Retour sur le crash de Villard-de-Lans, témoignages de ces sauveteurs qui côtoient le risque

jeudi 23 septembre 2021

Le Grand Format de France Bleu Isère est consacré au secours en montagne, après le crash de l’hélicoptère de la Sécurité civile, le 12 septembre dernier à Villard-de-Lans, qui avait fait un mort, le mécanicien, et 4 blessés. Témoignages de ceux qui risquent leur vie pour sauver celle des autres.

"Il n’y a jamais de petit secours ! Dès qu’on monte dans l’hélico pour porter secours, il y a un risque, on engage la vie de l’équipage" explique Renaud Guillermet, le patron de la base Sécurité civile, installée sur l’aérodrome du Versoud, près de Grenoble.

C’est de là qu’a décollé, le 12 septembre dernier, l’un des deux "Dragon 38", ces hélicoptères du secours en montagne, avec à son bord, un pilote, un mécanicien opérateur de bord, deux secouristes du PGHM de l’Isère (Peloton de gendarmerie de haute montagne) et un médecin du Samu.

C’était leur cinquième secours de la journée. Ils avaient été appelés pour un vététiste polytraumatisé, sur le domaine skiable de Villard-de-Lans, à la Côte 2000.

Le secours en montagne, une nouvelle fois, en deuil
Ce jour-là, il faisait très beau et de nombreux promeneurs arpentaient les alpages, comme Gabrielle qui raconte : "On a vu l’hélicoptère tomber, on a vu la fumée de l’incendie. Un couple a couru pour que l’appareil ne s’écrase pas sur lui."

C’est le choc sur le plateau du Vercors et au sein de la grande famille du secours en montagne qui vient de perdre l’un des siens. Pierre-François Bonnard, le mécanicien, est décédé dans l’accident. Malgré les soins que lui ont prodigués ses collègues rescapés, puis les secours, arrivés très vite, en seulement sept minutes sur les lieux du crash, il était trop tard.

Dès le lendemain, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et celui de la Santé, le grenoblois Olivier Véran, se rendent au Versoud pour rencontrer les pilotes, les secouristes du PGHM, les membres du Samu et saluer la mémoire de Pierre-François Bonnard.

Gérald Darmanin reviendra le vendredi matin pour l’hommage de la Nation à ce "héros du quotidien" qu’était Pierre-François Bonnard, 42 ans, marié et père d’un petit garçon de 4 ans. Il a été fait chevalier de la Légion d’honneur, à titre posthume, avant d’être enterré, dans l’intimité familiale, à Chonas-l’Amballan, son village natal.

C’est à l’issue de cette cérémonie très émouvante que nous avons rencontré le Major Florent Merlet, 43 ans, secouriste au PGHM depuis 17 ans, et l’un des rescapés du crash. Il a accepté de nous raconter l’accident de l’intérieur.

"On était parti à cinq, on est rentré à quatre" - Le Major Merlet
"J’étais au fond de l’appareil. J’ai vu qu’on prenait une trajectoire serrée, comme cela peut nous arriver parfois, pour éviter des obstacles. Je pensais qu’on allait refaire un tour avant de se poser. Et c’est là que j’ai entendu un grand fracas. On s’était crashé. A ce moment-là, on pense à sauver sa peau et celle des collègues. Moi, j’étais coincé avec le médecin. J’ai réussi à me dégager, j’ai alerté les secours, avec mon autre collègue secouriste, on a sorti le médecin, qui était inconscient. Il fallait faire vite avant que l’hélico ne prenne feu. J’ai entendu deux explosions. Le pilote et Pierre-François étaient aussi sortis. Cela m’a rassuré dans un premier temps mais après, j’ai vite compris que cela n’allait pas pour Pierre-François. On a tenté un long massage cardiaque, mais c’était trop tard. On est parti à cinq et on est revenu à quatre. C’est terrible de perdre quelqu’un comme lui" lâche-t-il alors que sa voix, jusque-là assurée, se brise.

Le mécanicien est le premier exposé en cas de choc
De l’avis de tous, Pierre-François était un grand pro, méticuleux, dont la préoccupation numéro un était la sécurité de tous. Le mécanicien, c’est aussi celui qui est le plus exposé, de part sa place dans l’appareil, toujours près de la porte, au moment de se poser ou de l’hélitreuillage. "Je ne me souviens plus où était Pierre-François au moment du choc. Mais, cette position lui a sans doute été fatale" précise le Major Merlet.

Vincent Victoire, le pilote, n’a pas voulu, lui, parler du crash, car une enquête est en cours. Elle devrait durer plusieurs mois. On sait juste que l’hélicoptère datait de 2012 et qu’il venait de subir sa révision annuelle. Toutefois, Vincent Victoire a accepté d’évoquer la mémoire de son ami.

"C’est moi qui aurait dû partir, pas lui" - Le pilote de l’hélicoptère
"On travaillait ensemble depuis longtemps, on se connaissait bien, c’était un ami. Je l’aimais, je l’aime toujours, d’ailleurs. Un mécanicien, c’est les yeux du pilote, on forme un binôme uni. C’est injuste. C’est moi qui aurait dû partir. Pas lui. J’étais le commandant de bord, j’aurais dû ramener tout le monde à la maison, pour que chacun, le soir, puisse embrasser femme et enfants. Cela n’a pas été le cas pour Pierre-François." dit-il, dévasté par le chagrin.

Se reconstruire avant de repartir en mission
Vincent Victoire, tout comme le Major Florent Merlet, aura besoin de temps pour se reconstruire et reprendre ses missions. "J’attendrai d’être à nouveau à 100%, physiquement et surtout psychologiquement" reconnaît le secouriste du PGHM, qui ne souffre que de contusions costales. "Il en va de ma sécurité, mais surtout de celle de mes collègues et des personnes que l’on secourt."

Renaud Guillermet, le patron de la base hélico du Versoud, comprend cela. "Nous sommes là pour les entourer, les soutenir. Ils ont besoin de temps. Mais, moi, j’ai envie de repartir. Ne plus voir de Dragon 38 dans le ciel, cela me fend le cœur."

Et il ajoute : "Quand on survole certains endroits, on se rappelle des secours qu’on y a fait. Et puis, il y a les lieux où sont tombés nos collègues, comme dans les Écrins. Je ne peux plus remonter le glacier Blanc sans penser à Nicolas, de la CRS Alpes, décédé en secours en 2019. Maintenant, quand on passera à Villard-de-Lans, on pensera à Pierre-François. J’espère que ce sera la dernier" conclut-il, sans vraiment y croire. Car il sait que le secours est un métier à risque et que la montagne, parfois, peut se montrer terriblement cruelle. Source : francebleu.fr

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