Sécurité civile : “Dans ce métier, il faut se blinder”

mercredi 15 septembre 2004

Hervé Labous dirige la base d’hélicoptères de la Sécurité civile à La Vèze. Pilote de l’hélicoptère rouge et jaune, il passe le plus clair de son temps à sillonner le ciel pour des missions parfois périlleuses.
La base d’hélicoptères de la Sécurité civile est entrée en fonction il y a tout juste un an. Est-ce qu’elle fonctionne à plein régime ?
Hervé Labous, ancien militaire, est capitaine de police, chef de base et pilote de l'hélicoptère de la Sécurité civile - Photo presse-bisontine.frHervé Labous : La base est opérationnelle depuis le 27 septembre 2003. Si on dresse un bilan de l’année 2004, à ce jour (le 15 septembre), nous avons déjà effectué 415 sorties. Sur ces 415 sorties, 261 missions étaient des secours à personnes, 8 missions de recherche, 28 missions de reconnaissance, prévention et coordination des secours. Le reste, 109 missions, c’était de l’entraînement de nos partenaires et des vols techniques. Sur les 261 missions de secours, 62 % ont été effectuées sur les lieux mêmes de la détresse (domicile des personnes, route, montagne). 38 % sont donc des prises en charge secondaires, c’est-à-dire dans un hôpital périphérique pour un transfert au C.H.U. de Besançon ou à Lyon, Strasbourg ou Paris pour les cas les plus graves. Après un an de fonctionnement, la base de La Vèze est déjà à un bon rythme de croisière.
L.P.B. : Que recouvre le terme de “Sécurité civile” ?
H.L. : C’est une des directions du ministère de l’Intérieur. La Sécurité civile comprend notamment la direction des pompiers, le groupement des moyens aériens avec la base avion de Marignane (avec tous les avions bombardiers d’eau : canadairs, trakkers) et donc le Groupement des Hélicoptères de la Sécurité Civile avec 22 bases en France. La Vèze est une de ces 22 bases. Tout le personnel attaché à la Sécurité civile dépend donc du ministère de l’Intérieur. Pour ma part, je suis capitaine de police.
L.P.B. : Quelles sont vos différentes missions depuis la base de La Vèze ?
H.L. : Elles sont très diverses. Il y a d’abord le secours d’urgence et le sauvetage, c’est-à-dire l’évacuation des personnes en détresse, le transport d’équipes de secours et de matériel spécialisé, la recherche, la surveillance. Il peut s’agir aussi de lutte contre les feux de forêt, de transports sanitaires, ou encore des missions de police : sécurité des grands rassemblements comme un Technival ou le Tour de France ; Nous effectuons aussi des missions de recherche dans un cadre judiciaire, du contrôle et de la régulation routière et enfin, des missions de mise en condition du personnel et du matériel, c’est-à-dire de l’entraînement. Ça nous arrive parfois aussi de faire du transport de V.I.P. (hommes politiques). C’ ;est très varié.
L.P.B. Avant de diriger la base de La Vèze, quelles ont été vos autres fonctions ?
H.L. : J’ai passé 3 ans comme chef de base à Granville (Manche), 8 ans chef de base au Havre et deux ans et demi pilote à Strasbourg.

