Ils veillent sur nous en montagne

dimanche 31 janvier 2016

Incomparable pôle d’attractivité, la montagne fait rêver. Et des centaines de milliers de pratiquants affluent sur les massifs, quelle que soit la saison. Les hommes du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) sont en alerte comme hier dans les Alpes. Nous avons passé 24 heures avec eux à Luchon, dans les Pyrénées.

Sur piste ou hors piste, en rando ou à VTT, en parapente ou en canyonning, aguerris ou novices tous les pratiquants sont exposés aux risques d’accident. Une banale promenade loin des zones habitées, un pied qui roule sous une pierre, une chute… c’est le scénario banal pour une aventure qui peut alors très mal tourner. Mais les secouristes du peloton de gendarmerie de haute montagne veillent. Dans les Pyrénées comme dans les Alpes, ils interviennent (en alternance avec les CRS selon une organisation très encadrée) quand les autres ne peuvent plus intervenir, sur des périmètres délimités : les communes de montagne. Pour les stations de skis, la sécurité de base est assurée par les pisteurs. Mais les maires peuvent faire appel au préfet que ses moyens sont dépassés. Avec pour les gendarmes deux options en cas d’alerte, l’hélicoptère (80 % des interventions) ou l’approche en caravane terrestre. ou les deux combinées.

L’histoire du secours en montagne dans les Alpes comme dans les Pyrénées est marquée de faits héroïques et de drames tragiques. De Chamonix, qui est la plus grosse unité de secours en montagne au monde, à Luchon, l’engagement est le même. En plus des hommes qui bénéficient d’une formation hors-norme, leur principal allié est l’hélicoptère. « Il est utilisé depuis 1954. L’Alouette 2 et 3 ont écrit des pages historiques du secours en montagne. Depuis 1976, nous avons des Écureuils 145 et 135 » explique le capitaine Jean-Christophe Royer, qui commande la base de Tarbes-Laloubère et qui est lui-même pilote.

« Nous avons, simplement pour la Haute-Garonne, la plus grosse concentration de sommets à 3 000 » analyse le lieutenant Maxence Guillon, patron du PGHM de Luchon en décrivant le large éventail de ses missions.

Mais les alertes se suivent et ne se ressemblent pas. En partant en intervention, les équipes d’intervention ne savent jamais ce qu’elle sera vraiment. Accident de ski ou de travail sur les chantiers d’altitude, personne disparue, les missions ont de toute façon le même objectif : arriver le plus vite possible. Et quand l’hélico est cloué au sol par la météo, les secours sont déployés en caravane terrestre, c’est alors en termes de timing d’urgence un des pires scénarios, mais les gendarmes secouristes font face. Ils sont gendarmes et secouristes et c’est d’ailleurs l’un d’entre eux qui a inventé le dispositif « Gend’loc » qui permet de localiser une victime avec exactitude.

Face aux risques de la montagne, « il y aura toujours la part du danger objectif précise le lieutenant Maxence Guillon, mais nous travaillons sur les dangers subjectifs ». Autrement dit, le risque zéro n’existe pas mais le bon sens peut le limiter.

Rencontrez les sauveteurs à Luchon-superbagnères
Pour le Lieutenant Maxence Guillon, qui commande le PGHM de Luchon, un des passages obligés entre deux interventions, intègre la pédagogie. Ses hommes seront mobilisés le 7 février à Superbagnères et le 21 à Peyragudes pour une opération de sensibilisation sur les premiers secours. Le PGHM 31, qui a sa page facebook, tisse des liens étroits avec les usagers de la montagne.

« En hiver, l’alerte maximale a lieu pendant les vacances scolaires explique-t-il. Mais le pic d’intervention a lieu pendant les mois de juillet et août. A l’année, le Détachement aérien de gendarmerie de Tarbes effectue 400 interventions par an en hélicoptères, 400 personnes récupérées en montagne, et 700 treuillages entraînement des hommes compris ».

