Sécurité civile : Leurs souvenirs à bord de l’Alouette 3

mercredi 29 avril 2009

Ils ont volé ou ils volent encore à bord de l’hélicoptère qui aura marqué le secours en montagne. Paroles de sauveteurs hors norme.

Jean-Pierre Roca, Pilote Sécurité civile de 1980 à 1996Jean-Pierre Roca, pilote Sécurité civile de 1980 à 1996
« Mon souvenir le plus marquant date de l’une de mes dernières missions, en 1996. Nous secourions un parapentiste qui s’était crashé à Pied Moutet (Oisans). Le mécano venait de treuiller un secouriste dans la paroi et on était en train de treuiller le second. Il s’assoit sur le bord de l’hélico et tout à coup, j’entends un grand bruit. Je me tourne : plus de secouriste. Il avait été éjecté et était maintenant sous la machine, accroché au treuil. L’Alouette 3 commence à partir sur la tranche et fonce vers la paroi à grande vitesse. Je tente de compenser mais rien n’y fait. En fait, en remontant la sellette du parapentiste, le secouriste avait déclenché le parachute de secours, qui était gonflé sous l’hélico ! Alors que nous allions nous crasher, la cordelette reliant le secouriste au parachute à cassé net et j’ai pu redresser au dernier instant. Dessous, le secouriste a eu la peur de sa vie. Son collègue qui était sur la paroi ne voulait carrément plus monter à bord ! Quand on a atterri à Huez, la potence du treuil était complètement tordue ! Ce jour-là, si la cordelette n’avait pas cassé ou si le parachute gonflé était remonté dans les pales, il y aurait eu cinq morts ».

Le Major Jean Pouzet, héroique sauveteur des PGHM de Chamonix et de Grenoble - Photo © Christophe GothiéMajor Jean Pouzet, secouriste au PGHM depuis 1977
« Quand je suis arrivé, jeune secouriste, à Chamonix, on m’a envoyé directement en face nord des Drus. Un énorme éboulement venait de se produire à la suite d’un séisme et il y avait un alpiniste blessé. Je me souviendrai toute ma vie du treuillage. Un gars équipé de jumelles avait été posté au pied de la face pour guetter les chutes de pierres ! Plusieurs centaines de mètres plus haut, moi je me trouvais en bout de treuil et le pilote de l’Alouette 3 tentait de s’approcher de la paroi pour me larguer... À plusieurs reprises, le type, en bas, a crié à la radio en voyant partir des blocs en amont de l’hélico : "Rochers ! ! ! Dégage ! ! ! !" Et le pilote dégageait à l’horizontale avec moi au bout du treuil... De vrais dingues, ces gars des équipages ! Ils sont finalement parvenus à me treuiller et j’ai passé une sangle autour d’un vague becquet. Des blocs gros comme des télévisions tombaient autour de moi. J’ai passé la nuit dans la face. Le lendemain matin, de retour à la DZ des bois, personne n’a fait de commentaire : un peu comme ci ce genre de secours était habituel ! Je me suis dit : « Bon, ces types, ce ne sont pas vraiment des ramasseurs de champignons ! »

Cyrille Tintillier, Mécanicien Opérateur de Bord sur Alouette 3 - Photo © Christophe GothiéCyrille Tintillier, mécanicien sur Alouette 3
« Un jour d’hiver 1994, nous partons en mission dans le Vercors pour un couple qui n’était pas rentré des hauts plateaux. Nous explorons plusieurs abris. Le dernier, c’était la cabane de Carrette. Au moment où Alain Franjou, le pilote, fait un "posé-glissé", un ski de l’Alouette 3 cède à l’avant et sectionne les commandes de vol. On sent alors que la queue de l’appareil va passer par dessus. Franjou, dans un réflexe fantastique, remet la puissance, évite la catastrophe : l’hélico se couche sur le flanc ! Le couple que nous cherchions, et qui ne devait en fait redescendre que le lendemain, venait de sortir en entendant l’hélico s’approcher. Nous aurions pu les tuer : dans le crash, des morceaux de la transmission sont partis se ficher dans le toit du refuge ! Dans l’Alouette, nous étions cinq : tous indemnes ! »

Vincent Saffioti, Pilote, chef de base Sécurité civile - Photo © Christophe GothiéVincent Saffioti, pilote, chef de base Sécurité civile
« Si on considère le rapport nombre de secours/accidents avec l’Alouette 3, c’est l’un des hélicos les plus sûrs. Mais un accident, cela peut arriver. En 1994, en vol, une pièce rotor a lâché : nous étions cinq à bord et j’ai réussi à poser sur la Mer de glace, un peu violemment tout de même. Nous nous en sommes sortis avec des ecchymoses. Franchement, certains soirs, après un secours très engagé, on est content de rentrer à la maison ! Mais nous sommes tous les mêmes : nous fonctionnons à l’adrénaline. Quand je ne vole pas pendant plusieurs jours, je ressens un vrai manque physique ». source

Propos recueillis par Denis MASLIAH

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