A 500 mètres d’altitude et 2 000 mètres de distance, deux silhouettes sont bien visibles sur l’écran. Le gendarme, placé derrière le poste de pilotage de ce tout nouvel hélicoptère, surveille chaque fait et geste, de jour comme de nuit. Caméra thermique, projecteur infrarouge, vol silencieux..., cet appareil survitaminé en « hautes technologies » peut identifier des délinquants. Il assure aussi les missions de sécurité routière et de secours. Essai en vol.
Jeudi 28 janvier. Base aérienne de Vélizy en région parisienne. Nuit à 18 h 14. L’appareil s’arrache dans le crépuscule urbain. Aux commandes, le colonel Daniel Leimbacher, 5 000 heures de vol « hélico » et autant en avion. A droite, son copilote, le maréchal des logis-chef Philippe Bourrel. Le cockpit ressemble à celui d’un avion de ligne. Une technologie pour le vol. Et une autre pour la stratégie. A l’arrière de la cabine, l’opérateur observe un mur d’écrans vidéo et dirige avec un joystick la caméra thermique fixée sous le ventre de l’appareil.

La gendarmerie nationale vient de « toucher » son nouvel hélicoptère dernière génération doté d’un armement électronique digne de James Bond. L’appareil, un EC-135 équipé d’une biturbine, est un laboratoire électronique volant. « Plus vraiment un hélicoptère, avoue le colonel Leimbacher. C’est un véritable système d’armes ».

A dix kilomètres de distance, une HLM dans les Yvelines. Le pilote enclenche le « bas niveau de lumière » dans l’habitacle. Puis l’appareil passe en mode « silence » et s’immobilise à deux kilomètres de la cité et à 500 mètres de hauteur, en pleine obscurité. L’opérateur enclenche le zoom de la caméra. L’objectif balaie à 180 degrés et filme de jour comme de nuit. Dans l’obscurité, les silhouettes apparaissent en noir sur fond blanc ou inversement, selon le choix de l’opérateur. Sur un terrain vague, on distingue les silhouettes blanches de lapins gambadant près des bâtiments ; plus loin, quelques personnes discutent au pied d’un immeuble, une femme sort ses courses du coffre de sa voiture dont le moteur encore chaud apparaît en translucide sur l’écran vidéo.

Coup d’œil sur les toits déserts de l’immense cité. « L’EC-135 est par expérience l’appareil dédié aux missions de sécurité intérieure, confie le général Hervé Renaud, sous-directeur de la sécurité publique et de la sécurité routière de la gendarmerie, dont fait partie la nouvelle flotte des 27 appareils qui entrera en service dans l’Hexagone, en coordination avec les unités territoriales de police et de gendarmerie au sol. L’objectif est la sécurité des concitoyens et la lutte contre la délinquance. Nous les répartirons en fonction des nécessités de contrôle des flux routiers et des plaques urbaines ». Les images filmées par les gendarmes (officiers de police judiciaire) peuvent être enregistrées et transmises au sol afin que les équipages voient en direct comment se déplacent ou s’organisent des émeutiers. Une cartographie embarquée permet de poser le maillage réel des noms de rues sur les images retransmises et d’établir une situation tactique d’approche.

Autoroute A12, quelques minutes plus tard. La radio vient d’annoncer l’enlèvement par un père divorcé de son enfant. On recherche une voiture. A 100 mètres, l’hélicoptère survole l’asphalte, projecteur infra-rouge en marche. D’en bas, le halo lumineux est invisible, mais dans l’appareil, la vidéo est capable de lire les plaques minéralogiques. Le dispositif complet permettra également - en approchant sans être vu - d’intensifier la chasse aux « go-fast », ces convois automobiles des trafiquants de drogue, qui traversent la France de nuit en empruntant les autoroutes de l’Espagne vers les Pays-Bas, en roulant le plus vite possible. Terrible la nuit, l’EC-135 sera aussi impitoyable le jour dans ses missions de sécurité routière. Son « œil » lit une plaque d’immatriculation à une distance de... 800 mètres. Dominique RIZET source