À bord de Dragon 38-1

samedi 16 avril 2016

Bienvenue à bord de Dragon 38-1, aux côtés de son équipage.

La bise souffle, ce mercredi de mars, sur l’aérodrome du Versoud. À l’abri dans son hangar, Dragon 38-1 a reçu la visite matinale de son mécanicien. Il est prêt pour une journée de secours. Dans la salle de repos, l’équipe de permanence boit le café. D’emblée, ces membres préviennent : ils veulent être appelés par leur prénom, « parce que c’est plus humain ». Voici donc Rémi, le pilote, combinaison rouge, regard franc et réserve affable ; Pierre, dit « Pépé », mécano débonnaire et vigilant ; Géry, souriant médecin du SAMU, accompagné de Laurence, jeune interne du CHU qui fait ses premières interventions en hélicoptère. De neuf heures du matin à la tombée de la nuit, ils sont au service des malades et des accidentés, vers lesquels les enverront le SAMU et le CODIS – le centre opérationnel départemental d’incendie et de secours. En 2017, cela fera 60 ans que l’aventure dure. La base de Grenoble fut en effet la première de France, créée en 1957.

Équipage chevronné
Matinée calme. En attendant le premier appel, chacun évoque son parcours. Comme la quasi-totalité de leurs collègues, Rémi et Pierre sont d’anciens militaires. « Pour entrer à la Sécurité civile, il faut avoir 2 500 heures de vol, dont 200 de nuit, et huit années d’exercice comme pilote professionnel – cinq années sur hélico pour le mécanicien », expliquent-ils. Difficile de trouver pareils profils hors des rangs de l’armée. Rémi a rejoint la Sécurité civile en 2003, mû par des valeurs qu’il aime transmettre aux enfants des écoles qui l’invitent : « Le respect, le travail d’équipe avec les partenaires, le sens du service et de l’engagement  ». Pierre insiste : «  C’est un métier de passion et de caractère – et en matière de secours, c’est en montagne que l’hélico prend tout son sens. » Il en sait quelque chose, lui qui est chargé d’assurer le treuillage du médecin et du patient dans des conditions parfois dantesques. Par exemple, quand il faut remonter un blessé du fond d’une crevasse.

La montagne
La montagne, bien sûr, est ce qui a conduit Géry à rejoindre il y a neuf ans la vingtaine de médecins de la région spécialisés dans ces secours hors normes – tout comme Laurence aujourd’hui. « Chaque mission est différente, selon le lieu, la météo et la situation, souligne Géry. Le matériel change selon qu’on intervient en altitude, dans une zone avalancheuse, en paroi de glace. Le médecin doit être autonome, car il intervient seul auprès de la victime du point de vue médical, mais nous travaillons en équipe, et chacun veille sur les autres. » Et de remercier le mécanicien qui rattrapa son inattention après 24 épuisantes heures de garde : « Il m’a arrêté quand je me présentais devant la porte ouverte en oubliant de m’attacher. »
En montagne, l’équipage est complété par les secouristes du PGHM (Peloton de gendarmerie de haute montagne) ou de la CRS Alpes, « les pros de la montagne », disent ceux de la Sécurité civile. Nouvel arrêt, dans une boulangerie. Le détective téléphone à une cliente qui craint de voir son ex-mari quitter le territoire avec ses enfants. Impossible d’interrompre cet échange, il me met donc à contribution. Me voici achetant un croissant et surveillant les achats de la dame : nombreuses canettes de boisson énergisante, tartes, pain en quantité, voilà qui n’a guère de sens pour une dame seule de son âge. Ce n’est pas tout : notre cible file dans une zone industrielle et s’arrête à l’entrée d’une usine. Un ouvrier l’attend, à qui elle donne ses achats. De plus en plus étrange. « Il faudra vérifier si ce manège se reproduit plusieurs jours, explique David Liobard. Pour qu’un racket soit établi, comme pour un adultère ou une escroquerie, il faut prouver ce qu’on nomme la récurrence juridique.

Chamrousse en trois minutes
10 heures 15 : le téléphone sonne. Fausse alerte. Les pompiers préviennent simplement qu’un ancien obus vient d’être déterré à Eybens : « Il faudra éviter de survoler la zone le temps du déminage », note le pilote, qui n’a guère besoin de consulter ses cartes, tant le terrain – plaine et reliefs – lui est familier. Les deux hélicoptères de l’Isère – celui du Versoud toute l’année, et celui de l’Alpe d’Huez durant les deux mois d’été et les quatre mois d’hiver – et leurs cinq équipages effectuent quelque 1 200 sorties par an – 1 323 en 2015. Soit le double des bases françaises en moyenne. Une activité intense, qui s’explique à la fois par la population du département, par la géographie escarpée et par les activités sportives de montagne. Les deux Dragons 38 vont d’ailleurs au-delà de l’Isère, jusqu’au massif des Beauges, au mont Ventoux et aux reliefs drômois. Ils sont parfois réquisitionnés plus loin, comme après le crash de la Germanwings en 2015. « Avec une vitesse de 4 km à la minute, on est aux limites du département en un quart d’heure, à Chamrousse en trois minutes », indique Pierre. Voilà qui donne tout son sens à l’expression « à vol d’oiseau ».