Des interventions en hausse régulière, à mettre en parallèle de la hausse de fréquentation que connaissent les zones de montagnes et donc de hausse des accidents.

Mais il y a moins d’imprudence que l’on croit soulignent les gendarmes sauveteurs.

« On voit moins de gens qui se sont mis en danger par ignorance » affirme également le docteur Pierre Sallerin qui plaide avec sagesse : « Tout le monde, en montagne, a droit à l’erreur ». Médecin qui souligne également que la généralisation du port du casque a changé le cours de choses et évité bien des traumatismes plus graves ou fatals a de nombreux skieurs et surfeurs.

Au PGHM, tous ont en commun la même passion pour la montagne, la même excellence dans ses pratiques sportives (ski, escalade, rando....) et le même engagement pour le secours aux personnes. Tous ont aussi suivi un parcours de formation qui peut aller jusqu’à 44 semaines pour maîtriser tous les gestes, prendre les bonnes décisions, mener de caravanes au sol pour organiser les secours. Pour devenir les « Saint-Bernards » des montagnes.

Sur la semaine de permanence gendarmerie, les PGHM 31 et 65 peuvent compter sur 28 secouristes, ainsi que 40 personnels supplémentaires issus des groupes montagne gendarmerie répartis dans les unités territoriales. Coté médecins, ce sont dix urgentistes montagne qui assure les gardes chacun à leur tour pour les deux départements.

Reportage

Alerte permanente pour les Gendarmes du PGHM
Été comme hiver, de jour comme de nuit et quelles que soient les conditions météorologiques, les hommes du peloton de gendarmerie de Haute-Montagne de Luchon sont toujours prêts à intervenir. Leur domaine, c’est les sommets, en Haute-Garonne comme dans les Hautes Pyrénées. Une fois l’alerte donnée, tous les rouages de la chaîne du secours se mettent en place selon des procédures bien réglées.

9 heures : Aéroport de Tarbes Laloubère. Le soleil est déjà haut et annonce une superbe journée, la météo prévoit, au sol une température de 15 degrés. Question visibilité, il n’y aura aucun problème. Le pilote et les deux mécaniciens sont déjà sur place. Les deux gendarmes de permanence (l’un du PGHM de Luchon l’autre du PGHM basé à Pierrefitte-Nestalas) sont là aussi. Pour chacun, la journée commence par un même cérémonial : le « check » des sacs. Chaque sauveteur contrôle son matériel : des cordes, de quoi progresser par tous temps, de quoi passer la nuit en montagne s’il le fallait. Une pelle pour faire un trou dans la neige et s’y reposer quelques heures. « Mais on connaît aussi tous les refuges, souligne l’adjudant-chef David Sicilia, adjoint au PGHM. « On peut aussi y passer un moment la nuit avant de reprendre les recherches ». L’attente va commencer. Et peut durer des heures. Prêts, ils savent que tout peut basculer à tout moment.

12 heures : Rien à signaler. En hiver, c’est la période charnière. L’expérience montre que c’est à partir de maintenant que les accidents surviennent le plus souvent. L’été, les sorties commencent beaucoup plus tôt et les repas se prennent sur la « drop zone ». Aujourd’hui, ils vont déjeuner à la caserne, en ville, mais restent joignables et mobilisables en cinq minutes. Tout comme le médecin urgentiste qui assure la permanence à l’hôpital de Tarbes.

15 heures : Pour le Capitaine Jean-Christophe Royer, pilote de l’hélicoptère, l’après-midi s’annonce calme, il jette régulièrement un coup d’œil aux bulletins météos. Lui aussi sait qu’en une minute, il saute dans l’inconnu, parce que chaque intervention est différente, risquée. Tout l’équipage restera en alerte jusqu’à la tombée de la nuit (les journées peuvent être longues l’été). L’hélicoptère est équipé pour voler la nuit avec des intensificateurs de lumière. Une journée peut être calme, ou terrible. « Ici, on sait qu’on est en première ligne » explique David Sicilia, « ce sera nous les premiers acteurs ; ce sera à nous de prendre les bonnes décisions ».