"Nous sommes en mesure de décoller sans délai"
L.P.B. : Comment fonctionne la base de La Vèze ?
H.L. : Nous sommes 7 personnes : 3 pilotes, un instructeur-pilote et 3 mécaniciens sauveteurs secouristes (M.S.S.). Le service de chacune de ces personnes varie entre 1 et 7 jours d’alerte maximum. La base est ouverte 365 jours par an, sans exception. Il y a une présence effective à la base de 8 h 30 le matin jusqu’au coucher du soleil. Pendant cette période diurne, nous sommes en mesure de décoller sans délai, quasi-immédiatement. La nuit, nous sommes d’astreinte à domicile à tour de rôle et susceptibles d’intervenir partout sur le territoire franc-comtois en une heure maximum. À chaque intervention, il y a dans l’hélicoptère un pilote et un M.S.S. Au besoin, on complète avec une équipe spécialisée selon le domaine d’intervention (une personne du S.A.M.U. qu’on embarque à l’hôpital, un sapeur-pompier, un gendarme du groupement de montagne des Rousses, un démineur, etc.).
L.P.B. : Quelle est votre zone d’intervention ?
H.L. : Nous sommes un moyen national prépositionné. C’est-à-dire qu’au quotidien, nous travaillons par délégation dans notre région d’implantation (les 4 départements francs-comtois) mais nous sommes susceptibles d’intervenir partout en France. Il y a quelques mois, nous avons fait par exemple un sauvetage dans la Loire, pour une inondation à Roanne. Nous pouvons intervenir sur des événements comme les incendies dans le Sud ou la marée noire du Prestige par exemple. En Franche-Comté, en une demi-heure maximum, nous sommes sur le point le plus éloigné de la région, tout au Sud du Jura.
L.P.B. : C’est impressionnant…
H.L. : Oui, mais nous serions encore plus performants si nous avions une équipe médicale à la base. Pour aller à Pontarlier par exemple, nous ne serions pas obligés de passer par le C.H.U. de Besançon, nous gagnerions un 1/4 d’heure. À terme, c’est le but à atteindre pour rendre à la population franc-comtoise le service pour lequel tout citoyen paye ses impôts. De nos interventions, rien n’est facturé, c’est l’État qui paye le fonctionnement du service.
L.P.B. : Un service qui coûte cher ?
H.L. : Le fonctionnement de la base ne coûte pas cher en soi. C’est surtout le matériel.

"Le coût d’un hélicoptère comme le nôtre s’élève à 5,3 millions d’euros"
Devant l'impressionnant E.C. 145, Hervé Labous (à droite) et Marck Duchatel, responsable mécanicien de la base de La Vèze - Photo presse-bisontine.frL.P.B. C’est du matériel dernier cri !
H.L. : En effet, l’hélicoptère est un E.C. 145, de la firme franco-allemande Eurocopter. À l’intérieur, son instrumentation est digne d’un avion de ligne, d’un Airbus.
L.P.B. : C’est-à-dire ?
H.L. : À chaque départ, le service de coordination des pompiers nous donne les coordonnées précises du lieu d’intervention. En même temps que le décollage, nous rentrons les données dans le système de navigation. Ensuite, le pilote automatique dirige seul l’appareil à l’endroit précis, nous indique instantanément l’heure d’arrivée, le temps de parcours, se cale sur les vents, la météo et règle l’altitude de vol tout seul. Ce nouvel E.C. 145 est un bijou de technologie. Il remplace progressivement dans toutes les bases les Alouette 3. Fin 2005, toutes les bases françaises seront équipées d’E.C. 145.
L.P.B. : Comment devient-on pilote de la Sécurité civile ?
H.L.  : Pour intégrer la formation, il faut avoir moins de 40 ans, 12 ans de métier de pilote ininterrompus, 2 500 heures de vol dont 200 de nuit. La plupart des pilotes sont d’anciens militaires formés dans l’Armée. À peine 2 % de nos pilotes sont issus du privé, car ces formations coûtent cher.
L.P.B. : Y a-t-il de l’appréhension à chacune de vos sorties ?
H.L. : Il n’y a pas d’appréhension car on connaît notre métier et la machine. En revanche, il y a plus d’adrénaline lorsque les conditions de la mission sont particulières, soit à cause de la météo soit quand on se retrouve sur un secours très dur à supporter sur le plan psychologique. Car on arrive toujours sur les lieux mêmes des accidents. Et on ne s’habitue jamais à la détresse et à la souffrance. Parfois, quand on peut éviter de voir, on ne regarde pas. Dans ce métier, il faut se blinder, se protéger.
L.P.B. : La routine n’existe pas dans votre métier !
H.L. : Jamais. L’intérêt, c’est que quand on arrive le matin, on ne sait pas quand on devra partir et quand on part, on ne sait jamais quand on revient !
Propos recueillis par J-F.H. Source presse-bisontine.fr

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