cette chance. » Et entre sa vie d’avant et sa vie d’aujourd’hui, la trame selon lui, serait identique, seul le théâtre de son action lui donnerait un autre sens : « dans l’armée, la finalité, c’est la mort, qu’on la donne ou qu’on la reçoive. Quand vous avez une équipe sous vos ordres et dont la vie par conséquent dépend peut-être de votre décision, l’échange humain est nécessaire, au-delà du formalisme de la hiérarchie. Il faut comprendre. C’est la même chose quand je dois écrire pour une personne. » En jeu ici, non plus la vie mais la liberté, de s’exprimer, d’exister. Dernièrement, le tout nouvel écrivain s’est vu confier la mission d’écrire sa première lettre d’amour lors de la Saint-Valentin. « J’ai écouté le client, demandé quelques éléments de contexte sur la dame pour pouvoir personnaliser et réussir ce courrier », explique l’ancien militaire.

Pour permettre à son second rêve de décoller, Didier Bibard ne se limite pas à l’écriture : « un ami m’a dit un jour : "quand je lis, je n’arrive pas à entrer dans le livre", comme si l’action mécanique de lire paralysait son imaginaire. J’ai donc pensé à proposer de la lecture à domicile... » La première expérience sera concluante : appelé pour lire le dernier ouvrage de Stéphane Hessel, il a lu, non pas durant trois heures mais durant cinq heures ! La séance de lecture s’étant vite transformée en une analyse de texte. L’officier de réserve n’exclut pas un projet d’écrivain tout court « mais pas tout de suite, je souhaite faire les choses dans l’ordre ». Manière de dire qu’il ne veut pas sauter de pages dans ce deuxième tome de vie entamé. Marie LAGEDAMON source

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