Sur la brèche
À midi, l’équipe file avaler un plateau-repas. Quinze minutes chrono. La permanence, c’est un état d’alerte dissimulé sous une apparente décontraction. Chacun sait qu’en cas d’appel, il devra se mobiliser en quelques minutes. Mais aujourd’hui, le temps maussade décourage les montagnards. On en profite pour se moquer gentiment des promeneurs de plus en plus nombreux à appeler l’hélicoptère sans réel motif – perdus à 300 mètres de leur voiture. « La rupture de moral et le déplacement de motivation sont des pathologies en progression », blague Pierre. Les secouristes ne négligent pourtant aucun appel, quitte à guider à distance les distraits, voire à envoyer l’hélico. Parfois, la recherche se prolonge de nuit. Pilote et mécanicien chaussent alors leurs lunettes de vision nocturne, lourd équipement tout droit sorti d’un vieux film de science-fiction, indispensable pour voler dans le noir.

Amener l’hôpital au patient
13h10 : coup de fil. Cette fois, c’est sérieux. Une dame d’Engins, sur le plateau du Vercors, ressent des douleurs suspectes au thorax ; son médecin estime urgent de l’envoyer à l’hôpital. Le médecin régulateur du SAMU transmet l’ordre de mission au Versoud. « On se prépare et on y va », lâche Rémi. Géry et Laurence chargent leur matériel dans l’hélicoptère et prennent place à l’arrière. Casque orange sur la tête, Pierre et Rémi amorcent le décollage dans un vrombissement monstrueux. Soudain, Grenoble n’est plus qu’une vaste conurbation dans les hublots. A peine le temps de repérer la mairie que voici déjà le Vercors. « OK, je vois le VSM (le véhicule de secours médical des pompiers, ndlr), crachotte la voix de Pierre dans les casques. On ne peut pas atterrir près de la maison : trop de poteaux. » Rémi vire, direction Lans-en-Vercors, pour se poser dans un champ. Les pompiers sont prévenus par radio. « L’hélico permet d’emmener rapidement les patients à l’hôpital, mais aussi de libérer les équipes de secours plus vite pour d’autres missions », relève le pilote. Parfois, comme aujourd’hui, il faut attendre les pompiers. Rémi en profite pour inviter les badauds à regarder sa machine. Mais voici le camion rouge. C’est au tour des médecins d’entrer en jeu. « La vision française des secours, c’est d’amener l’hôpital au patient », résument-ils, s’activant auprès de la dame allongée dans le véhicule d’urgence, avant de la transférer dans une barquette, dans l’hélicoptère. Laurence transmet un premier bilan par téléphone au CHU. Une brève poignée de main aux pompiers, l’équipage rembarque.

Sur le toit du CHU
« C’est parti pour la descente infernale, lance Pierre. Géry, il faut du chauffage à l’arrière ? » Dragon 38-1 passe les Trois Pucelles et plonge vers la ville. Les rafales de vent bousculent l’appareil. « Attention, ça dandine du c…  », avertit le mécano. Mais les médecins se concentrent sur leur patiente et le moniteur qui affiche son rythme cardiaque. Cinq minutes plus tard, après atterrissage sur le toit du CHU, la dame est évacuée vers le service cardiologique. « Maintenant, on attend le retour de l’équipe médicale, explique Rémi. Un bon équipage doit être patient, disponible, à l’écoute, mais aussi… avoir du caractère. »
À quoi il faut ajouter un cœur solidement accroché, pour les jours où il faut aller chercher en paroi les alpinistes morts de froid au bout de leur corde, ou les suicidés du Saint-Eynard. Heureusement, les sauvetages réussis sont légion. Skieurs, vététistes, randonneurs, grimpeurs, parapentistes, accidentés de la route, du travail ou de la vie domestique, malades : nombreux sont ceux qui doivent la vie à une silhouette rouge et jaune vrombissant dans le ciel, à un treuil descendu in extremis, à l’engagement d’équipages qui ne comptent ni leurs heures ni leur courage.
Il est 15 heures. Dragon 38-1 est revenu à la base. Pierre refait le plein. Géry et Laurence refont leurs sacs. Rémi remplit son compte-rendu de vol, prévient le CODIS que l’équipage est prêt pour une nouvelle mission. (...) Lire la suite sur captiv-magazine.com ou sur calameo.

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