15 h 30 : Alerte. L’adjudant Mathieu Bonhomme, secouriste au PGHM 65 est au téléphone. Le médecin urgentiste est prévenu et arrive aussitôt. Le chariot positionne l’hélicoptère sur son point d’envol. Les sacs sont chargés et tout le monde embarque. Direction le Pic du Midi qu’on atteint en un quart d’heure (lire ci dessous) pour rechercher un skieur que des témoins ont vu en détresse, depuis l’observatoire. A bord, le docteur Pierre Sallerin est concentré. Il sait que malgré les descriptions faites au téléphone, seules les indications qui seront données par le premier secouriste qui arrivera auprès de la victime compteront réellement. Il est urgentiste en montagne depuis 18 ans. Et sait que ces premières minutes, que les gestes qu’il fera seront cruciaux, vitaux. « La montagne, ça fait des blessés graves ou des morts, j’y pense bien sûr ».

16 h 15 : la victime est déposée sur le parking de la station de La Mongie. Choquée mais indemne. Retour à la base pour l’équipage. L’hélicoptère est repositionné pour un éventuel redécollage. Niveau de carburant vérifié. Pilotes et secouristes se retrouvent pour débriefer. La pression redescend peu à peu mais pas totalement.

19 heures : La nuit tombe. Les mécanos rentrent l’appareil et commencent leurs vérifications. Pas question d’immobiliser la machine très longtemps. Il faut travailler de nuit pour effectuer les contrôles et l’entretien, quand les probabilités de sorties sont les plus minces. Les équipes repartent chez eux mais restent en alerte. La nuit sera calme.

8 heures, le lendemain : Siège du PGHM de Luchon. Tous les hommes sont là depuis une bonne heure. En plus des équipes de permanence, plusieurs gendarmes sont réquisitionnés pour un exercice d’intervention. Et monteront en colonne jusqu’au Port de Balès, à 1 800 mètres d’altitude ou l’hélicoptère viendra les chercher.

9 heures  : Port de Balès : Le scénario est simple : un randonneur s’est cassé la jambe dans une très forte pente. Les gendarmes seront déposés par l’hélico sur une arête rocheuse au-dessus de la victime par groupe de deux. Dix hommes sont mobilisés. Les gendarmes et le médecin vont progresser jusqu’à la victime, identifier sa blessure. Il faudra le remonter à dos d’homme, selon le système du cacolet. Pour cela, il faut installer tout un système de cordage et d’assurance. Puis créer une sorte de plate-forme d’où pourra être hélitreuillée la victime. Pour l’instant celle-ci est vingt mètres en contrebas, coincée dans les arbres. L’exercice permet de répéter les bons gestes de renforcer les réflexes et de travailler en équipe. Le secours en montagne, c’est comme une partition jouée à plusieurs : pas droit à la fausse note. « Donc on répète, on s’entraîne tout le temps » explique Maxence Guillon, le patron du PGHM.

10 h 30 : Arrivés sur la plate-forme, la victime et un premier gendarmes sont hélitreuillés. Opération délicate dans un environnement hostile. Il y a des arbres, et de la pente. Le gendarme guide l’arrivée du treuil, s’accroche avec la victime et s’envole directement. Puis l’hélicoptère s’éloigne rapidement du relief, prend de l’altitude, tout en remontant le duo qui aura bientôt près de 2000 mètres de vide sous ses pieds. Panorama imprenable mais grand frisson quand même. Arrivée à quatre mètres sous l’hélicoptère le vacarme est assourdissant, le risque de partir en toupie existe. Il faudra s’asseoir sur le patin, puis grimper dans la cabine. L’adjudant-chef Bruno Gueguen, mécanicien, fait des signes pour rassurer la victime. Voilà, c’est fini, elle est en sécurité. Fin de l’opération et debriefing au Port de Balès. Il est 12 heures, l’entraînement dure depuis plus de trois heures, et pas un signe de fatigue chez les gendarmes secouristes, mais la concentration encore et toujours pour déterminer ce qui allait et ce qui allait moins. Pendant tout le temps de l’exercice, « Choucas », l’hélico, était posé à Nistos, prêt à récupérer médecin et gendarmes pour intervenir sur n’importe quel coin du massif. L’exercice aurait été alors mis entre parenthèses.

