« J’étais le Saint-Bernard des hélicos »

mardi 19 mars 2013

Au musée de l’Alat, six personnes bénévoles veillent à la restauration d’un HSS de 1960. L’hélicoptère s’est confié à « Sud Ouest »…
Les bénévoles de l'Association des amis du musée de l' Alat s'affairent depuis un an et demi autour du Sikorsky HSS - Photo Isabelle LouvierVoilà un an et demi que je suis entreposé dans ce hangar de restauration, dit aussi la « clinique ». Je suis bichonné, décortiqué, démonté, décapé, remonté, peint par une équipe de six gars, bénévoles et complètement toqués de mécanique et d’hélicoptères. Je m’appelle HSS n°143 et je précise que, comme vous, je n’ai pas choisi mon prénom. Il me vient de mon constructeur, Ygor Sikorsky, que les passionnés de la chose reconnaîtront. Je suis né américain, en 1960, à une époque où les Français ne fabriquaient pas encore de Puma ou de Super Frelon. Ils les achetaient au pays de Kennedy pour gonfler leur flotte du temps de la guerre d’Indochine ou d’Algérie.

En Algérie et au Tchad
Alors, moi l’Américain, j’ai servi pendant vingt-cinq ans dans la Marine nationale française. Dans ma prime jeunesse, j’ai participé à la guerre d’Algérie jusqu’en 1961 sous le nom opérationnel de « Rameurcanon », avec un canon de 20 mm monté en sabord. Je me souviens aussi avoir participé à la guerre au Tchad en 1970 et d’avoir été embarqué sur des porte-avions comme « Arromanches », le « Foch » ou le « Clémenceau ». J’étais transporteur de commandos à la célèbre flottille 33F avant d’être très actif dans la lutte anti sousmarine.

À SAVOIR
Le musée de l’Aviation légère de l’armée de terre et de l’hélicoptère a rouvert ses portes depuis le 1er mars. Ouvert de 14 à 18 heures. 05 58 35 95 24.

LES BÉNÉVOLES
L’Association des amis du musée de l’Alat (Aamalat) assure l’exploitation du musée. Deux équipes de bénévoles s’occupent du fonctionnement du musée, doté d’une boutique. Environ 15 personnes, tous anciens pilotes ou mécaniciens de l’Alat, guident les visiteurs. Les autres, les six, rénovent actuellement un des hélicoptères exposés au musée, le Sikorski HSS, n°143.

Dans mes 14,25 m de long et 4 de large, je pouvais transporter 15 hommes et près de 2 tonnes de matériel. En fait, j’étais un peu le saint-bernard des hélicoptères. Je me souviens avoir sauvé beaucoup d’hommes. Comme le Super Frelon après moi. Si nous avions les mêmes missions, la mémoire collective se souvient davantage de mon successeur. Peut-être parce qu’il est 100 % made in France pour reprendre un terme à la mode. Mais je crois aussi qu’il a su bénéficier, dans les années 80, au moment de son émergence, d’une lumière médiatique que je n’ai jamais connue. Je n’en ai cure.

Mon arrivée en vol en 1979
Après 4 200 heures de vol, je suis donc rentré dans ma base, à Saint-Mandrier. Ma carrière s’achevait. Je connaissais le sort réservé au plus grand nombre : être détruit dans l’anonymat le plus complet. Sauf que depuis cinquante ans, les pilotes d’hélicoptères de la Marine sont formés à l’école de l’Alat de Dax. L’Aéronavale a donc offert trois appareils au musée, à peine ouvert : une Alouette 2, le Léviathan SA321 Super Frelon et... moi. Je suis arrivé en vol en provenance de Saint-Mandrier en 1979. Si certains se rappellent l’émotion d’une arrivée en vol du Super Frelon - encore lui - avec des larmes qui coulent au coin de l’oeil du pilote, je peux vous assurer que pour nous aussi, c’était troublant. Et pudique.

J’ai donc intégré le musée qui compte aujourd’hui 30 spécimens. J’étais le troisième, après la Banane et le Djinn dont les noms me font encore rigoler aujourd’hui. Depuis près de trente-cinq ans, je suis l’un des piliers de ce musée, suscitant l’admiration des visiteurs. Mais voilà, à presque 53 ans, je vieillis mal. Il faut dire que je n’ai jamais été restauré ! Je suis sensible aux changements thermiques et mon passé d’engin des mers ne me sert pas : même si j’étais retapé après chaque campagne, je souffre encore des conséquences de l’eau salée incrustrée dans mes entrailles. Bref, l’équipe des bénévoles de Gérard Mordant, ancien mécanicien naviguant, ne me lâche plus depuis un an et demi. Ils ne sont que six et, j’en ris souvent, sont tous plus âgés que moi ! Et malgré ça, ils se glissent dans ma tête, ma peau, mon cœur. Et m’ont même gratté le ventre pendant des heures, allongés sur le dos. J’entends souvent dire Gérard que leur travail, « c’est 20 % de mécanique et 80 % de restauration ». Cette dernière reste la tâche la plus ingrate. Mais inlassablement, ils grattent, décapent, peignent comme l’incroyable Georges Larrieu. Vous ai-je dit que c’était un ancien de la SNCF ? Son rêve était d’être pilote. À 75 ans, je crois qu’il l’assouvit un peu. Comme René Bruges, ancien chimiste et photographe ou Michel Leroy, un ancien d’EDF. Avec Gérard Mordant, André Coulet et José Richet, deux anciens instructeurs pilotes, complètent ma joyeuse flotte. (...) Lire la suite sur sudouest.fr

Vos commentaires

  • Le 20 mars 2013 à 09:27, par Chris En réponse à : « J’étais le Saint-Bernard des hélicos »

    Magnifique témoignage d’une génération de passionnés du "métier" issue d’une époque magnifique certes révolue, mais fasse le ciel que nos équipages actuels puissent également témoigner dans l’avenir et avec la même ferveur, une telle admiration pour les appareils d’aujourd’hui.

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