L’hélicoptère sanitaire menacé

mardi 5 avril 2011

OUI ! Les hélicoptères des SAMU risquent de ne plus pouvoir voler la nuit. Sont en cause deux réglementations contradictoires, l’une européenne dite « OP3 », qui considère simplement que le transport sanitaire s’apparente au transport public de passagers et impose aux pilotes des hélicoptères sanitaires l’obligation d’un entrainement régulier au vol de nuit assorti d’une qualification spécifique régulièrement remise à jour. D’autre part, un décret dit “Borloo” (décret n° 2010-1226 du 20 octobre 2010) qui limite, très imprécisément d’ailleurs, le trafic des hélicoptères dans les zones à forte densité de population. On arrive donc ainsi au paradoxe suivant : les pilotes de Samu peuvent voler la nuit avec un malade ou un blessé, mais ils ne peuvent pas s’entraîner pour répondre à la règlementation et ainsi assurer cette mission en toute sécurité.
L’intérêt de ces “évacuations” sanitaires héliportées n’est plus à rappeler ; c’est aussi une manière de rééquilibrer les chances des malades éloignés des centres spécialisés par rapport aux “urbains”. L’hélicoptère « sanitaire » est beaucoup plus qu’un simple moyen de transport, c’est aussi un outil qui touche à l’harmonisation de l’aménagement du territoire.

Quant au vol de nuit proprement dit, on pourrait objecter que lorsque les conditions météorologiques ne sont pas conformes à l’organisation d’un tel vol, on se passe de « l’oiseau ». C’est parfaitement exact mais ce ne peut être un argument : la météo ne relève pas encore de la volonté humaine et s’impose. Il n’en est pas de même pour des textes réglementaires et circulaires diverses et contraignantes qui relèvent uniquement de l’humain, pas toujours de son bon côté, trop souvent d’esprits obtus se refusant d’accorder de la souplesse à une discipline exigeante et peu compatible avec les objectifs rigides des « bureaux ».

On ne peut oublier que des milliers de vies ont été sauvées en médicalisant sur place les blessés ou les malades. Enfin, pour les zones très urbanisées, dans certains cas, notamment quand le réseau routier est complètement saturé, les coûts de la voie aérienne sont proches de ceux de la mise en œuvre d’une ambulance spécialisée avec une équipe de médecins urgentistes à bord.
Il n’est pas question de remettre en cause la nécessité d’exigence d’une sécurité renforcée et sans concession des vols sanitaires héliportés, mais il est nécessaire de prendre en compte leur spécificité, de ne pas les confondre avec ceux réalisés par des avions de ligne et de donner les moyens de répondre à ces impératifs avec un seul objectif : le malade ou le blessé.
La tonalité des commentaires relevés à propos de la menace qui pèse sur cette mise en oeuvre est assez « binaire ». Il y a ceux, ne retenant que l’aspect règlementaire européen, qui en profitent pour critiquer sans discernement « l’impérialisme » abusif de Bruxelles. La formulation la plus commune pouvant s’apparenter à celle-ci : “qu’est-ce qui peut faire plus de dégâts qu’un énarque ? Un énarque fonctionnaire européen. Tant que l’on n’aura pas compris qu’il faut réduire drastiquement le nombre de fonctionnaires qui pour justifier leur existence pondent des textes complexes, plus ineptes les uns que les autres, on continuera à aller au-devant de catastrophes règlementaires dont le citoyen fera les frais.” Il n’est pourtant pas abusif de prescrire des règles qui visent à sécuriser la pratique du vol héliporté de nuit, la moindre des choses étant qu’effectivement les pilotes appelés à le pratiquer y soient correctement préparés et entraînés. Comparer les recommandations bruxelloises en la matière à celles de la vente des fromages fermentés me semble relever de l’inconscience ou de la mauvaise foi. Reste que cette « qualification » est d’un coût élevé, environ 30 000 euros pour un pilote, et que les entreprises française de transport sont très loin d’être prêtes à engager cette dépense de formation supplémentaire. Il en est de même pour l’obligation, bientôt effective, d’un équipage de deux personnes, pilote plus mécanicien, dont le coût supplémentaire sera difficilement pris en compte par le Ministère de la santé. On le voit, plus qu’à une lubie supplémentaire de l’organisation européenne, c’est à une inadaptation nationale à des principes pourtant heureux à laquelle nous sommes confrontés.
Pour la question posée par la directive Borloo fort imprécise d’ailleurs, il s’agirait de clairement définir une « zone fortement urbanisée », les commentaires ici sont contrastés. Les habitants proches de ces grands centres qui eux bénéficient de la proximité d’équipements hospitalier performants applaudissent à la restriction, tant il est vrai qu’un hélico la nuit réveille bien du monde. Ils font partie de ces urbains qui viennent à la campagne et se plaignent d’être réveillés par le chant du coq : la campagne … OUI … mais avec un coq à des heures raisonnables ! Nous avons relevé par exemple : vivant pas loin d’un important centre hospitalier, au-dessus de chez moi c’est le ballet des hélicos à toute heure du jour et de la nuit, c’est parmi l’une des pires nuisances sonores que je connaisse… De quoi effectivement tomber malade et Borloo a raison de limiter le recours abusif à ce type de transport sanitaire. En clair, moi je suis à deux pas de l’IRM et du scanner, du neurochirurgien etc. Pour moi ça va ! Laissez-moi roupiller.
Dans un tel dossier il devrait être possible de raisonner les contraires : la sécurité doit être assurée et les abus pourchassés, mais il serait dramatique de remettre en cause gravement un outil performant qui permet d’équilibrer les chances face au désir sanitaire de qualité des français de la ville et de la campagne. source

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