14 heures : Retour à Luchon. Pour les hommes, cet après-midi est dédiée au secourisme. On éprouve leur capacité à intervenir sur différents cas concrets. S’entraîner perpétuellement pour ne jamais trembler en cas d’intervention. Pendant ce temps l’adjudant Patrick Lecomte, maître-chien n’est jamais loin de « Easton », son Berger Belge Malinois. Tous les deux font partie intégrante du secours en montagne, été comme hiver. Tous deux sont prêts à intervenir à la moindre alerte.

Mercredi, ils lui ont sauvé la vie
Originaire du Nord, le skieur en détresse avait effectué une première descente le mercredi matin en compagnie d’un guide. Et avait envie de recommencer seul l’après-midi. La descente du Pic est un des endroits les plus difficiles à skier dans les Pyrénées. L’émotion est certes intense, mais réservée aux bons skieurs. Le nordiste a choisi un départ du côté le plus pentu et a dérapé une centaine de mètres après avoir commencé sa descente, puis est tombé une première fois. Il a alors glissé sur plusieurs dizaines de mètres. Il a choisi alors de déchausser ses skis (« l’option à ne pas choisir » insiste un secouriste) et a glissé une seconde fois. Il a pu gagner une zone herbeuse, sans neige et s’est alors arrêté tétanisé.

Ce sont des personnes présentes sur le belvédère du Pic qui ont permis de déclencher l’alerte. Plus bas dans la vallée, à Tarbes, il est 15 h 30 lorsque l’appel arrive, 15 h 45 quand l’hélico décolle.

À bord, l’ambiance est épaisse, on sent la tension chez les sauveteurs et le médecin. On dirait que le temps ralenti, que les gestes sont mentalement décomposés alors que l’hélico file à toute allure. « Oui, dans ces moments, on est très concentrés » explique David Sicilia, « il faut être sobre dans les gestes ». Un quart d’heure après, l’hélico est sur zone et commence alors une délicate recherche. La victime est signalée près des pylônes du télécabine. Pas question de voler trop près.

Le skieur est habillé de noir et s’est réfugié sur une zone de terre et de cailloux. Noir sur marron, vu du ciel, la tâche est compliquée mais ce sont quatre paires d’yeux (et des bons) qui scrutent les environs immédiats. Par liaison radio, le pilote est en contact avec le PC. L’hélico passe en stationnaire se déplace un peu plus haut, puis un peu plus bas, s’éloigne pour mieux revenir. Puis soudain, voilà, le point noir est repéré, identifié : la victime ne semble pas blessée, mais ce n’est qu’une fois près d’elle que le diagnostic sera rendu. Un premier gendarme est descendu au treuil. C’est la procédure, il va sécuriser la zone pour permettre que l’intervention se déroule au mieux, pour la victime et les sauveteurs. Une intervention est toujours compliquée, même par grand beau temps comme c’était le cas ce mercredi. Il faut combiner l’analyse du relief, les conditions météo, les variations de vent, l’urgence pour la victime, les possibilités de l’évacuer directement… autant d’éléments qui reposent sur la connaissance et l’expérience. Pour le coup la victime va bien signale Mathieu Bonhomme, le premier arrivé sur place. Elle est juste tétanisée par la peur et sera donc hélitreuillée et déposée en contrebas.

A quelques mètres près la glissade l’aurait irrémédiablement entraîner sur une chute d’au moins trois cent mètres. Une glissade alors forcément mortelle. Plus tard dans la soirée, encore choquée par sa mésaventure elle passera à la drop zone de Laloubère pour remercier ses sauveteurs. (...) Lire la suite sur ladepeche.fr

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